Viviane Reding : "les opérateurs télécoms pratiquent des prix inconcevables dans le roaming"

Viviane Reding, commissaire européenne à la Société de l'information, dévoile dans une interview à La Tribune sa proposition de réglementation pour limiter les tarifs du mobile à l'international. A l'avenir, un Français à Madrid commandant un taxi devrait payer un appel local...

La Commissaire à la société de l'information, Viviane Reding, a précisé mardi 28 mars comment elle compte limiter les tarifs de la téléphonie mobile à l'international. Elle a présenté la mise à jour d'une étude comparative indiquant les prix élevés pratiqués par les opérateurs européens pour l'itinérance internationale (roaming). Dans la foulée, elle a expliqué les détails de la proposition de réglementation du secteur, aux côté de Kip Meek, le président du Groupe des régulateurs européens. Bruxelles a déjà critiqué à de nombreuses reprises tant les prix du roaming que le manque de concurrence dans ce domaine. En décembre, le régulateur français avait appelé de ses voeux une intervention de Bruxelles dans ce dossier.

La Tribune. Vous publiez un nouveau document comparatif, disponible sur Internet, sur les tarifs de téléphonie mobile à l'international (roaming). La situation a-t-elle évolué depuis votre précédent relevé, en septembre?

Viviane Reding. J'avais averti, lors de cette précédente publication: si les prix de l'itinérance internationale ne baissent pas, nous allons devoir réglementer. Les opérateurs avaient plusieurs mois pour agir. Or, que constate-t-on aujourd'hui? Dans 18 Etats membres, les tarifs sont restés à peu près identiques; dans quatre Etats ils ont augmenté; et dans trois autres, ils ont certes baissé, mais en partant d'un niveau très élevé. Pour un Français qui se déplace à Chypre, les prix ont, par exemple, augmenté, de 1,88 euro à 2,68 euros pour un appel provenant de France et réceptionné sur l'île.

Les opérateurs de télécoms n'ont donc pas été capables de faire baisser ces prix inconcevables. Ils constituent une punition pour le citoyen qui voyage et une charge très lourde pour les PME européennes. Ca suffit! Nous avons décidé de proposer un règlement pour les tarifs de roaming internationaux.

Quel sera le résultat concret de votre proposition?

Les communications en provenance du pays d'origine et reçues sur le lieu d'un déplacement ne ferons plus l'objet de surfacturation, de "pénalités". Ces appels passifs seront considérés comme ceux reçus localement, et ne feront donc l'objet d'aucune facturation. De même, lorsqu'un Français, à Madrid, téléphone pour commander un taxi depuis son téléphone portable français, désormais, il ne paiera plus que le prix d'un appel local. Car la réalité technologique, c'est qu'il s'agit d'un appel local! En revanche, un voyageur à Madrid qui appelle Paris se soumettra aux tarifs internationaux.

Cette proposition signifie-t-elle que vous régulez les tarifs de gros - pratiqués entre opérateurs -, mais aussi les tarifs de détail - à destination des particuliers? Les régulateurs nationaux semblaient peu favorables à cette dernière option, qui les prive d'une partie de leur pouvoir...

Oui, nous comptons effectivement intervenir à ces deux niveaux. Il faut que le consommateur s'y retrouve. Grâce à notre règlement, les choses seront claires: il n'y aura plus de confusion possible entre un appel local et un appel international. Les abonnés y verront plus clair sur leurs factures.

Quel sera le calendrier de prise de décision?

Nous allons encore consulter toutes les parties prenantes durant le mois d'avril. Puis la proposition définitive devrait être adoptée en juin par la Commission. Si nous avons le soutien du Parlement européen et du Conseil - et tout laisse à penser que nous l'aurons - nous ambitionnons de rendre ce règlement effectif parmi les Vingt-Cinq avant les vacances de l'été 2007.

Ne craignez-vous pas que les opérateurs se rattrapent sur les tarification nationales?

J'espère que les régulateurs des Vingt-Cinq suivront de près l'évolution des tarifs nationaux pour éviter un tel transfert.

Votre intervention sur le "roaming" signifie-t-elle que la Commission veut prendre davantage de poids dans la régulation des télécommunications?

Je ne suis pas une interventionniste invétérée. Je ne réglemente que lorsque la concurrence ne fonctionne pas et si le problème ne peut se régler au niveau national, lorsque les régulateurs nationaux sont dépassés par les événements. Donc, je ne fais qu'appliquer le cadre réglementaire européen sur les télécoms.

Nous réfléchissons actuellement à adapter ce cadre. Je suis d'avis qu'il faudra peut-être réglementer moins de marchés (1), car certains sont déjà soumis à une concurrence suffisante. Mais en contrepartie, les marchés qui restent sous l'oeil des régulateurs devront être surveillés plus efficacement.

Etes-vous en train d'ouvrir la voie à la création d'une autorité de régulation européenne?

Il y a un régulateur européen. Et il est assis devant vous !

Propos recueillis par Grégoire Pinson, à Bruxelles

(1) Les marchés pertinents sont par exemple la téléphonie fixe de détail, l'Internet haut-débit, la téléphonie mobile à l'international, etc.

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