Compétitivité, déficit... ce que Bruxelles espère de la France

Par Romain Renier  |   |  884  mots
Bruxelles a sévèrement mis en garde la France sur son déficit public et sur sa compétitivité mercredi. La Commission européenne attend une réduction drastique des dépenses publiques et un renforcement de la compétitivité des entreprises françaises. (Photo : Reuters)
Bruxelles a placé la France sous "surveillance renforcée", dans le cadre du semestre européen, et dresse un diagnostic sévère de l'économie française. Paris se défend timidement et surtout, s'apprête à donner des gages.

C'est un coup de semonce qu'a asséné Bruxelles à François Hollande, malgré ce qui a été qualifié par certains de "virage social libéral". La France a en effet été placée sous "surveillance renforcée" en raison notamment de l'inquiétude d'un dérapage de ses finances publiques en 2014. La deuxième économie de la zone euro se retrouve ainsi aux côtés de l'Espagne et de l'Irlande, à une différence prêt. Ces deux pays sont sous surveillance "post-programme", c'est-à-dire qu'ils sont "sur la bonne voie" après avoir été placés sous assistance financière, mais qu'ils ne sortiront de la procédure que lorsqu'ils auront remboursé une part substantielle de l'aide.

Bruxelles incrédule sur le déficit public

Pour la France, le diagnostic est bien plus sévère. La Commission européenne considère en effet qu'avec un déficit public nominal estimé à 4% du produit intérieur brut en 2014, Paris n'est pas en mesure de remplir sa promesse de passer en dessous des 3% en 2015.

Elle explique en effet que malgré les mesures prises depuis 2010, la France n'a cessé de faire croître sa dette, s'exposant, elle et toute la zone euro en raison de son caractère "systémique", à un risque de "turbulences" sur les marchés. "Ce n'est pas uniquement son économie qu'elle met en péril, mais toute la zone euro," insiste-t-on à Bruxelles.

Sans coupe dans les dépenses, risque de sanctions

Si du point de vue du déficit nominal, c'est-à-dire sans correction de la conjoncture, Bruxelles considère que Paris n'a aucune chance de rentrer dans les clous, un espoir est en revanche permis s'agissant du déficit structurel, c'est-à-dire corrigé de la conjoncture. A ce titre, la recommandation est simple et sans surprise : il faut couper dans les dépenses. Faute de quoi, l'objectif d'un déficit structurel maîtrisé ne pourra pas être atteint non plus.

Ceci n'est certes qu'une recommandation, mais si le tir n'est pas corrigé par Paris d'ici là, Bruxelles pourrait alors passer à la vitesse supérieure en demandant au Conseil européen, qui réunit les chefs des État membres, de constater l'absence d'effort. Dernière palier avant des sanctions financières.

Rétablir les marges des entreprises

Comme si cela ne suffisait pas, Bruxelles s'inquiète aussi de la perte de compétitivité de la France à l'export, soulignant la "détérioration de la balance commerciale". La France a perdu 14% de parts de marchés à l'export, souligne-t-on à la Commission.

Là encore, la solution est toute trouvée. Il faut rétablir les marges des entreprises en réduisant les charges pour faire baisser les coûts. Seul moyen, selon Bruxelles, de dégager des capacités d'investissements créateurs d'emplois. En ce sens, le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) est jugé inefficace.

Le virage "pas assez libéral" de François Hollande

A la Commission, on insiste aussi sur les rigidités du marché du travail français, malgré la réforme du contrat de travail adoptée en janvier dernier. Le salaire minimum est lui aussi pointé du doigt car, jugé trop élevé, il n'inciterait pas les salariés à se former pour augmenter leurs qualifications. Selon la Commission, cette augmentation des qualifications permettrait pourtant à l'industrie d'augmenter sa compétitivité hors coût. Bref, d'améliorer l'offre des entreprises françaises à l'international.

De quoi rappeler les propos récents de François Hollande lors de la présentation de son Pacte de responsabilité fait de réduction des dépenses publiques et de baisse des charges pour les entreprises. Il s'était alors rangé ouvertement du côté de la politique de l'offre en reprenant les mots de l'économiste libéral Jean-Baptiste Say. Malgré tout, son Pacte est encore jugé très flou à Bruxelles.

Bercy juge la vision de Bruxelles partielle

En somme, François Hollande devra donner des gages sur à peu près tout, avec guère de choix quant à la manière. Pour l'heure, à Bercy, on rappelle dans un communiqué les mesures d'économies jugées "considérables" par la Cour des comptes en 2013. On se félicite par ailleurs du fait que la Commission ait validé les prévisions de croissance du gouvernement à 1% en 2014 et 1,7% en 2015.

On rappelle aussi que la vision du déficit public qu'a Bruxelles pour 2013 n'est que partielle car elle ne comporte pas les données concernant les administrations publiques. Celles là mêmes qui présentent souvent des surprises, admet-on à la Commission. Elles seront publiées par l'Insee le 31 mars prochain.

Paris va donner des gages

En ce qui concerne la compétitivité, un accord vient d'être signé entre le patronat et les syndicats sur les contreparties apportées par les entreprises en terme d'emploi en échange des allègements de charges prévus par le Pacte de responsabilité.

Le gouvernement fixe le prochain rendez-vous à la mi-avril, lorsqu'il présentera au parlement son "programme de stabilité et son programme national de réforme", qui comprennent un volet compétitivité et un volet dépense publique. C'est sur la base de ces données que Bruxelles devra juger "la situation précise" de la France, selon Bercy. Bref, à Paris, on se défend mais aussi… on veut donner des gages.