Petro Porochenko, le “roi du chocolat“, favori des élections présidentielles en Ukraine

Par Marina Torre  |   |  923  mots
En décembre 2013, Petro Porochenko remerciait par ironie un haut conseiller du Kremlin d'avoir "uni son pays".
Dimanche 25 mai, les Ukrainiens voteront pour le premier tour de l’élection présidentielle, trois mois après la destitution de Viktor Ianoukovytch et dans un climat toujours très tendu à l’Est. Parmi les mieux placés dans la course : l’europhile Petro Porochenko, un confiseur milliardaire plusieurs fois ministre, notamment dans l'équipe de sa rivale Ioulia Timoshenko.

Le "Willy Wonka" ukrainien a de bonnes chances de devenir président. Petro Poroshenko, 48 ans, milliardaire, se positionne largement en tête dans les derniers sondages parus avant le premier tour de l'élection présidentielle prévu dimanche 25 mai.

Le "roi du chocolat" contre la "princesse du gaz"

Dans les intentions de vote, il devance l'ex-Première ministre Ioulia Timochenko de près de 30 points, selon un sondage mené entre le 29 avril et le 11 mai par l'Institut international de sociologie de Kiev (34% contre 6%). Mais prudence: un quart des répondants n'auraient pas encore fait leur choix et il faut s'attendre à une forte abstention dans l'Est du pays, notamment dans la région de Donetsk où les séparatistes pro-russes ne reconnaissent pas la légitimité du scrutin et comptent le boycotter.

Dès le mois de mars, avant même l'annonce officielle de sa candidature, et le retrait à son profit du boxeur Vitali Klitchko, l'homme d'affaires était crédité d'une large avance. Ce qui n'empêcherait pas une grande partie de l'opinion de conserver de la distance vis-à-vis de sa personnalité. Ainsi, selon un sondage datant d'avril 2014 cité par le Kyiv Post, seuls 4,4 % des Ukrainiens le jugeraient honnête, et 39% considèreraient que ses atouts principaux sont son éducation et sa culture…

Un "coup" sur le cacao en ex-Urss

Natif de Bolhrad  près d'Odessa, Piotr Porochenko a étudié le commerce international à Kiev. A l'époque de la chute de l'empire soviétique, il fait fortune en profitant de la pénurie de cacao en ex-URSS pour y exporter la précieuse denrée. Et croquer en quelques mois 30% de parts de marché, comme il l'a lui-même raconté au journal anglophone.

Rapidement, son groupe, nommé Roshen en référence à son nom de famille, devient leader de la confiserie dans plusieurs anciens pays de l'Est. Lui-même étend ses activités pour prendre la tête d'un empire incluant chantiers navals, compagnies de taxis, construction automobile ainsi que médias, avec notamment la chaîne Channel 5. Aujourd'hui, sa fortune personnelle est évaluée à 1,3 milliard de dollars (1 milliard d'euros) par le magazine Forbes, soit l'une des dix premières du pays.

Sanctions russes

Elle était encore de 1,6 milliard quelques mois plus tôt, avant le blocage des avoirs de Roshen par la Russie et l'interdiction en juillet 2013 de la vente dans le pays de ses produits sous prétexte - officiellement - qu'ils contenaient des matières premières cancérigènes.

Une interdiction éminemment emblématique à l'encontre du groupe qui fabrique également le "gâteau de Kiev", confectionné à base de noisettes dans l'ancienne fabrique Karl Marx de la capitale. Pour le groupe, la "sanction" n'est pas seulement symbolique. Pour se faire une idée, en 2012, Roshen a vendu 1,2 million de tonnes de chocolat pour une valeur de 400 millions de dollars d'après des statistiques ukrainiennes.

Aligner les salaires

Son expérience de dirigeant d'entreprise, le favori à la présidentielle la met régulièrement en avant. Il promet par exemple d'aligner le salaire moyen de tous les Ukrainiens sur celui de ses employés: 7.000 hryvnias (437 euros). "On  l'a fait pour 45 000 employés, on peut le faire pour 45 millions d'Ukrainiens", aime-t-il répéter.

Il peut en outre se targuer d'une longue expérience politique. Dans les années 2000, il créé ainsi son parti, "Solidarité", après avoir été élu député dans l'Oblast de Vinnytsia, au centre du pays. Il rejoint quatre ans plus tard les rangs de la Révolution Orange et Viktor Ioutchenko. D'abord secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense, il est ensuite, de 2009 à 2010, ministre des Affaires étrangères au sein de l'équipe menée par Ioulia Timochenko, sa rivale d'aujourd'hui.

Attirer les investisseurs étrangers

Comme dirigeant de la banque centrale ukrainienne puis ministre de l'Economie en 2012 du gouvernement Azarov, il connaît sur le bout des doigts les difficultés financières du pays, qui le contraignent à dépendre de l'aide internationale. A cette époque, il chiffre alors entre 2 et 3,5 le "pourcentage de croissance supplémentaire" qu'aurait apporté l'accord de libre-échange avec l'UE, dont les négociations sont alors gelées. Déjà, l'espoir réside dans les investisseurs étrangers, qu'il cherche à attirer en vantant la modernisation des gazoducs, le potentiel logistique d'un pays au carrefour entre l'Est et l'Ouest, l'agriculture, voire le tourisme. Il en faisait état dans une interview au quotidien suisse Le Temps.

"Merci Mr Glazyev, vous avez uni mon pays"

Au mois de décembre 2013, alors que Viktor Ianoukovitch rompt les discussions avec Bruxelles, provoquant la crise actuelle qui aboutira à sa destitution, le milliardaire juge que la "majorité des Ukrainiens" soutiennent cet accord de libre-échange. A l'économiste et conseiller du Kremlin Sergueï Glazyev qui menaçait alors le pays de supprimer les aides financières et de couper le robinet de gaz, il rétorque: "Merci Mr Glazyev, vous avez uni mon pays".

(Voir interview accordée à la BBC ci-dessous, en anglais).

 

Sur ce point, la suite de l'Histoire ne lui a pas tout à fait donné raison… Quoi qu'il en soit, ce diabétique surnommé "Roi du Chocolat", qui aurait d'ailleurs distribué des friandises aux manifestants de la place Maïdan pour les soutenir, pourrait bien devenir le prochain président d'un pays menacé d'éclatement. S'il y parvient, il vendra ses parts dans Roshen, a-t-il promis en avril dernier. "En tant que président de l'Ukraine, je vais et je veux me concentrer uniquement sur le bien-être de la nation", affirme-t-il.