L'inflation reste faible en zone euro et complique la tâche de la BCE

Par Romaric Godin  |   |  726  mots
Les prix ont progressé de 0,5 % en zone euro en juin sur un an.
Selon Eurostat, l'inflation annuelle en zone euro est demeurée à 0,5 % en juin. Un chiffre qui montre la division croissante entre l'Allemagne et le reste de la région. Un dilemme difficile à résoudre pour la BCE.

L'inflation demeure stable à un niveau très faible. Ce matin, Eurostat a publié sa première estimation concernant la hausse des prix en zone euro au cours du mois de juin. Sur un an, les prix ont progressé de 0,5 %, soit au même rythme qu'en mai. Ce chiffre prouve une nouvelle fois la persistance de l'inflation faible parmi les 18 pays de l'union économique et monétaire. Les économistes tablaient pourtant sur une légère hausse à 0,6 %.

Inflation sous-jacente en légère hausse

Certes, la baisse des prix de l'alimentation, de l'alcool et du tabac, plus volatils que les autres, y est pour beaucoup puisqu'elle atteint 0,2 % et que, si on les exclut du décompte, ainsi que l'énergie, l'inflation sous-jacente remonte d'un dixième de point à 0,8 % contre 0,7 %. C'est plus, cette fois, que ce que prévoyaient les économistes. Mais les prix de produits manufacturés demeurent stables pour le second mois consécutif. Voici un an, l'inflation des prix industriels était de 0,7 %. Le seul soutien à la hausse des prix en zone euro est le secteur des services où l'inflation atteint 1,3 %, soit un niveau proche de celui de juin 2013 (1,4 %).

L'Allemagne à contre-courant

En termes géographique, ce chiffre est assez inquiétant et complique la donne pour la BCE. En effet, l'inflation a été plus forte que prévue en Allemagne. Elle a même bondi de 0,6 % à 1 %. Or, cette poussée n'a pas eu d'impact sur le reste de la zone euro. Ce qui signifie qu'ailleurs, la hausse des prix s'est affaiblie. On le savait depuis vendredi pour l'Espagne où l'inflation est passée de 0,2 % en mai à 0 % en juin. On en a eu la confirmation pour l'Italie ce lundi, puisque l'institut statistique Istat a indiqué que les prix à la consommation dans la Péninsule avait cru de 0,2 % en juin contre 0,4 % en mai. En Italie, l'inflation sous-jacente recule même de 0,8 % à 0,7 %.

La BCE face à une situation complexe

Bref, la situation demeure très complexe à gérer pour la BCE. S'il est sans doute trop tôt pour parler d'un impact des mesures annoncées le 5 juin dernier, il n'en reste pas moins qu'il n'y a pas eu de « choc » dans la zone euro. L'application des taux négatifs de dépôts n'a pas encore conduit à irriguer les économies périphériques et la baisse de l'euro en juin n'a pas entraîné de reprise de l'inflation. Surtout, la BCE doit faire face à deux situations différentes. En Allemagne, l'économie est portée par la demande intérieure et la consommation et l'inflation va sans doute avoir tendance à remonter. Mais ailleurs, les politiques d'austérité, le chômage élevé et le manque d'investissement continuent à peser sur l'activité et à réduire la capacité des entreprises à dicter leurs prix. La tendance est donc déflationniste.

Le dilemme de la BCE

C'est donc un dilemme qui va rapidement se présenter à la BCE. Si elle se montre prudente pour contrer les inquiétudes allemandes, elle risque d'accélérer la « japonisation » du reste de la zone euro en conduisant à des anticipations d'inflation faibles, voire négatives dans ces pays. Mais si elle lance un vaste programme de rachats d'actifs pour maintenir l'inflation de la zone euro hors Allemagne en territoire positif, elle risque de provoquer les cris d'orfraies de la Bundesbank. Non sans raison, car l'Allemagne étant un havre de croissance dans la zone euro, cet argent pourrait bien s'y retrouver sous la forme de bulles de crédits, notamment immobilier. C'est dire si les mois quoi viennent vont être difficiles pour Mario Draghi.

Les Etats toujours passifs

C'est dire aussi que sa conférence de presse de jeudi 2 juillet sera suivie avec intérêt. Si, évidemment, il ne faut pas s'attendre à un nouveau geste de la part de la BCE, alors même que son artillerie de mesure n'est pas encore en place, Mario Draghi devra néanmoins trouver un discours alliant fermeté face au risque déflationniste et soucis de ne pas alimenter les bulles. Une quadrature du cercle. Mais il est vrai que la situation actuelle montre surtout les limites d'une stratégie qui ne repose que sur la politique monétaire pour relancer l'activité, tandis que les Etats mènent une politique à contre-courant. C'est bien plutôt sur ce point qu'il conviendrait d'avancer. Le récent sommet européen plaide pourtant, malgré les mots, pour une poursuite du statu quo.