Taxe Tobin : Michel Sapin annonce une première étape lundi

Par Romain Renier  |   |  852  mots
Même sans les Britanniques pour leur mettre des bâtons dans les roues, les Européens ont le plus grand mal à s'entendre sur une taxe sur les transactions financières qui ne serait pas vidée de sa substance. (Photo : Reuters)
Le recours de Londres auprès de la justice européenne contre la taxe sur les transactions financières au niveau européen a été rejeté. Mais les dissensions entre Européens sur l'assiette de la taxe bloquent encore l'avancée du projet. Un premier pas sera toutefois franchi lundi, selon Michel Sapin.

C'est un grain de sable en moins dans la mise en place d'une taxe sur les transactions financières (TTF) en Europe. Mais la route est encore longue avant l'entrée en vigueur d'un dispositif efficace, si cela arrive un jour. La Cour de justice de l'Union européenne a en effet rejeté mercredi un recours britannique visant à annuler l'instauration d'une taxe Tobin, du nom de son inventeur, sur le Vieux Continent. C'est un pas important, car s'il avait été reçu, ce recours aurait tout simplement sonné le glas de la mesure.

Point de friction sur les produits dérivés

La proposition initiale de la Commission européenne de février 2013, présentée à l'époque comme une solution de compromis portait sur une taxe de 0,1% sur les transactions portant sur les actions et les obligations, et sur une taxe de 0,01% sur les produits dérivés.

Mais les discussions sont encore difficiles pour parvenir à un accord, dont le principe a été accepté par onze États-membres de l'Union européenne dans le cadre d'une coopération renforcée. Parmi ces pays, on compte la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique et l'Espagne. C'est sur l'assiette de la taxe que les onze ont ont le plus de mal à se mettre d'accord. Au coeur des débats, la taxation des produits dérivés. Selon certains opposants, il faut faire attention à ne pas taxer les produits dérivés "utiles à l'économie" qui servent aux entreprises pour couvrir leurs risques, comme l'expliquaient récemment dans un communiqué commun le Medef et Europlace.

>> Lire Pourquoi le Medef s'inquiète tant de la taxe sur les produits dérivés

Vers un accord a minima

Des arguments critiqués par les défenseurs de la TTF dans sa mouture originelle, qui au delà de son aspect fiscal, y voient un moyen de limiter les risques de crise systémique issus de l'inflation du nombre de transactions sur les produits dérivés à des niveaux déconnectés de la réalité. Il semblerait pourtant que les arguments du secteur financier, finalement une épine dans le pied plus gênante pour les défenseurs du projet que le Royaume-Uni, aient été entendus. Les dirigeants européens semblent en effet se diriger actuellement vers un accord a minima.

L'idée, explique une source proche du dossier, est désormais de commencer petit, en s'attaquant d'abord aux transactions sur les marchés d'actions uniquement, avant d'envisager plus tard la taxation d'autres produits financiers. Une position que semble finalement rejoindre la Commission européenne. Celle-ci souhaite avant tout qu'un premier pas soit fait, même si la substance n'y est pas.

Principe de résidence

Mais même dans ces conditions, les réticences se font encore sentir au niveau des États-membres. Paris s'était notamment inquiété il y a peu des potentielles délocalisations d'activités vers Londres, qui protège jalousement sa place financière contre toute tentative de mise en place d'une TTF. Un argument auquel les défenseurs de la taxe Tobin opposent le principe de résidence, qui signifie que si l'une des parties réside dans l'un des onze pays signataires, la transaction sera taxée. Ce qui obligerait les banques des onze non seulement à délocaliser leurs sièges mais aussi à ne plus traiter avec ces pays pour éviter la taxe.

Selon certaines sources, Paris pourrait cependant avoir renoncé à exclure les produits dérivés de l'assiette de la TTF, mais souhaiterait remettre en cause le principe de résidence, ce qui pour le coup validerait la thèse des délocalisations que la France dit vouloir éviter. L'information n'est pas confirmée.

Une "taxe imparfaite" mieux que pas de "taxe" selon Hollande

Dans tous les cas, les espoirs du commissaire européen à la Fiscalité Algirdas Semeta de conclure un accord "dans un futur proche" sont sans doute optimistes s'il souhaite maintenir les produits dérivés dans le champ d'application de la taxe sans remise en cause du principe de résidence. La France et l'Allemagne avaient insisté début avril pour la conclusion d'un accord avant les élections européennes qui auront lieu fin mai. Quitte à en exclure dans un premier temps les produits dérivés. Ainsi François Hollande avait-il dit préférer une taxe "imparfaite" à "pas de taxe du tout".

La réunion des ministres des Finances de l'Union européenne en début de semaine prochaine, lors de laquelle le sujet doit en principe être traité, sera peut-être l'occasion d'y voir plus clair sur la piste que souhaitent emprunter les Européens. Le ministre des Finances français, Michel Sapin, a en tout cas annoncé une "décision de principe" lundi, sur la chaîne de télévision LCP. "On demande(ra) ensuite aux techniciens de la mettre en place". Autant dire que tout restera à faire et que cette décision est surtout un moyen pour les européens d'envoyer un signal à l'opinion à quelques semaines des élections européennes.

Article publié mercredi 30 avril à 12h00 et mis à jour à 15h20, puis à 19h00.