Le G8 tergiverse face aux hedge funds

Entre mettre en place une législation contraignante encadrant le fonctionnement des hedge funds ou des mesures exigeant simplement plus de transparence de leur part, les gouvernements du G8 préfèrent la seconde hypothèse. Mais les choses pourraient changer.

Que faire... face aux hedge funds? Les dirigeants du G8 ont bien du mal à répondre à cette question née de la place de plus en plus prépondérante de ces fonds dits "de couverture" mais dont l'activité relève plutôt de la spéculation pure et simple. Avec 9.000 fonds actifs dans le monde et un encours sous gestion global de près de 1.000 milliards de dollars, le secteur des hedge funds est devenu un acteur de poids de la finance globalisée et la déroute subie, début octobre, par le fonds Amaranth Advisors (6 milliards de dollars de pertes) a fait renaître les craintes d'une crise systémique grave. De fait, le naufrage en 1998 du fonds Long Term Management Capital (LTCM) - ses paris sur une hausse du rouble, quelque mois avant sa dévaluation, avaient fait fondre son encours de 7,3 milliards de dollars à 630 millions de dollars - est encore dans toutes les mémoires. Pour mémoire, la chute de LTCM obligea la Réserve fédérale (Fed) à intervenir pour sauver la stabilité du système financier américain.

Au nom du G8, l'Allemagne joue la prudence

Plus que les gouvernements, et à l'exception notable de la Fed, les plus inquiets sont d'ailleurs les banquiers centraux et les autorités de régulation des marchés financiers. Banque centrale européenne (BCE), Autorité britannique des services financiers (FSA) mais aussi Securities & Exchange Commission (SEC) ne cachent pas leurs appréhensions vis-à-vis de ces opérateurs qui excellent dans l'art d'exploiter les anomalies de marché et, encore mieux, dans celui de profiter des failles des règlementations boursières et financières. "Ces fonds posent une question d'envergure mondiale vis-à-vis de laquelle il est nécessaire d'avoir une réponse mondiale", plaide régulièrement Jean-Claude Trichet, le président de la BCE. Pour lui, il est nécessaire que tous les régulateurs financiers à travers le monde s'allient pour surveiller l'activité des hedge funds. Le ton est encore plus volontariste du côté de la SEC où son président Christopher Cox veut aller plus loin que les simples mises en garde à destination du public à propos de "fonds qui ne sont faits ni pour maman ni pour papa".

Mais pour l'heure, les gouvernements restent assez prudents et ne veulent visiblement pas légiférer dans l'urgence. C'est le cas de l'Allemagne qui va assurer la présidence du G8 à la fin juin. Certes, Berlin a bien inscrit cette question au menu du sommet de Heiligendamm mais a précisé aussitôt qu'il était hors de question d'étendre les pouvoirs des gendarmes financiers au contrôle des hedge funds, ces derniers n'étant pas jusqu'à présent obligés de déclarer ou de détailler leurs opérations. "Il faut que le G8 réfléchisse à la manière dont nous pourrions obtenir plus d'informations de la part des hedge funds", a ainsi expliqué Peer Steinbrück le ministre des finances allemand. Et de prévenir qu'il était hors de question pour l'Allemagne de remettre en cause "l'existence des hedge funds", la démarche privilégiée étant une "demande de transparence et non pas une volonté d'imposer une quelconque régulation."

"Dites-nous au moins ce que vous faites"

En clair, Berlin souhaite que le G8 fasse sien le discours suivant à l'adresse des hedge funds: "Continuez à faire ce que vous voulez mais dites-nous au moins ce que vous faites!". Cette ligne de conduite a les faveurs de la Réserve fédérale américaine dont le président Ben Bernanke défend la nécessité de ne pas brider la capacité d'innovation de ces fonds et de faire confiance à la discipline de marché et à sa capacité à s'auto-réguler. Aux Etats-Unis, ces arguments ont longtemps suffit à calmer les ardeurs de ceux qui réclament un tour de vis dans le fonctionnement des hedge funds mais la roue pourrait vite tourner. Déjà en pointe sur le dossier de la surévaluation de la monnaie chinoise, Charles Grassley, président de la Commission des finances du Sénat, vient d'adresser une lettre à plusieurs de ses collègues mais aussi à Henry Paulson, le secrétaire d'Etat au Trésor, pour leur exposer les mesures qui, selon lui, pourraient obliger les hedge funds à faire preuve de plus de transparence. Et le curseur dans son approche va clairement plus du côté de la régulation que du laissez-faire défendu par Ben Bernanke.

Et rien ne dit que les réticences de ce dernier ne seront pas gommées s'il advenait qu'un scandale boursier, impliquant des hedge funds, vienne à éclater à Wall Street. Depuis la rentrée, plusieurs articles et opinions diverses publiés par la presse financière américaine critiquent le mélange des genres pratiqués par les hedge funds qui peuvent être à la fois les créanciers et les actionnaires d'une même société. Les soupçons de délits d'initiés se multiplient et la SEC a même confirmé qu'elle enquêtait sur quelques uns d'entre eux. Ce n'est peut-être pas assez pour encourager les gouvernements à légiférer, mais rien ne dit qu'une affaire de type Enron dans l'univers opaque des hedge funds ne changera pas la donne.

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