Un taureau ascendant ours

Un ancien analyste vedette sous l'ère de la bulle se fait aujourd'hui le chantre de la modération. Il met en garde contre le risque de chute de l'action Google.

Un taureau peut-il se réincarner en ours? A Wall Street, la réponse est oui. Dans la langue des investisseurs, cela signifie qu'un ancien adorateur du taureau, l'animal symbole des optimistes croyant en la hausse des marchés se transforme en un tenant de la baisse, rejoignant le camp "bearish" ayant l'ours pour totem. Prenez Henry Blodget. Cet analyste américain s'était taillé une réputation d'oracle en décembre 1998 en pronostiquant un objectif de cours stratosphérique pour le titre Amazon: 400 dollars - soit une hausse de 65% - un cours franchi en un mois par l'action du libraire en ligne!

Débauché à prix d'or, un salaire à sept chiffres, par le premier courtier mondial, Merrill Lynch - la banque au taureau - Henry Blodget a conseillé à l'achat une flopée de "dot.com", notamment des introductions pas toutes prometteuses, ce qu'il savait pertinemment. Il se retrouva quelques mois plus tard dans le collimateur d'Eliot Spitzer, au coeur d'un scandale financier. Condamné pour avoir produit des analyses au caractère biaisé, courriers électroniques accablants à l'appui, celui que la presse avait baptisé "le petit prince d'Internet" se retrouva banni à vie de l'industrie de courtage...

Mais pas privé de parole. Depuis son blog, "Internet Outsider", Blodget donne aujourd'hui son opinion forcément avisée "d'ancien analyste Internet à Wall Street", sacré meilleur expert de sa catégorie en 2000, même s'il précise qu'il lui est interdit de travailler dans le domaine des actions "dans le cadre d'un règlement amiable global suite à une plainte en conflits d'intérêts entre banque d'affaires et recherche"...

Le sujet de prédilection de Blodget est, depuis quelques semaines, la valorisation de Google. Les analystes peinent à prédire la croissance et le cours à douze mois du moteur de recherche, dont l'action a déjà quintuplé depuis son introduction en août 2004. En ce début d'année, tous les experts ont revu leurs tableaux de prévisions et ont augmenté leurs pronostics, déjà dépassés depuis trois mois. 500 dollars à droite, 550 dollars à gauche, 600 dollars par ici, qui dit mieux? 2.000 dollars, a même osé l'un d'eux, soit quatre fois plus que le cours actuel. Blodget a alors pris sa plume pour se faire l'avocat de l'ours, sinon du diable, dressant le scénario pessimiste (the bear case) illustré d'une photo de plantigrade aux aguets...

Se gardant de traiter de fous ses successeurs, qu'il considère tout de même "plus agressifs que conservateurs" dans leurs prévisions, l'ancien gourou imagine un scénario catastrophe: l'action Google retombant à 100 dollars, soit 17% au-dessus du prix d'introduction, mais une chute de 78% par rapport au cours actuel. Convaincu d'un fatal ralentissement de la croissance de la publicité sur Internet, Blodget n'exclut pas un retournement brutal, pesant sur la rentabilité de Google, précipitant une fuite des talents et une détérioration de l'image du groupe californien.

L'ex-analyste se défend toutefois de vendre la peau de l'ours. Son scénario n'est "peut-être pas probable" mais figure "dans le champ des possibles". Le phénix renaîtrait-il de ses cendres en oiseau de mauvais augure?

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