Bruxelles appelle Paris à maintenir le cap de la politique de l'offre

Par Romaric Godin, à Bruxelles  |   |  1086  mots
Bruxelles veut plus de détails sur la politique de réduction des déficits de la France
Bruxelles est assez sévère avec la politique française, mais réclame de poursuivre et d'approfondir la politique de l'offre pour parvenir à l'objectif des 3 % en 2015.

Les élections européennes n'auront pas impressionné les commissaires européens. Pour son baroud d'honneur avant son remplacement par une nouvelle équipe à l'automne, la Commission dirigée par José Manuel Barroso s'est montrée particulièrement dure avec la France à l'occasion de la présentation des recommandations spécifiques aux pays prévues dans le semestre européen. Certes, Bruxelles salue la volonté de réformes du gouvernement de François Hollande, mais elle se montre particulièrement insatisfaite avec elle.

Doute sur l'objectif de Paris

La Commission doute ainsi que Paris puisse parvenir en 2015 à son objectif de 3 % du PIB de déficit public en 2015. Elle voit, à politique égale, un déficit de 3,4 % du PIB l'an prochain. Pour "des raisons de croissance."  Pour le moment, pas de quoi déclencher une mesure punitive, mais Bruxelles veut en savoir plus. « Le niveau de détail des mesures d'assainissement budgétaire est insuffisant pour garantir de façon crédible la correction du déficit excessif pour 2015 au plus tard », souligne la  Commission. « Nous demandons à la France de détailler davantage les mesures que Paris compte prendre pour atteindre le niveau de déficit requis en 2015 », a précisé Olli Rehn, le vice-président de la Commission en charge des affaires économiques et monétaires, qui attend de pouvoir observer ces mesures dans l'avant projet de loi de finances qui sera soumis à la Commission.

Baisser le coût du travail et flexibiliser le marché du travail

Parmi les mesures supplémentaires demandées par la Commission, la baisse du coût du travail et le « choc de simplification » sont jugées cruciales. Bruxelles appelle donc à « veiller à ce que la réduction des coûts du travail résultant du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) soit maintenue » et « à prendre des mesures pour réduire encore les cotisations sociales patronales conformément aux engagements pris au titre du Pacte de responsabilité et de solidarité, en s'assurant qu'aucune autre mesure n'annule leurs effets et que le ciblage actuellement envisagé soit conservé.» Autrement dit, il faut tenir le cap, sans mollir. On voit bien que Bruxelles désapprouve les « corrections » apportées par Manuel Valls à son pacte de responsabilité (mesures en faveur des bas revenus et absence de gel des minima sociaux).

Quant aux mesures complémentaires pour alléger les cotisations sociales patronales, que la Commission attend de connaitre dans le détail, elles seront en partie dévoilées dans le projet de loi de finances rectificative présenté en juin ainsi que dans les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2015. Bruxelles disposera alors de toutes les informations nécessaires. C'est important car la Commission estime qu'avec ces mesures supplémentaires, la France pourrait alors entrer dans les clous des 3%.

Pour finir, la Commission appelle à « prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre la rigidité du marché du travail.»

Maintenir le cap

Néanmoins, José Manuel Barroso estime que si « les autorités françaises introduisent les mesures annoncées avant les élections dans le cadre du pacte de responsabilité, il est encore possible pour Paris d'être dans le respect des engagements. »  La Commission demande donc à la France d'aller « plus vite. » La demande de détails n'est donc qu'un appel à intensifier la politique de l'offre. Olli Rehn a ainsi demandé au gouvernement français de « poursuivre avec détermination les réformes engagées. », a ajouté le Finlandais. 

La Commission tente de se dédouaner 

La Commission a tenté également de désamorcer le discours concernant sa capacité à « imposer » ces recommandations. José Manuel Barroso a ainsi rappelé qu'il ne s'agissait que de recommandations qui devront être adoptée par le Conseil. Il ne s'agit que de propositions. Il a tenté également de fermer toute polémique en indiquant que les mesures promues par le gouvernement français et défendue par Bruxelles « sont dans l'intérêt des français  et devraient être prises même sans nos recommandations. Ce n'est pas une demande, c'est une nécessité pour l'économie française. » Fermez le ban, donc.

Ignorer le coup de semonce des élections

José Manuel Barroso a, d'emblée, rejeté toute critique contre l'austérité. Reprenant le discours tenu aux débuts de la crise européenne, il a répété le credo habituel de la Commission : il n'y a pas de contradiction entre l'austérité et la croissance puisque la première est la condition de la seconde… En abandonnant la consolidation budgétaire, on crée de « l'incertitude » et donc un manque de confiance. Peu importe que la déflation menace… Quatre ans après le début de la crise, rien ne fera changer le président sortant de la Commission de son crédo, quoiqu'il jure ne pas avoir été « dogmatique. » En attendant, pas question pour lui de se laisser impressionner par le résultat pourtant fort sévère pour ces politiques des résultats européennes. S'il l'on en voulait une preuve : la Commission a demandé à l'Italie, malgré les appels de Matteo Renzi, de "poursuivre ses efforts", même si elle est sortie de la procédure de déficit excessif, notamment en taxant les consommateurs plutôt que les producteurs. On ne change pas une recette qui a fait ses preuves.

6 pays vont sortir de la procédure pour déficit excessif

La Commission européenne a aussi proposé de sortir six pays européens de la procédure de déficit excessif, qui concerne les Etats dont le déficit public dépasse la barre des 3% du PIB.

Les six pays en question sont la Belgique, l'Autriche, les Pays-Bas et la Slovaquie, tous quatre membres de la zone euro, ainsi que le Danemark et la République tchèque, qui n'en font pas partie.

Le nombre de pays de l'UE dont les déficits sont jugés excessifs au regard des critères européens passerait ainsi de 17 à 11, si les recommandations de la Commission sont validées par le Consei Européen. Parmi ces 11 Etats figure la France, censée donc ramener son déficit sous la barre des 3% en 2015, tout comme l'Irlande, la Pologne, le Portugal, la Slovénie et le Royaume-Uni. Un pays, Malte, doit ramener son déficit dans les clous budgétaires européens dès cette année, et quatre autres ont jusqu'à 2016 pour le faire: il s'agit de Chypre, de la Grèce, de l'Espagne et de la Croatie.