"La nouvelle législature italienne ne devrait pas durer"

Luca Silipo, économiste chez Ixis, estime que le gouvernement issu de l'étroite victoire du centre gauche de Romano Prodi dans les élections législatives italiennes manquera terriblement de marges de manoeuvre. Ce qui pose des questions sur sa viabilité, tandis que la note souveraine de l'Italie pourrait de nouveau être dégradée.

latribune.fr - Vous attendiez-vous à un tel dénouement?

Luca Silipo - Tout le monde anticipait une victoire ferme du centre gauche. Mais en raison d'une campagne électorale désastreuse, Romano Prodi n'a obtenu qu'une courte majorité dans les deux Chambres du parlement, particulièrement au Sénat où sa coalition dispose de deux sièges d'avance seulement pour gouverner. Et c'est sans tenir compte des sept sénateurs à vie qui brouillent encore plus les cartes.

La coalition de l'ancien président de la Commission européenne est-elle suffisamment unie pour faire passer des lois?

Le succès de l'aile la plus radicale comme le Parti de Refondation communiste renforce la nécessité d'une solidarité entre les partis de gauche pour pouvoir gouverner. Seule l'hostilité à l'encontre de Berlusconi peut favoriser cette cohésion. Or ce dernier devrait rester à la tête de la coalition de droite, ce qui était loin d'être acquis il y a quinze jours, lorsque les sondages créditaient le parti de centre gauche de quatre points d'avance. Il y a quatre mois, ce sont même huit points de plus qui étaient prévus.

C'est donc un quasi-succès pour Berlusconi?

Malgré cette mort annoncée, Berlusconi a accompli l'exploit de ne pas perdre son leadership. Surtout, la partie septentrionale du pays, la plus riche et la plus productive, lui est restée majoritairement fidèle. De quoi rendre la tâche de Romano Prodi encore plus ardue. Paradoxalement, ce dernier a été élu grâce aux votes des Italiens résidant à l'étranger autorisé par la nouvelle loi électorale qu'il avait vivement critiquée. Mieux encore, grâce à la "prime" (elle aussi âprement critiquée par le Centre Gauche lors de sa promulgation) que la nouvelle loi électorale octroie à la coalition gagnante, un mince avantage à la sortie des urnes lui a permis d'obtenir une majorité d'une soixantaine de sièges à la Chambre.

La situation est-elle viable?

Tout porte à croire que cette législature ne durera pas son temps naturel. Elle pourrait dans le meilleur des cas déboucher sur un renouvellement de la classe politique. Les nouveaux leaders, incarnés par exemple par Walter Vetroni et Pier Ferdinando Casini respectivement pour les partis de centre gauche et centre droit, constitueraient une énième chance de restaurer l'image politique de l'Italie. En attendant, avec seulement 25.224 voix d'écart entre les deux coalitions, Berlusconi exige un nouveau décompte des voix. Jamais une élection nationale n'a été aussi contestée.

Le jour des résultats, l'indice phare de la Bourse de Milan a chuté de 1,85%, quel peut être l'impact de ces élections sur les marchés?

Les actifs obligataires et les marchés d'actions italiens devraient faire moins bien que dans le reste de l'Europe. La probabilité que Standard & Poors dégrade une nouvelle fois la note souveraine de l'Italie a significativement augmenté avec ces élections. Avec un endettement public de 108,2% du PIB en 2005 et un déficit budgétaire à 4,1% du PIB, qui a dépassé le seuil de tolérance de la Banque centrale européenne de 3% pour la troisième année consécutive, l'assainissement des finances publiques ne peut plus tarder. Actuellement à AA- chez S&P et à AA chez Fitch, et déjà sous perspective négative pour les deux agences, les notes de l'Italie pourraient ainsi prochainement être reléguées entre celles du Portugal (pour l'instant au même niveau que l'Italie) et de la Grèce (A chez S&P et Fitch).

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