Dennis Turner : "Un pré-budget de fin de mandat"

L'économiste en chef pour le Royaume-Uni chez HSBC juge contrasté l'héritage que laissera Gordon Brown. Plutôt positif sur le plan macro-économique, même si les chiffres sont moins bons qu'en apparence et une situation financière détériorée par rapport à son arrivée.

Latribune.fr- Gordon Brown a présenté mercredi son dixième pré-budget depuis l'arrivée des travaillistes au pouvoir, en 1997. Avec quels résultats ?

Dennis Turner- C'est clairement un pré-budget de fin de mandat, car Gordon Brown espère devenir Premier ministre l'année prochaine. L'héritage qu'il laisse au Trésor est plutôt positif sur le plan macro-économique. Le Royaume-Uni connaît sa plus longue période de prospérité économique de l'âge moderne ; la croissance reste solide et l'inflation relativement basse. Mais sous la surface, les chiffres sont moins bons qu'ils n'y paraissent. La croissance a été en effet tout au long de cette période assez déséquilibrée : elle a été portée par la consommation des méanges, qui représente 66 % du PIB britannique alors que les investissements des entreprises (11%) et les exportations n'y ont que faiblement contribué. D'où le voeu formulé par Gordon Brown d'avoir à l'avenir une croissance plus liée aux investissements et aux exportations, le rêve de tout pays.

Vous pensez que ce sera possible ?

J'ai des doutes quant à la possibilité d'accroître les exportations. Quels sont les marchés principaux du Royaume-Uni ? Ce sont les Etats-Unis et l'Europe. Or, l'économie américaine apparaît en phase de ralentissement, alors que l'Europe est marquée par une croissance molle. Les marchés asiatiques sont encore un faible débouché pour l'économie britannique, cela va changer, mais pas d'un jour à l'autre.

La société britannique est très endettée avec au total plus de 1000 milliards de livres de dettes, selon la Banque d'Angleterre. Quels sont les risques pour l'économie ?

C'est une question centrale. Le haut niveau d'endettement, couplé à des taux d'intérêt plus élevé qu'il y a trois ans (ils ont grimpé le mois dernier de 5%) met une certaine pression sur les ménages et les consommateurs. Ceux-ci pourraient commencer à dépenser moins, ce qui implique, dans une économie dépendante de la consommation, un risque de ralentissement de la croissance.

En même temps, Gordon Brown continue d'annoncer des investissements majeurs dans le secteur public, hier dans la santé, aujourd'hui dans l'éducation... Sera-t-il en mesure de respecter l'équilibre budgétaire auquel il dit être attaché ?

Tout le problème est de savoir s'il peut tenir ses prévisions de croissance, qu'il chiffre à 3% pour l'année prochaine. Personnellement, je crois que la croissance sera limitée à 2%, car je m'attends à une baisse de la consommation. Si les recettes sont moindres que prévu, Gordon Brown devra forcément soit emprunter davantage, soit revoir à la baisse ses plans d'investissement. Aucune de ces deux solutions n'est souhaitable, d'autant moins s'il doit faire ce choix à la veille des prochaines élections. On peut en tout cas d'ores et déjà voir que les dépenses publiques vont croître au cours des prochaines années moins vite que l'économie alors qu'elles ont augmenté jusqu'à présent (2001-2006) plus vite que l'économie. Nous sommes déjà dans une logique de ralentissement des dépenses publiques.

Est-ce que Gordon Brown a établi une plate-forme crédible pour devenir enfin Premier ministre ?

Il a indiqué les priorités correctes en terme de choix à long terme : l'éducation et les infrastructures sont absolument fondamentales aujourd'hui. Il a aussi raison de promouvoir une économie ouverte et non protectionniste et de vouloir équiper le Royaume-Uni avec les compétences nécessaires à être compétitif dans l'économie globale. Mais je pense aussi qu'il laissera le Trésor et les finances publiques en moins bon état qu'il les a trouvés en 1997, lorsque le Labour Party est arrivé au pouvoir. Kenneth Clark, le dernier Chancelier (ministre des finances, NDLR) conservateur a laissé un héritage meilleur que celui que Gordon Brown léguera à son successeur.

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