La nouvelle vague Internet veut se démarquer de la bulle

Yoono, nouveau moteur de recherche 100 % français, est dans la mouvance des applications web 2.0. Les entrepreneurs du web 2.0 ne veulent pas ressembler à ceux de la bulle. Ce sont pourtant souvent les mêmes que l'on retrouve six ans après.

L'agence de communication vous harcèle, vous et vos collègues depuis des jours. C'est le lancement d'un nouveau moteur de recherche, avec une technologie révolutionnaire, ne manquez pas la conférence de presse ! Le lieu du rendez-vous, une adresse improbable du 18e arrondissement parisien, loin des quartiers de bureaux ou des coins populaires-bobo à la mode, est un hôtel tout neuf, dans un passage étroit, et dont la "branchitude" s'annonce dès la cour d'entrée, ornée d'une haute potiche translucide qui attend encore les plantes, et d'une autre où les (fausses) branches d'un arbuste noir portent de (vraies ?) orchidées. Les sièges de la salle de conférence sont des banquettes moëlleuses, couvertes d'une épaisse fourrure noire et brillante. Le nouveau moteur n'a pas oublié d'inscrire le "OO" de rigueur à son nom : Yoono fait son lancement grand public, même s'il cherche encore à lever des fonds et n'a pas engrangé un centime de chiffre d'affaires.

Le décor pourrait tromper, le nom aussi, mais attention, nous ne sommes pas en 1999. Les journalistes d'ailleurs ne se bousculent pas. Yoono appartient à la génération web 2.0, un concept dont le "buzz" sur la Toile n'a pas encore généré l'excitation qui pourrait gonfler une bulle 2.0.

Sous le vocable à la mode de web 2.0, on tente de désigner la révolution en cours, celle de l'intelligence collective, avec l'essor d'applications collaboratives, de services qui s'enrichissent parce que les internautes y partagent leurs données. Avec Yoono, ils partagent leurs favoris et c'est à partir de ces favoris que le moteur recherche les sites correspondant à une requête. L'indexation ne se fait pas par mots-clés, et reste donc indépendante de la langue. A la requête, "chaînes de télévision", remonte par exemple, en premières réponses, les sites des principales chaînes françaises, ce qui n'est pas le cas sur Google. La technologie semble pertinente.

C'est évidemment un pré-requis, mais c'est surtout le mode de développement de Yoono qui est représentatif de la génération web 2.0. Pour recruter des utilisateurs, dont certains ont le statut d'experts recommandant ses favoris sur un sujet donné, Yoono s'est adressé en octobre 2005 en France et aux Etats-Unis à des bloggueurs bien ciblés Depuis janvier dernier, il a été publié sur le portail des extensions au navigateur "libre" Firefox , pouvant s'insérer sur sa barre d'outils pour rechercher, à tout moment d'une navigation les suggestions de Yoono, pour des sites sur la thématique de celui qui est en cours de visite : 10.000 utilisateurs ont été recrutés à ce jour. Si Yoono compte vivre de la publicité et des liens sponsorisés, lui-même de fera aucune publicité, martèlent ses fondateurs.

L'expansion se fera d'elle même par le web, les blogs, et ... les quelques journalistes venus à la conférence. Hotel branché certes mais profil modeste donc : après deux ans de développement, les fondateurs se disent sur le point de lever 1,5 million d'euros auprès de fonds de "venture" capital. De quoi assurer deux ans de fonctionnement, avec une équipe réduite. Brûler du cash est décidément passé de mode. Annoncer des objectifs délirants aussi : 150.000 utilisateurs dans un an suffirait au bonheur de Yoono, qui se veut "complémentaire" de Google sur des recherches thématiques, mais sait bien que le géant de l'Internet ne ferait de lui qu'une bouchée, si sa technologie le séduit. Pas question donc de reproduire les folies de la bulle web 1.0, sur le web 2.0.

Il faut dire que les nouveaux entrepreneurs du web.2 ont eu tout loisir de vivre de l'intérieur les déraisons de la bulle. Laurent Quérel, directeur technique de Yoono et inventeur de la technologie du moteur, et Pascal Josselin, son Pdg, se sont croisés en 1999 chez Fi System, la "web agency" la plus en vue à l'époque avant de sombrer en 2002. Une autre jeune pousse tricolore web 2.0, NetVibes (page d'accueil personnalisée avec ses blogs, ses fils RSS...), fondée par Tariq Krim, a vu se pencher sur son berceau pour financer son démarrage des entrepreneurs de la première vague du web, Marc Andreessen (fondateur de Netscape), et Martin Varsavsky (fondateur de Jazztel, Ya.com) et Pierre Chappaz (fondateur de Kelkoo). Ce dernier développe d'ailleurs son propre moteur web 2.0, Wikio, spécialisé sur l'actualité.

Bref sur le web 2.0 français, on retrouve les net entrepreneurs de la fin des années 90, ceux qui ont réussi, survécu, rebondi et qui y croient toujours mais ont appris qu'une activité pérenne se bâtit avec patience et non d'un coup de bourse.

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