Grèce : le coup de force de la BCE

Par Romaric Godin  |   |  654  mots
La BCE a coupé l'accès normal des banques grecques aux refinancements
La BCE a annoncé ce mercredi soir qu'elle cessait d'accepter les titres grecs comme collatéraux. Le système bancaire grec n'est désormais relié à la zone euro que par le programme d'accès à la liquidité d'urgence qui est soumis à un accord avec les créanciers d'ici au 1er mars.

La BCE met la pression sur la Grèce. Ce mercredi soir, l'institution de Francfort a levé l'éligibilité des obligations d'Etat grecques comme collatéraux pour les opérations normales de refinancement dans la zone euro. Ceci signifie que, pour venir retirer des liquidités auprès de la BCE, les banques ne pourront plus donner comme garanties les titres grecs.

Exception levée

Cette décision lève en fait une exception qui avait été accordée à la Grèce sous la condition qu'elle suive le programme de la troïka. Normalement, la BCE n'accepte que les obligations d'Etat notées dans la catégorie "d'investissement" par les agences, ce qui n'est pas le cas des titres helléniques. Elle avait accepté des dérogations pour les pays "sous programme" en considérant que ces pays étaient sur la voie du retour à une meilleure notation. D'où cette condition du programme.

Athènes ayant refusé de collaborer avec la troïka, la BCE, considérant de son propre chef qu'il n'y a pas de perspectives que le programme soit poursuivi, suspend l'exception. Le Conseil des gouverneurs n'aura donc pas attendu que les négociations s'engagent réellement entre Athènes et ses créanciers. La BCE est, du reste, allée à la limite de son mandat en suspendant cette exception sur la simple « présomption » (selon le communiqué de presse ) qu'un accord ne pouvait être trouvé.

Le dernier fil entre la Grèce et la zone euro : l'ELA

Pour le moment, la BCE ne « coupe » pas le robinet à la Grèce. Certes, les banques grecques ne pourront guère aller, faute de collatéraux, se refinancer au guichet de la BCE. Les banques grecques pourront, en revanche, toujours bénéficier de l'accès à l'aide à la liquidité d'urgence (ELA) qui, cet après-midi, a été confirmé jusqu'au 28 février. Avec cet accès, les banques pourront continuer à fonctionner normalement, mais pendant 25 jours. Pas un de plus. Surtout, la BCE peut couper cet aide normalement « temporaire » à tout moment.

Coup de tonnerre

Cette décision de la BCE est un coup de tonnerre : elle signale à la Grèce qu'elle n'est plus tenue dans la zone euro que par un fil, celui de l'ELA. Or, l'ELA est lui aussi dépendante de l'acceptation du programme. C'est clairement une offensive de la BCE contre le nouveau gouvernement afin qu'il revienne en arrière et accepte les conditions des créanciers. C'est un appui à la contre-offensive de Berlin qui enjoint Athènes de rentrer dans le rang de la troïka. C'est aussi une fin de non recevoir pour les propositions de Yanis Varoufakis, le ministre des Finances hellénique qui, mardi, a proposé des projets de restructuration de la dette hellénique. Mais il y a pire : la BCE menace de causer une panique bancaire pour forcer le gouvernement grec à céder. C'est là jouer avec le feu.

25 jours pour trouver un accord. Pas un de plus

Le calendrier est donc désormais clairement fixé : la Grèce dispose de 25 jours pour trouver un accord avec ses créanciers. Faute de quoi, il ne lui restera guère d'autres solutions que de sortir de facto de la zone euro. La BCE tente encore une fois clairement l'intimidation qui avait réussi par deux fois à faire céder les pouvoirs en place : en 2010 en Irlande et en 2013 à Chypre. La BCE affirme encore une fois un rôle politique qui n'est guère en accord avec sa soi-disant indépendance. Reste la question : Athènes baissera-t-elle la tête comme jadis Nicosie et Dublin ? Impossible à dire. Ce soir, Athènes a répété qu'il n'était pas question d'accepter la poursuite de l'austérité. La BCE est-elle prête à prendre le risque d'une sortie de la Grèce de la zone euro et le gouvernement grec est-il prêt à abandonner ses promesses électorales ? Toute la question est là.