A Wall Street, circulez, y a rien à voir

Les autorités de tutelle de Wall Street et de la profession comptable en sont convaincues: depuis 2002, les marchés financiers américains sont blancs comme neige.

Que de chemin parcouru depuis la débâcle d'Enron! Quatre ans après la retentissante faillite du courtier en énergie texan, dont certains dirigeants seront amenés à répondre de leurs malversations devant un tribunal de Houston d'ici à la fin du mois, les principaux organes de régulation financiers américains assurent que les choses ont bien changé à Wall Street. Car, après tout, en dehors de l'affaire Refco, la première place boursière mondiale n'a pas connu de scandale financier majeur depuis bien longtemps...

L'année 2005 a certes été marquée par un nombre record de corrections ou de "révisions" des comptes d'entreprises cotées aux Etats-Unis mais, circulez braves gens, il n'y a rien à voir! Pour preuve, l'autorité chargée de superviser la profession comptable, le "Public Company Accounting Oversight Board", ne semble pas crouler sous le travail. Depuis trois ans que cette structure a été créée par le Congrès, elle n'a pris des mesures disciplinaires qu'à quatre reprises, à l'encontre de petits cabinets établis dans l'Etat de New York, en Californie et au Texas.

Et du côté des analystes? Tout baigne! Les règles qui leur sont imposées depuis le courant 2002 ont été des plus efficaces, si l'on en croit les deux organismes de tutelle des intermédiaires boursiers que sont la NASD et le département de régulation de la Bourse de New York (NYSE). Dans un rapport conjoint publié la semaine dernière, ces sérénissimes autorités affirment que le code qui depuis bientôt quatre ans régit la profession a "efficacement" contribué à "rétablir l'intégrité de l'analyse financière". A croire que la pointe sud de l'île de Manhattan est désormais quadrillée par d'innombrables murailles de Chine à l'ombre desquelles travaillent consciencieusement analystes et banquiers d'affaires qui jamais, au grand jamais, ne se consultent.

Pendant ce temps, les entreprises peuvent souffler. En effet, tout est si bien dans le meilleur des mondes que la vigilante Securities and Exchange Commission (SEC) a décidé qu'elle n'imposerait plus systématiquement d'amendes aux sociétés ayant pris quelques libertés avec le droit comptable. Désormais, ne seront sanctionnées que les entreprises qui auront finalement profité financièrement de leurs malversations. Et s'il était jugé qu'une amende aurait un impact "disproportionné" sur ses actionnaires, l'entreprise incriminée serait épargnée!

Dans l'esprit du gendarme des marchés financiers, dirigé depuis cinq mois par le républicain Christopher Cox, il ne s'agit pas de baisser la garde face aux fraudeurs mais de préserver leurs actionnaires. Après tout, pourquoi devraient-ils "payer deux fois" quand leur investissement a déjà pâti des pratiques illégales d'entreprises peu scrupuleuses... ou de leur révélation?

Avec de tels principes, et un arsenal de règles si efficaces, les actionnaires, petits ou grands, peuvent dormir sur leurs deux oreilles!

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