Pétrole : le Kazakhstan veut une part plus large des profits de Kashagan

Le vice-ministre kazakh des Finances, Daulet Yergozhin, affirme à La Tribune que le consortium mené par Eni doit changer la formule qui répartit les bénéfices entre ses membres. La date butoir des négociations est fixée au 30 novembre. Les pétroliers impliqués dans le consortium font montre d'unité face au gouvernement kazakh.

Les discussions entre le gouvernement du Kazakhstan et le consortium mené par l'italien Eni au sujet du gisement de Kashagan demeurent fébriles en vue de la date butoir du 30 novembre, quand les parties espèrent parvenir à un accord. Représenté par Paolo Scaroni, le patron d'Eni, le consortium (qui comprend également Total, Exxon Mobil, Shell, Conoco Philips, le japonais Inpex et le groupe pétrolier public kazakh Kazmounaïgaz) est à la recherche d'une solution pour débloquer les travaux dans ce gisement situé dans le nord de la mer Caspienne, et dont les réserves commerciales sont estimées entre 7 et 16 milliards de barils équivalent pétrole, les réserves géologiques s'élevant à 38 milliards de barils.

Le gouvernement kazakh exige du consortium des indemnités pour les retards pris dans l'opération, ainsi qu'une part plus grande pour Kazmounaïgaz. Actuellement, le capital du consortium est réparti entre Eni, Total, Exxon Mobil et Shell (18,52% chacun), Conoco Philips (9,26%), Kazmounaïgaz et Inpex (8,33%).

De passage à Londres, le vice-ministre des Finances kazakh, Daulet Yergozhin, précise à La Tribune la position de son pays: "il est nécessaire de changer la formule par laquelle sont répartis les futurs profits du consortium. Ceci peut être fait en définissant des compensations financières en faveur du Kazkhstan ou en accroissant la part de Kazmounaïgaz. Nous sommes flexibles sur les modalités. L'important, c'est de remettre le consortium en condition de travailler et de maintenir ses objectifs". Daulet Yergozhin rappelle à cet égard que l'accord cadre signé avec le consortium en 2001 (qui renouvelait celui de 1997 en faisant d'Eni le leader du projet) a prévu que la production de pétrole démarre en 2005, une échéance qui ne sera pourtant pas respectée, en raison des difficultés techniques du projet. Aux dernières nouvelles, la production commencera au deuxième semestre 2010.

Les coûts d'exploration ont d'autre part augmenté à tel point que le prix estimé de développement et de fonctionnement du gisement a plus que doublé, en passant de 57 à 136 milliards de dollars. Le gouvernement kazakh, qui aurait dû avoir accès aux profits de l'entreprise à partir de 2014, une fois que les six opérateurs internationaux auront récupéré l'argent de leurs investissements, est maintenant confronté à la probabilité que ses revenus s'éloignent dans le temps.

Daulet Yergozhin croit qu'aux conditions actuelles le Kazakhstan risque de ne recevoir de bénéfices qu'en 2025, soit onze ans plus tard que prévu. De quoi compromettre, à son avis, les importants programmes d'investissements en infrastructures sociales (hôpitaux, écoles, routes...) que le gouvernement kazakh a prévu pour les années à venir.

L'objectif du Kazakhstan est ainsi de modifier la donne, de façon à anticiper le flux de revenus, ou de recevoir en contrepartie des indemnités. Le chiffre de 10 milliards de dollars a circulé, sans qu'il soit confirmé. Daulet Yerozhin dément par ailleurs l'intention de créer un nouveau consortium. "Nous n'avons aucun problème avec les membres actuels du consortium. Mais nous avons un problème avec leurs performances, et cela depuis dix ans", affirme-t-il. Il ajoute que la question du leadership du consortium est "une question qui revient aux opérateurs qui en sont membres". A cet égard, Christophe de Margerie, le PDG de Total, avait affirmé le 31 octobre à Londres, lors d'une conférence sur le pétrole, qu'il ne pensait pas que le fait de retirer le leadership à Eni aiderait à trouver une solution. Et hier, interrogée par La Tribune, une porte-parole de Shell a refusé de commenter sur Kashagan, expliquant qu'Eni parlait au nom du consortium.

Le dossier Kashagan a été en tout cas évoqué cette semaine en marge du Congrès mondial de l'énergie, en cours à Rome. Hier, le directeur général d'Exxon Mobil, Rex Tillerson, a indiqué sans en dire plus que les "les discussions avec le gouvernement kazakh étaient très engagées sur tous les points", c'est-à-dire à la fois sur les compensations et sur la part de Kazmounaïgaz dans le consortium. A l'instar de son partenaire d'Exxon Mobil, l'administrateur délégué du groupe italien Eni, Paolo Scaroni, est "réticent à parler des négociations en cours" avec les autorités kazakh. Toutefois, interrogé mardi sur l'hypothèse de voir les principaux pétroliers du consortium (Eni, Total, Exxon Mobil et Shell détiennent à eux seuls 74% du capital) réduire leur part à moins de 50% au profit du partenaire kazakh, Paolo Scaroni a indiqué "que personne ne veut passer à moins de 50%".

A propos de rumeurs de dissensions entre les partenaires du consortium, Paolo Scaroni a confirmé que "dans un consortium où il y a cinq grandes compagnies internationales, chacune a son propre ordre du jour selon ses propres intérêts au Kazakhstan, dans les pays voisins ou plus généralement de par sa culture d'entreprise". "Il est normal que face à un tel grand projet comme Kashagan il y ait des positions différentes". Il a toutefois indiqué "être positivement surpris sur l'unité du consortium". Paolo Scaroni avait aussi indiqué, lundi, que si les discussions s'avéraient bien avancées à la fin du mois, une prolongation de la date butoir serait possible. "Nous ne sommes pas dans une logique d'ultimatum", a-t-il dit.

Une seule nuance s'est manifestée entre Paolo Scaroni et Rex Tillerson: là où le patron d'Exxon Mobil a exigé lundi que "les détenteurs de ressources pétrolières les rendent disponibles" à des partenaires, l'administrateur délégué d'Eni s'est borné à signaler "être dans une phase de renégociation des contrats existants de par le monde". Il a jouté: "le nationalisme sur les ressources pétrolières [vilipendé par Exxon, NDLR] a tendance à augmenter quand les prix du pétrole sont à la hausse et à retomber quand les prix baissent", a commenté Paolo Scaroni, dans une claire allusion au Kazakhstan. "Nous sommes capables de mener à bien le projet de Kashagan, qui est le plus difficile projet dans le pétrole depuis trente ans", a assuré Paolo Scaroni. Il rencontrera demain mercredi à Rome le ministre kazakh de l'énergie et des ressources naturelles, Sauat Mynbayev.

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