Le rideau de fumée du plan de relance allemand de 10 milliards d'euros

Par Romaric Godin  |   |  494  mots
Wolfgang Schäuble veut investir, mais pas tout de suite.
Wolfgang Schäuble a annoncé ce jeudi un plan d'investissements supplémentaires de 10 milliards d'euros. Mais sur trois ans à partir de 2016. Avant tout, une opération de communication.

L'Allemagne fait un tout petit pas en réponse aux demandes de relance venant d'un peu partout. A l'issue du traditionnel séminaire d'évaluation des recettes fiscales, le ministre fédéral allemand des finances, Wolfgang Schäuble, a annoncé un plan d'investissements supplémentaires de... 10 milliards d'euros dans deux ans et sur trois ans !

Pas de dette nouvelle

Car le ministre des finances ne veut pas toucher à son objectif de « schwarze Null », le retour à l'équilibre des finances publiques fédérales en 2015. Pas question donc de relancer maintenant. Il faudra attendre. Fidèle à son credo qu'on ne « fait pas de croissance avec de la dette », Wolfgang Schäuble veut maintenir son objectif d'équilibre jusqu'en 2018 au moins. Seulement, à partir de 2016, Berlin attend de nouvelles marges de manœuvre. Outre l'effet des taux très bas que doit servir l'Allemagne, le gouvernement table sur une moindre contribution au budget européen et une réduction du financement du déficit de la caisse de retraite. C'est avec ces moyens qu'il entend investir 3,3 milliards d'euros de plus par an entre 2016 et 2018.

Impact nul ou presque

Cette annonce est une opération de communication, rien de plus. La somme injectée annuellement représente 0,11 % du PIB. Or, en termes de plan de relance, faire si peu revient souvent à ne rien faire. L'effet sur l'économie allemande sera très faible, voire nul et celui sur l'économie de la zone euro encore plus réduit. Une étude de S&P indiquait récemment qu'une relance de 1 % du PIB en Allemagne conduisait à une hausse de 0,3 point de PIB de la croissance de la zone euro et 0,12 point en France. En décalant la virgule vers la gauche, on appréciera l'effet de cette relance. Pour l'Hexagone, la croissance sera dopée de 0,012 point de PIB...

Trop tardif

Part ailleurs, cette annonce traduit une incompréhension complète de l'urgence de la situation dans la zone euro. Annoncer des investissements pour 2016 est une négation des plaies actuelles de la zone euro, et notamment du problème de demande. L'objectif de Wolfgang Schäuble n'a pas changé : il reste obsédé par l'équilibre budgétaire des finances fédérales. Rien d'autre. D'ici à 2018, il sera du reste possible de revenir sur ce plan d'investissement minimal en fonction de l'évolution des recettes fiscales...

Faux-nez

En revanche, c'est une bonne opération de communication. Cette annonce a surpris la presse allemande et les sites Internet titrent sur « les milliards » mis à disposition de l'économie... Berlin veut ainsi dire qu'il a agi. Il cherche à clore le débat sur sa relance, peut-être pour replacer le débat sur les « réformes » et la consolidation budgétaire. Mais concrètement, c'est un faux-nez. L'Allemagne n'a pas bougé et va demander à la France et à l'Italie des efforts immédiats supplémentaire. Un jeu de dupes où les deux gouvernements seraient bien avisés de ne pas tomber.