Berlin révise sa croissance en forte baisse, mais tient à l'équilibre budgétaire

Par Romaric Godin  |   |  718  mots
Berlin n'attend plus que 1,2 % de croissance pour 2014.
Le gouvernement allemand ne prévoit plus pour 2014 qu'une croissance de 1,2 % contre 1,8 % jusqu'ici. Mais ni les Conservateurs, ni les Sociaux-démocrates ne veulent revenir sur le plan budgétaire.

Le gouvernement allemand revoit fortement à la baisse sa prévision officielle de croissance pour 2014. Désormais, le ministère fédéral de l'Economie ne prévoit plus que 1,2 % de croissance pour cette année, contre 1,8 % prévu jusqu'ici. Pour 2015, la prévision est abaissée de 2 % à 1,3 %. La raison en est claire : le ralentissement des exportations. « L'économie allemande se trouve dans une situation en termes extérieures difficile », a résumé le ministre de l'Economie social-démocrate Sigmar Gabriel. Les exportations ne devraient pas progresser cette année de plus de 3,7 %, autrement dit la croissance devrait être très faible au second semestre.

Ralentissement des investissements

La baisse des commandes à l'export - notamment en provenance de Chine et d'autres pays émergents - mais aussi les crises géopolitiques ont renforcé le sentiment d'incertitudes des agents économiques allemands, principalement dans l'industrie. Du coup, le mouvement de reprise des investissements après deux ans de lourde chute devrait être bien moins marqué qu'attendu. Les investissements d'équipement devraient ainsi croître en 2014 de 3 % seulement, après deux ans de recul de -2,7 % en 2013 et -2,9 % en 2014. Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que, les investissements ont progressé de 6,9 % au premier trimestre et de 2,1 % au deuxième. On attendait jusqu'ici une croissance de 6,3 %. On doit donc s'attendre non pas à un ralentissement, mais à une nouvelle période de désinvestissement au cours des deux prochains trimestres.

Consommation et construction : les deux moteurs qui fonctionnent

Plus que jamais, donc, l'Allemagne demeure très dépendante de sa consommation et, surtout, de la croissance de son marché de la construction. La bonne tenue du marché du travail, l'envolée des salaires réels (prévus à + 2,6 % cette année et +2,7 % l'an prochain) permettent de tabler sur une croissance de 1 % de la consommation en 2014. Une croissance somme toute très mesurée au regard d'une situation de quasi plein emploi et d'une forte hausse des revenus. En 2013, la consommation avait crû de 0,8 % et elle avait encore progressé de 1 % au cours des deux trimestres suivants.

Reste donc la construction. Les taux bas et l'effet richesse des ménages permettent à ces derniers d'accéder à l'achat de biens immobiliers, phénomène relativement nouveau outre-Rhin et qui est encore renforcé par l'absence de placement à fort rendement. En 2014, Berlin table sur une hausse de 3,7 ù%en 2014 et 2,9 % l'an prochain.

Effet du ralentissement sur la demande intérieure des ménages ?

Tout ceci suppose cependant un « trou d'air » temporaire du moteur extérieur. Mais qu'en sera-t-il réellement ? On peut imaginer, malgré le niveau faible des salaires, que les entreprises tentent, devant la baisse des commandes, de réduire l'impact sur les marges en demandant une modération salariale aux syndicats et en augmentant la part du salariat non soumise aux négociations collectives. Le revenu disponible croîtrait alors moins rapidement et la croissance allemande se réduirait encore.

La SPD s'aligne sur Wolfgang Schäuble

Cette possibilité n'est pas à écarter. Et Sigmar Gabriel a défendu l'idée qu'il fallait agir pour contrer la décélération de l'économie par « une amélioration du cadre des investissements privés », notamment dans l'énergie et l'Internet à haut niveau. Il a aussi demandé une augmentation des investissements dans les infrastructures. Mais à la différence de Carsten Schneider, un député social-démocrate qui a demandé la modification du plan budgétaire, Sigmar Gabriel s'est clairement rangé dans le camp du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble qui est aussi favorable à plus d'investissement, mais sans dette nouvelle. Sigmar Gabriel a même pris des tons proches de ceux de Wolfgang Schäuble : « plus de dettes ne fait pas plus de croissance en Italie, en France, en Espagne ou en Grèce. » Point final.

Le message de Sigmar Gabriel qui a appelé à ne pas sombrer dans la panique, c'est que la SPD ne proposera pas de changement du plan budgétaire. Il est vrai que, politiquement, elle n'en a guère la possibilité. La priorité de Berlin reste donc son équilibre budgétaire des finances fédérales. Or, moins de croissance signifie moins de recettes. Donc : moins d'investissement public, afin de maintenir le « Schwarze Null », le point d'équilibre budgétaire. Malgré le ralentissement de sa croissance, l'Allemagne ne relancera pas pour le moment, loin de là.