La BCE choisit l'arme verbale pour combattre l'inflation faible

Par Romaric Godin  |   |  695  mots
Mario Draghi, président de la BCE, en reste aux menaces
Mario Draghi a insisté sur la détermination et l'unité de la BCE pour combattre la faiblesse de l'inflation. On en restera là pour cette fois.

Pour la BCE, il est donc toujours aussi urgent de ne rien faire. Aucune baisse des taux, aucune action non conventionnelle, aucune mesure nouvelle. Seule inflexion : une inflexion de parole. Dans son discours introductif, le président de l'institution de Francfort a indiqué que « le conseil des gouverneurs était unanime pour envisager aussi toute les mesures non conventionnelles nécessaire en cas de période prolongée de faible inflation. »

Message d'assouplissement

Le message est double. D'abord, l'assouplissement quantitatif (QE), l'impression massive de monnaie, n'est plus à exclure. Mario Draghi a, du reste, reconnu, que cette option avait été discutée dans le conseil, à la différence du mois dernier. Ces mesures sont donc clairement sur la table. Deuxième message : la Bundesbank allemande et ses alliés ne posent plus leur veto à cet assouplissement. Grosso modo, on savait déjà tout cela compte tenu des messages qui avaient été envoyés ces dernières semaines.

L'euro en baisse

Pour autant, la confirmation de cette option a donné un coup de faiblesse à l'euro qui, vers 16 heures était proche de 1,3715 dollar, contre 1,3776 mercredi soir. Mario Draghi peut donc espérer gagner une partie de son pari : faire chuter l'euro par la parole et la menace pour redonner un peu d'allant à l'inflation. Il est vrai que, verbalement, la BCE est montée d'un cran. Mais il faut se montrer prudent. Jusqu'ici, l'effet des paroles de Mario Draghi s'est montré limité sur le taux de change. Et sans effet durable, pas d'effet sur l'inflation.

Pas de panique…

D'autant que, pour le reste, Mario Draghi a été égal à lui-même, se voulant rassurant, puis inquiétant ; déterminé puis hésitant. Ainsi a-t-il tenté de désamorcer le mauvais chiffre de l'inflation en mars (0,5 % contre 0,7 % en avril) en rappelant que l'essentiel de la désinflation ( « 70 % ») était due à l'énergie et à l'alimentation, « éléments exogènes », que l'effet de base était responsable en partie de la baisse et que les Pâques était tardives cette année… Et comme il n'existe pas, selon lui, de risque de déflation, il n'y avait là pas de quoi intervenir.

… mais la situation est inquiétante

Pourtant, l'ancien gouverneur de la Banque d'Italie s'est montré inquiet de cette période de longue inflation faible qui pourrait freiner la reprise et rendre plus difficile le remboursement de la dette. Il s'est même montré parfois alarmiste : « Ma plus grande crainte est en fait déjà une réalité en partie. C'est celle d'une stagnation prolongée que nous voyons déjà. » Et pour cause : depuis novembre, la BCE promet cette longue période de faible inflation. Mario Draghi a aussi mis en relief la situation difficile de la zone euro : manque de dynamique du crédit, ajustement des bilans, fort chômage. Mais de là à agir…

Dans son discours introductif, Mario Draghi, a indiqué que les « anticipations d'inflation restaient bien ancrées. » Mais il admet, quelques minutes plus tard que le conseil des gouverneurs doit observer les effets du mauvais chiffre de mars sur ces anticipations, lesquelles en fait sur les marchés ont depuis quelques mois quitté largement le secteur des 2 % visés par la BCE…

La nature du QE encore problématique

Comme toujours depuis novembre dernier et la stratégie du « wait and see » (attendre et observer), Mario Draghi semble effrayé à l'idée d'aller plus avant dans les méthodes non conventionnelles. Il a ainsi prévenu que le « QE » en zone euro, en raison du poids des banques, serait plus difficile à mettre en place et plus risqué. Il a néanmoins donné quelques pistes, évoquant une « attention soutenue » accordée à la possibilité du taux d'intérêt négatif et la discussion « brève » autour du LTRO, l'apport de liquidité à long terme. Mais aussitôt, il a admis que les membres du conseil des gouverneurs ont une vision « assez différente » du QE. Bref, rien n'est vraiment décidé dans le détail et l'on comprend pourquoi on en reste à l'arme de la parole. Sera-ce suffisant ? Sans doute pas. D'ici quelques mois, une vraie action de la BCE semble inévitable. Mais le choix de cette action semble encore difficile à faire.