Débat télévisé Royal - Sarkozy : l'intégrale (troisième partie)

Retrouvez dans la série d'articles ci-joint la version intégrale du débat télévisé intervenu mercredi soir entre le candidat UMP à l'élection présidentielle Nicolas Sarkozy et la candidate PS Ségolène Royal. Pour ceux qui auraient raté ce moment fort de la campagne et ceux qui voudraient le relire avec attention. Les thèmes abordés sont indiqués entre parenthèses, les questions des deux journalistes sont signalées par un tiret.

(débat sur les entreprises)

Ségolène Royal : Je serai la présidente de ce qui marche, sans oeillère, en regardant tout ce qui peut fonctionner, et c'est comme cela que je débloquerai la machine économique.

Nicolas Sarkozy : Parler de ce qui marche. Je voudrais être le président qui fasse que ce qui ne marche pas marche, car si c'est pour être le président de tout ce qui va et de ce qui n'a pas de problème, ce n'est pas la peine. Les gens ne votent pas pour nous, pour qu'on aille compliquer ce qui marche, mais au contraire pour qu'on répare ce qui ne va pas. D'abord, sur les pôles de compétitivité, qui les a créés ?

S. R. : Ce sont les entreprises, les réseaux de chefs d'entreprises...

N. S. : Madame ...

S. R. : ... qui ont attendu hélas bien longtemps et qui aujourd'hui n'ont toujours pas les avantages fiscaux que vous avez promis, et moi je leur donnerai.

N. S. : Madame, la nouvelle politique, une politique moderne, c'est l'honnêteté. Les pôles de compétitivité ont été créés en 2004, à la suite du rapport parlementaire remarquable de Christian Blanc. Et c'est à partir de ce moment là que l'Etat - j'étais ministre des Finances - les a créés. Pourquoi ce ne pouvait pas être les régions ? Parce que les pôles de compétitivité sont des exonérations fiscales et sociales, qui ne pouvaient pas être décidées par les régions mais par l'Etat

S.R. : ... qui ne sont toujours pas arrivées. C'était très important.

N.S. : Peu importe...

S.R.: Pas peu importe.

N.S. : Il suffit d'être honnête. Il y a des choses bien que vous avez faites, il y a des choses bien qu'on fait, cela ne sert à rien de contester. Alors sur ..

S. R. : Est-ce que les exonérations fiscales sont arrivées ?

N.S. : Bien sûr madame .

S.R. : Non, elles ne sont pas arrivées. Je le sais, je suis présidente de région.

N.S. : Madame, excusez-moi, ce n'est pas exact. Il y a 68 pôles de compétitivité.

S. R. : Aucune exonération, mais labellisé oui, par une conférence de presse

N.S. : Madame, ce n'est pas exact. Cela fonctionne, cela marche, et c'est d'ailleurs parce que cela marche que vous en parlez, car si cela ne marchait pas, vous n'en auriez pas parlé. Alors, M. Poivre d'Arvor nous a posé les questions ...

(débat sur la retraite, le logement, la santé)

N.S. : La question des retraites est une question essentielle. C'est la retraite par répartition, il faut la garantir. Les lois Fillon ont permis de rééquilibrer l'égalité entre les salariés du privé et les salariés du public qui maintenant cotisent 40 ans. Grâce aux lois Fillon, jusqu'en 2020, on n'a pas de souci majeur à avoir quant au financement de nos retraites. Je garantirai l'application des lois Fillon. Madame Royal a dit qu'elle les démantèlerait, on verra comment elle finance.

Deuxièmement, il y a un ensemble de régimes de retraite qui n'ont pas été réformés, ce sont les régimes spéciaux. Je respecte les gens qui adhèrent aux régimes spéciaux, EDF, SNCF, RATP, mais dans un pays où il est écrit "égalité" sur le frontispice de nos établissements publics, il est quand même curieux d'expliquer que certains Français doivent cotiser 37 années et demie pour avoir leur retraite alors que les autres cotisent 40 ans. Je réformerai les régimes spéciaux par souci d'égalité. Deuxième élément : il y a 3 millions de petites retraites, c'est à dire 3 millions de personnes qui sont au-dessous du minimum vieillesse. J'augmenterai de 25% les petites retraites, et je ferai financer par ce qu'on aura récupéré sur la réforme des régimes spéciaux.

Troisièmement : je veux mettre sur la table la question des pensions de réversion ; la situation faite aux veuves est catastrophique : c'est 54 % aujourd'hui. Quand le mari décède, la veuve a 54 % de la pension. Je porterai à 60 % comme un premier élément. La question des retraites est centrale.

Deuxième élément : le logement : mon ambition est de faire de la France un pays de propriétaires. Un Français sur deux est propriétaire de leur logement, 80 % d'Espagnols sont propriétaires de leur logement, 76 % des Anglais. Il y a 12 millions de familles françaises qui aimeraient être propriétaires et ne le sont pas. Dès l'été 2007, je créerai un crédit d'impôt qui permettra, pour ceux qui paient l'impôt sur le revenu, de déduire les intérêts de l'emprunt pour acheter leur appartement de leur revenu, et pour ceux qui ne le paient pas, un crédit d'impôt, c'est à dire l'Etat le remboursera. Il faut que l'on favorise la propriété pour les Français. Deuxième élément : pour ceux qui n'ont pas de relation, je créerai un système de cautionnement public pour leur permettre d'emprunter.

Troisième élément : je veux revenir sur cette injustice invraisemblable qui fait que quand vous empruntez, on vous demande de passer une visite médicale. Alors là, il y a intérêt à ne pas être malade, car si vous êtes malade, on veut bien vous prêter mais c'est plus cher. C'est scandaleux, ce n'est pas parce qu'on est malade qu'on n'a pas le droit de se loger.

Sur la santé : je crois que sur la santé, il faut créer un cinquième risque, celui de la dépendance. Car une société qui ne s'occupe pas de ses personnes âgées est une société qui se renie, qui perd son humanité. Je veux engager un plan contre la maladie d'Alzheimer. 890.000 Français touchés par cette maladie aujourd'hui. J'ai vu dans une maison en Bretagne un monsieur de 63 ans, agriculteur toute sa vie. En un an, il est devenu totalement autre, ne reconnaissant plus les siens. Cela va concerner dans dix ans 1 million 200.000 Français. Il faut engager un plan contre l'Alzheimer pour trouver l'origine de cette maladie comme on a fait un plan cancer.

Et je veux enfin poser la question du remboursement des prothèses dentaires, ce n'est pas un luxe, et du remboursement des lunettes.

S.R. : Vous n'avez pas dit comment vous financiez tout cela puisque parallèlement, vous avez annoncé une baisse de 4 points des prélèvements obligatoires, c'est à dire 72 milliards d'euros en moins...

N.S. : 68 milliards

S.R. : 72, selon certains économistes. 68, c'est déjà considérable. 68 milliards d'euros en moins et l'ensemble des dépenses que vous venez là d'énumérer. Je pose simplement la question car on ne peut pas à la fois se plaindre de la dette et additionner les dépenses. Je dis cela ...

N.S. : Voulez-vous que je le fasse maintenant ?

S.R. : Non. Vous m'avez demandé d'être plus précise. Lorsque vous dites par exemple que vous allez financer l'augmentation des petites retraites par la réforme des régimes spéciaux, vous savez très bien que la réforme des régimes spéciaux va prendre un certain temps. Donc, il y a là comme un tour de passe-passe. On ne sait pas combien de temps cela peut prendre, il va y avoir des discussions, des remises à plat. Moi, je veux revaloriser tout de suite dès mon élection les petites retraites.

N.S. : Comment ?

S.R. : Je vais vous le dire. Je mets des fonds supplémentaires au fonds de réserve des retraites...

N.S. : Vous les prenez où ?

S.R. :... par une taxe sur les revenus boursiers. Parce que je pense en effet qu'il faut de la justice, les partenaires sociaux en discuteront, mais au moins le principe est là.

N.S. : Vous mettez combien sur le fonds ?

S.R. : Je vous donne déjà les principes.

N.S. : Parce que vous savez que sur le fonds, il y a 32 milliards, que l'Etat met 6 milliards par an...

S.R. : Laissez-moi finir, j'ai une recette.

N.S. : Attendez, c'est très intéressant. Cette taxe que vous nous annoncez, lorsque Lionel Jospin a créé ce fonds, il a prévu 120 milliards d'euros, il y en a 36, chaque année, l'Etat en met 6. Votre taxe, c'est combien ?

S.R. : Mais ma taxe, elle sera au niveau de ce qui sera nécessaire pour faire de la justice sociale.

N.S. : C'est une précision bouleversante. Vous ne pouvez pas dire un chiffre ?

S.R. : Non. Je ne peux pas vous dire un chiffre, pourquoi ?

N.S. : C'est votre droit.

S.R. : Oui, c'est mon droit. Parce que la relance de la croissance économique va aussi permettre des cotisations supplémentaires. Moi, je crois que la croissance ...

N.S. : Sans dire aux Français le montant de cette taxe et l'espérance de recettes ?

S.R. : Oui, parce que je dis aux Français...

N.S. : On est tranquilles pour l'équilibre de nos régimes de retraite

S.R. : Parfaitement, on est tranquille pour l'équilibre de nos régimes de retraite parce que moi, au moins, j'ai une recette. Mais ce que je veux dire globalement sur cette question des retraites est que c'est une question essentielle, pourquoi ? Parce que c'est la solidarité entre générations. Et ce que l'on voit aujourd'hui, c'est le fait que les petites retraites font basculer des millions de personnes dans la pauvreté parce que le pouvoir d'achat des petites retraites a baissé. Et je me suis engagé à réformer l'indice des prix car il ne calcule pas exactement ce que consomment les personnes âgées.
Je veux que les indexations des retraites suivent vraiment la consommation des personnes âgées ; je vois de plus en plus de personnes dans les permanences qui ne font plus qu'un repas par jour. Il y a des femmes qui partent à la retraite avec un niveau de retraite à peine supérieur au minimum vieillesse parce qu'elles se sont interrompues pour élever leurs enfants et que la réforme de la loi Fillon a créé une injustice insupportable aux dépens des femmes parce qu'en allongeant la durée de cotisation, elle a frappé les femmes qui se sont arrêtées pour élever leurs enfants. Je pense aussi aux femmes qui ont élevé leurs enfants, tout simplement, et donc aux pensions de réversion, ou même à la façon ...

N.S. : Est-ce que vous gardez les lois Fillon ?

S.R. : Je remets à plat les lois Fillon...

N.S. : Donc, si je comprends bien, Madame...

S. R. : Laissez-moi terminer...

N.S. : Vous augmentez les retraites, mais ce qui avait été fait comme financement grâce aux lois Fillon, vous le remettez à plat ou vous le détruisez ?

S.R. : Non, ce n'est pas ...

N.S. : Quand M. Hollande annonce une CSG pour payer les retraites, vous confirmez ou vous infirmez ?

S.R. : Est-ce que je peux me permettre de finir le déroulement de ma pensée ? Oui, je remets à plat les lois Fillon. Cela ne veut pas dire que nous détruisons tout, nous remettons à plat et nous discutons avec les partenaires sociaux. Pourquoi ? Parce que les lois Fillon ont créé des injustices, en particulier aux femmes. Et moi je pense ...

N.S. : Est-ce qu'on garde les 40 années de cotisation ?

S.R. : Cessez de m'interrompre. Je connais bien la technique. Deuxièmement, nous prendrons en compte la pénibilité des tâches. Je souhaite qu'il y ait des retraites à la carte, que ceux qui veulent travailler plus longtemps puissent le faire, mais que ceux qui sont fatigués parce qu'ils ont eu des métiers extrêmement difficiles puissent s'arrêter plus tôt. Entre un ouvrier et un cadre supérieur, il y a une espérance de vie de 7 années d'écart. Vous entendez : une espérance de vie de 7 années d'écart, dans la France d'aujourd'hui. Est-ce que cela, vous trouvez que c'est juste ? Et en plus, cette qualité de vie n'est pas la même, selon que l'on a subi des accidents du travail, la pénibilité des tâches.

Il y a aujourd'hui en France 2000 accidents du travail par jour, là aussi, il y a des réserves de croissance, si on lutte contre les accidents du travail et contre les maladies professionnelles. Donc, c'est une globalité de l'approche de la question des retraites. C'est à la fois la qualité de la retraite, le niveau du revenu auquel est prise la retraite, les droits des femmes ; la question aussi des femmes qui n'ont jamais travaillé, et je pense à elles dans la France d'aujourd'hui parce que je crois que choisir d'avoir élevé ses enfants, c'est aussi le plus beau des métiers quand on a choisi cela ; or, si on finit sa vie dans la pauvreté, au minimum vieillesse, ce n'est pas juste.

Et donc moi, je veux là aussi rediscuter avec les partenaires sociaux de quelle façon nous pouvons prendre en compte ce travail maternel qui a été fait et qui aujourd'hui n'est pas reconnu. Voilà ce que je compte remettre sur la table. Et en effet, j'espère que par la relance de la croissance, nous aurons des recettes au niveau des cotisations, et si cela ne suffit pas, nous ferons une taxe sur les revenus boursiers. Voilà comment je vois la réforme des retraites qui est en effet un des sujets les plus importants parce que pour la première fois, on voit en France des jeunes qui sont inquiets de leur retraite alors qu'il y a quelques années, cette idée ne leur effleurait pas l'esprit.

N.S. : C'est un point extrêmement important qui devrait, me semble-t-il, faire consensus entre la gauche et la droite. Comment finance-t-on nos retraites ? Cela ne devrait pas être un sujet de bagarre politique, Mme Royal.

S.R. Mais je ne me bagarre pas.

N.S. : Ce devrait être un sujet, semble-t-il, d'Etat où l'ensemble de la classe politique républicaine devrait s'additionner pour trouver des solutions.

S.R. : Quelle est votre idée ?

N.S. : Les lois Fillon consistaient à passer à 40 années dans un premier temps, 41 dans un deuxième temps, de cotisations. L'idée de François Fillon était juste : puisqu'on va vivre plus longtemps, il faut cotiser plus longtemps pour payer, cela me semble assez simple.

S.R. : Non. Cela dépend de la pénibilité du travail, je suis désolée. Quand il y a un écart d'espérance de vie tel que je viens de le citer, non, c'est très injuste. On ne va pas uniformiser les durées des cotisations. Moi je prendrais en compte la pénibilité du travail pour décider de la durée de cotisations.

N.S. : D'accord. La pénibilité du travail est déjà prise en compte, comme vous le savez, dans les lois Fillon. Vous savez parfaitement que la pénibilité du travail ne résout pas tous les problèmes, nous vivons plus longtemps, il va falloir cotiser plus longtemps. Oui, ou non, sommes-nous capables, gauche et droite, de nous mettre d'accord sur cette idée simple que quand tous les pays développés au monde augmentent la durée de cotisation pour prendre sa retraite, il faut le faire en France. Et quand vous dites que vous allez remettre à plat les lois Fillon, c'est à dire que vous revenez sur ce qu'a été le travail du gouvernement Balladur et du gouvernement Raffarin pour obtenir le financement pérenne de nos régimes de retraite. Je vous l'ai dit : c'est irresponsable.

S.R. : Le financement n'est pas résolu, vous le savez très bien.

N.S. : Le financement est résolu jusqu'en 2020.

S.R. : Le financement n'est pas résolu, vous le savez bien.

N.S. : C'est quelque chose qui n'est contesté par personne.

S.R. : Toutes les branches de la Sécurité sociale sont en déficit, toutes les branches, et tous les comptes sociaux sont en déficit. Enfin, bon, ne chipotons pas sur les chiffres parce que je crois que les Français attendent un débat d'un autre niveau.

N.S. : Et ce n'est pas un débat d'un très bon niveau que de savoir comment on va financer les retraites ? Madame, pardon de vous le dire, vous faites une erreur : le financement des retraites est équilibré jusqu'à l'horizon 2020. Premier point, vous voulez tout remettre à plat, c'est à dire que tout le travail qui a été fait vous allez le démolir.

S.R. : Remettre à plat, ce n'est pas démolir.

N.S.: Deuxième point, les régimes spéciaux. Vous ne voulez pas réformer les régimes spéciaux ?

S.R. : Si, nous réformerons les régimes spéciaux, y compris le vôtre.

N.S. : Le mien...

S.R. : Le régime parlementaire.

N.S. : Je ne suis pas parlementaire.

S.R. : Vous n'avez pas été parlementaire ? Vous ne parlez jamais du régime spécial des parlementaires, celui-ci je le remettrai à plat.

N.S. : Très bien. Vous le ferez, il n'y a aucun problème, et je serai d'accord avec vous. Mais vous annoncez donc aux adhérents aux régimes spéciaux que vous allez faire la réforme des régimes spéciaux.

S.R. : Bien sûr, cela n'a jamais été nié. Les régimes spéciaux seront mis dans la discussion des retraites.

N.S. C'est un point extrêmement important.

S.R. : Il a toujours été dit sans crier haro sur les régimes spéciaux... Je n'oppose pas les uns aux autres, mais tout sera mis à plat y compris les régimes spéciaux.

N.S. : Quand il y en a qui cotisent 37 années et demie et d'autres 40, ce n'est pas crier "haro" sur ceux qui cotisent 37 années et demi que de leur dire "dites donc, l'égalité, dans la France d'aujourd'hui, c'est que vous cotisiez comme les autres". Bon, sur l'idée de François Hollande de créer une CSG supplémentaire...

S.R. : Vous ferez un débat avec François Hollande quand vous le souhaiterez.

N.S. : Vous n'êtes pas concernée ?

S.R. : Voilà..

N.S. : Cela ne vous engage pas ?

S.R. : Non.

N.S. : Très bien, il sera content de l'apprendre, et j'aurai au moins facilité cette part du dialogue.

S.R. : Attendez, disons les choses telles qu'elles sont : ce n'est pas ma conception du pouvoir que de décider de façon péremptoire et unilatérale comment nous allons régler ces problèmes. Je vous l'ai dit : ce sont d'abord les partenaires sociaux qui vont discuter avec l'Etat bien sûr, il y aura des réunions tripartites....

N.S. : Il n'est pas anormal dans un débat public de dire comment on finance les retraites...Ce n'est pas quelque chose d'atroce

S.R. : Et je vous l'ai donné.

N.S. : Non, vous ne l'avez pas donné. Il y a deux idées que vous avez avancées, Madame. C'est une taxe dont vous avez refusé de dire le montant, l'assiette et la recette. Et la deuxième idée que vous avez avancée, c'est la mise à plat de la loi Fillon. Je reconnais qu'il y a une troisième idée, c'est une grande discussion. C'est la sixième ou septième depuis qu'on débat ensemble, la grande discussion, il faut qu'elle débouche sur quelque chose. Il y a des millions de retraités et des millions de salariés qui se disent : j'ai travaillé toute ma vie, j'entends qu'on équilibre mon régime de retraite et avoir ma pension. Avec moi comme président de la République, les choses sont parfaitement claires, elles seront en ordre, on financera et on s'engage. Après, on verra sur la fiscalité.

S.R. : Vous n'avez pas parlé de la recette. Quelle nouvelle cotisation ?

N.S. : Madame, il n'y a pas besoin de nouvelle cotisation puisque la loi Fillon...

S.R. : Pas besoin de nouvelle cotisation ?

N.S. :...Non, Madame, puisque je ne remets pas à plat la loi Fillon. Les recettes sont très simples. Vous n'avez peut-être pas suivi exactement le débat. Il y a trois solutions : soit vous baissez les pensions de retraite, il n'en est pas question, elles sont déjà trop petites, soit vous augmentez les cotisations payées par les salariés, il n'en est pas question, elles sont trop lourdes. Soit vous augmentez la durée de cotisation, c'est les lois Fillon. Comme je garde les lois Fillon, je n'ai pas besoin de recette supplémentaire. Vous avez besoin d'une recette supplémentaire parce que vous démantelez les lois Fillon. Voilà le problème.

S.R. : Je ne veux pas vous laisser dire des choses qui sont inexactes. Je ne démantèle pas les lois Fillon...

N.S. : Vous les remettez à plat.

S.R. : Je les remets à plat. Et je mets fin aux injustices les plus criantes, celles que j'ai évoquées tout à l'heure, la prise en compte de la pénibilité, je donne une possibilité de retraite à la carte, et je répare les injustices faites aux femmes. Et ensuite, je regarde quels sont les besoins de financement. Et moi aussi, je garantis le financement des régimes de retraite, éventuellement par une ressource nouvelle. Mais avant de savoir s'il faut une ressource nouvelle, je regarde aussi ce que me donnent les recettes tirées de la relance de la croissance. Voilà comment je tiens la cohérence d'une vision politique.

(débat sur la fiscalité)

N.S. : La question des baisses d'impôt, je n'en fais pas du tout un problème idéologique. J'essaie de regarder les choses avec pragmatisme et avec bon sens. Nous sommes le pays d'Europe qui avons les impôts les plus élevés. Qu'est-ce que l'Europe ? La liberté de circulation des hommes, des femmes et des capitaux. On ne peut pas faire d'Europe et avoir les impôts les plus élevés. Qu'est-ce que j'ai dit ? Nous avons 68 milliards d'impôts de plus que ce que paie la moyenne des 15 pays les plus riches de l'Union européenne. Donc, il faut revenir à la moyenne.

Le problème de la France est qu'on paie trop d'impôts, que les charges sont trop lourdes. A quoi cela aboutit-il ? Quel est le résultat de tout cela ? Ce n'est pas pour le libéralisme, ce n'est pas pour l'idéologie. Comme nous sommes dans un monde ouvert, si le travail est trop taxé, le travail s'en va ; si le capital est trop taxé, le capital s'en va. S'il n'y a plus de capital, il n'y a pas de travail, et pas de croissance. Donc, tout le problème de la France, c'est de comprendre que nous sommes dans un environnement concurrentiel et qu'on ne peut pas imposer à nos entreprises des impôts plus lourds que ceux que paient les entreprises concurrentes dans les pays voisins. On ne peut pas imposer aux contribuables français des prélèvements plus lourds que ce que l'on paie dans les autres pays.

Il faut donc, face à cela, d'une manière ou d'une autre, réduire le train de vie de l'Etat, réduire les dépenses publiques, être plus productif, faire mieux avec moins pour alléger le poids de la fiscalité tel qu'il pèse aujourd'hui sur le travail. C'est notamment la raison pour laquelle je propose une taxe des importations pour qu'elle finance la protection sociale des Français. La question de la fiscalité, ce n'est plus une question gauche-droite, ce n'est pas une question de socialisme ou de libéralisme, c'est une question d'efficacité dans le monde ouvert qui est le nôtre.

Et c'est pour cela que j'ai proposé de ne pas remplacer un départ sur deux à la retraite des fonctionnaires, que j'ai proposé de supprimer tous les organismes qui ne servent à rien - on a multiplié un certain nombre d'agences aujourd'hui, il faut les supprimer - et que j'ai proposé, si je suis élu président de la République, la mise en place systématique d'une politique d'évaluation de toutes les politiques publiques. Vous avez parlé de formation professionnelle, vous avez parfaitement raison, il y a des gains de productivité phénoménaux dans ce domaine.

S.R. : Quel dommage que vous n'ayez pas fait tout cela pendant cinq ans ! Parce que l'évaluation des politiques publiques, c'est le Parlement qui normalement a les moyens de faire cela, et vous savez la difficulté avec laquelle il a accès aux différents comptes. Réduire le train de vie de l'Etat oui, il faudra ...

N.S. : Vous savez ce que j'ai proposé : que le président de la commission des Finances à l'Assemblée soit un membre de l'opposition. Je trouve que c'est une ouverture pour une république irréprochable.

S.R. : Vous savez très bien aussi que c'est une idée qui est dans le pacte présidentiel, et c'est très bien que vous nous rejoignez. Que ne l'avez vous fait pendant cinq ans, parce que pendant cinq ans, vous avez eu tous les pouvoirs.....

N.S. : On se rejoint, alléluia !...

S.R. : C'est bien, mais il y a un problème de crédibilité, voyez-vous parce que quand on a pu, pendant cinq ans, éventuellement ...

N.S. C'est à moi que vous dites ça, Mme Royal ?

S.R. ... donner une certaine place à l'opposition à l'Assemblée nationale, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Vous n'êtes pas crédible dans la discussion de l'Etat impartial.

N.S. Le problème de crédibilité, vous le dites comme ça ...

S.R. Vous êtes même passé en force avec le 49-3, on en reviendra tout à l'heure à la réforme des institutions parce que je crois en effet... Sur la fiscalité, ma priorité sera la baisse de la fiscalité sur l'écologie. Je veux une réforme fiscale très importante sur tout ce qui a, de près ou de loin, une relation avec la construction des emplois dans le domaine de l'environnement et de l'écologie, et je veux négocier avec les autres pays européens une TVA tendant vers zéro pour développer les énergies renouvelables, les écomatériaux, pour lancer un plan massif d'isolation des logements déjà construits, puisque, dans ces domaines, notamment dans les métiers du bâtiment, dans l'agriculture, également dans toutes les technologies liées à l'eau , au sol, aux paysages, et dans les énergies renouvelables, nous pouvons, si nous avons une fiscalité très encourageante, développer plusieurs centaines de milliers d'emplois. Voilà quelle sera ma priorité dans le domaine de la réforme fiscale.

Je l'ai dit tout à l'heure : pour les PME qui réinvestiront leurs bénéfices dans l'entreprise, l'impôt sur les sociétés sera diminué par deux parce que je crois que c'est là que se trouve le ressort de la croissance économique. Enfin, je veux un impôt juste et quand je vois que le bouclier fiscal que vous venez d'instaurer vient d'autoriser une ristourne de 7 millions d'euros à une personne d'ailleurs qui a dû être très surprise de recevoir ces 7 millions d'euros au nom du bouclier fiscal, je dis qu'il faut faire attention aux injustices fiscales et à la façon dont vous voulez en effet exonérer un certain nombre de patrimoines élevés.

Je crois que la fiscalité est d'abord un outil au service du développement économique. Et c'est quelque chose qui doit être juste et qui doit être bien compris par les Français, qui doit être transparent et dont les règles doivent être claires.

Enfin, sur la question du logement, il y a aujourd'hui en France plus de 3 millions et demi de Français qui sont mal logés. Ils sont mal logés parce que le plan de construction des logements sociaux est insuffisant, notamment dans certaines communes qui ne respectent pas la loi. Et je dis que demain l'Etat prendra ses responsabilités et construira les logements sociaux dans les communes telles que la vôtre qui ne respectent pas la loi. Car je crois aussi que quand on est candidat à la présidence de la République, on doit montrer l'exemple et appliquer la loi dans l'exercice de ses fonctions exécutives, et notamment sur le territoire dont on a la charge.

Je ferai aussi en sorte que dans les logements sociaux, les locataires qui paient leur loyer et leurs charges régulièrement pendant quinze ans puissent devenir propriétaires de leur logement. Et enfin, je créerai le service public de la caution, parce qu'on voit beaucoup de petits salariés, des jeunes en particulier, qui subissent des discriminations, qui n'arrivent pas à accéder au logement locatif parce qu'il faut sortir de sa poche trois mois de loyer. Alors nous créerons un service public de la caution, c'est à dire une garantie donnée aux assurances qui pourront faire l'avance aux propriétaires de ces trois mois pour qu'il y ait, sur le marché de la location, beaucoup plus de fluidité. Voilà le dispositif pour le logement qui est un des problèmes les plus aigus.

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