La peu convaincante "nouvelle donne" européenne d'Emmanuel Macron

Par Romaric Godin  |   |  740  mots
Emmanuel Macron veut une "nouvelle donne" pour l'Europe...
Emmanuel Macron a une conception particulière de la solidarité européenne. Pas sûr que la France en sorte gagnante.

C'est une étrange vision de l'Europe qu'a développé hier Emmanuel Macron. Revenant sur sa proposition « 50/50 », qui propose 50 milliards d'euros d'économies budgétaires en France contre 50 milliards d'euros d'investissements publics en Allemagne, il a précisé : « chacun fait ce qu'il doit faire. » Et d'ajouter ce mardi dans un tweet :


Etrange « nouvelle donne européenne » qui sanctifie le « chacun pour soi » que l'Union européenne devait précisément mettre « hors la loi. » On n'a cessé de parler de coopération, de coordination. On n'a cessé de fustiger les « retours sur soi. » Pour finalement en arriver à ce petit bréviaire libéral : que chacun poursuive ses intérêts propres et l'Europe avancera. La somme des intérêts particuliers assurera donc le bonheur commun.

Incapacité française à peser en raison du déséquilibre des exigences

En réalité, cette « nouvelle donne » est une nouvelle usine Potemkine qui cache tant bien que mal l'incapacité de la France à peser sur l'Allemagne. Pourquoi ? Parce que les cadres institutionnels mis en place en 2011 et 2012 en Europe pèsent sur la France et sur son déficit, pas sur l'Allemagne. Parce que ce cadre ne prévoit de la solidarité qu'en cas extrême, celle d'une menace de faillite d'un Etat membre. Autrement dit, et c'est la faiblesse du « new deal » d'Emmanuel Macron : la France est sous la pression directe de la Commission pour « faire des réformes » et réduire ses dépenses publiques, tandis que l'Allemagne peut déterminer elle-même, combien, quand, pourquoi et pour qui elle entend relancer son économie. Elle peut aussi continuer de s'en tenir à son plan budgétaire qui, rappelons-le, a pour finalité de préparer le grand « tournant démographique » des années 2020, mais aussi de respecter la règle d'or allemande. Cette règle constitutionnelle est plus stricte que le pacte budgétaire et n'autorise en théorie qu'une mobilisation de 25 milliards d'euros, soit les 1 % de déficit d'écart entre le schéma budgétaire prévu et l'état prévu du budget allemand. Ce qui est certain, c'est que nul ne peut en Europe, en dehors du gouvernement allemand, établir ses priorités. Il existe donc un déséquilibre radical entre la capacité de définition des intérêts particuliers de la France et de l'Allemagne.

 La « nouvelle donne » : une solution pour la France ?

Reste ensuite à déterminer si cette « nouvelle donne » basée sur les égoïsmes nationaux peut réussir à relancer la croissance européenne. Les « réformes » et la « réduction des dépenses » aura un effet forcément négatif sur la croissance française et il faudra attendre assez longtemps (Goldman Sachs estime avec optimisme que l'impact positif des réformes prend au moins 5 ans à se manifester). Evidemment, l'idée est que, pour compenser cet effet négatif, les entreprises françaises profiteront de la relance allemande. Mais là encore, c'est à voir.
La France ne sera pas seule à prétendre aux marchés allemands. Il y aura aussi des entreprises allemandes et beaucoup d'autres. Le jeu à somme nulle d'Emmanuel Macron est donc une vue de l'esprit, un miroir aux alouettes de la communication. Sans compter que si le plan de relance allemand est concentré sur l'économie allemande uniquement, son effet risque d'être assez faible sur les autres économies. Le plan de relance de 2009 - 80 milliards d'euros - avait dopé la croissance allemande de 2010 (4 %), mais le reste de la zone euro, notamment l'Italie et la France n'en avait guère profité.

 Une course à la compétitivité ?

De plus, le ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel a indiqué qu'il fallait relancer les investissements pour « améliorer la compétitivité de tous les pays. » Or, non seulement, c'est déjà l'esprit des institutions actuelles de la zone euro, mais c'est là aussi un jeu de dupes : si tout le monde augmente sa compétitivité en même temps, y compris les plus compétitifs, ces derniers sont assurés in fine de remporter la mise.
La somme des intérêts particuliers n'est alors pas la représentation de l'intérêt général. Bref, la « nouvelle donne » d'Emmanuel Macron apparaît davantage comme une opération séduction que comme une vraie vision de l'Europe.