Madrid et Berlin renforcent leur alliance en faveur de l'austérité

Par Romaric Godin  |   |  596  mots
Luis de Guindos, ministre de l'économie espagnol et futur patron de l'Eurogroupe
La rencontre entre Angela Merkel et Mariano Rajoy a resserré les liens entre les deux pays autour de la défense de la politique d'austérité. Madrid y a gagné la direction future de l'Eurogroupe.

Entre Berlin et Madrid, l'entente n'a jamais été aussi parfaite. La rencontre de ce lundi entre Angela Merkel et Mariano Rajoy à Saint-Jacques-de-Compostelle s'est déroulée dans une ambiance des plus joyeuses et dans une entente parfaite sur la nécessité de poursuivre et de soutenir les politiques d'austérité en Europe.

Défense de l'austérité

Angela Merkel s'est même voulue lyrique en promettant de ne « jamais oublier de toute sa vie » son séjour dans la cité apostolique, patrie du président du gouvernement espagnol. Il est vrai qu'elle a des raisons de se réjouir car la chancelière a pu compter sur un soutien sans faille et enthousiaste de Mariano Rajoy. « Il faut poursuivre la politique de consolidation budgétaire, il faut faire plus de réformes structurelles », a-t-il martelé. Et Angela Merkel de se réjouir : « je partage l'opinion de Mariano Rajoy sur la consolidation budgétaire et les réformes structurelles. » Bref, l'accord est parfait.

Une récompense pour Madrid

Comme jadis on scellait une alliance par un mariage princier, l'Allemagne a récompensé l'Espagne de sa fidélité par l'obtention d'un poste européen. Le ministre des Finances du gouvernement espagnol Luis de Guindos a ainsi obtenu le soutien d'Angela Merkel pour sa nomination à la tête de l'Eurogroupe. C'est un poste important, car l'Eurogroupe, qui regroupe les 18 ministres des Finances de la zone euro, est décisionnaire dans la plupart des dossiers économiques concrets, notamment le suivi des aides aux pays ayant réclamé le soutien du MES.

Continuité dans l'Eurogroupe

Ce poste-clé avait, après le départ de Jean-Claude Juncker en 2012, fait l'objet d'une lutte entre Paris et Berlin, mais Angela Merkel avait réussi à imposer le travailliste néerlandais Jeroen Dijsselbloem. Ce dernier a plus d'un point commun avec Luis de Guindos. Comme lui, il a défendu et mis en œuvre dans son pays une politique d'austérité sévère et il est partisan d'une orthodoxie financière stricte. Nommer l'Espagnol à la tête de l'Eurogroupe assure donc une continuité qui complait à Berlin. Pour justifier son choix, Angela Merkel a indiqué que Luis de Guindos s'entendait très bien avec Wolfgang Schäuble, son propre ministre des Finances, ce qui est une condition sine qua non pour ce poste. Quoi qu'il en soit, le futur patron de l'Eurogroupe devra donc bien se souvenir de qui il tient son poste.

Une alliance essentielle pour Berlin

Pour Berlin, l'alliance avec Madrid est un pas stratégique essentiel. D'abord, parce que l'Espagne apparaît comme un des rares exemples de « succès » de l'austérité en Europe avec sa croissance au deuxième trimestre 2014 de 0,6 %. Mariano Rajoy et Angela Merkel n'ont eu de cesse ce lundi de se féliciter de ce chiffre. Sans évidemment évoquer le risque déflationniste qui menace le pays (l'inflation était de -0,3 % en juillet), ni le chômage encore à 24,5 % de la population active. Ensuite et surtout, parce que Berlin se cherche des alliés sûrs et puissants pour faire contrepoids aux critiques de la BCE et de plusieurs pays d'Europe contre l'austérité. S'il venait à l'idée à François Hollande de soutenir les demandes de flexibilité des calculs de déficits de Matteo Renzi, l'axe germano-espagnol ne sera pas de trop pour le contrer.

Cette journée « inoubliable » en Galice d'Angela Merkel est donc importante : c'est celle de la naissance d'un couple « germano-espagnol » de défense de l'austérité qui pourrait bientôt être plus important du point de vue allemand que le vieux et poussif couple franco-allemand.