Explosion ou dégonflement de la bulle immobilière ?

Le package fiscal a profité aux vendeurs et retardé le dégonflement de la bulle immobilière. L'analyse de Didier Coutton, docteur en sciences de gestion, professeur à l'ISTEC.

A en croire les statistiques immobilières publiées par la FNAIM, les prix de l'ancien ont encore monté de 1,1% au dernier trimestre 2007. Cette hausse est probablement le résultat du paquet fiscal permettant notamment aux acquéreurs une déduction fiscale des intérêts d'emprunt. En d'autres termes, ce sont les vendeurs qui ont profité de l'incitation fiscale, pas les acheteurs comme le souhaitait le législateur. Mais ce n'est pas une surprise puisque nous l'annoncions déjà avant le vote de la loi, en indiquant que cette carotte fiscale correspondait à environ 4% du montant d'un emprunt de 200.000 euros (site Web La Tribune du 14/06/07).

Cette mesure a été votée à l'automne dans le cadre du projet de Loi de Finance 2008. Elle permet désormais de déduire, pour l'achat d'une résidence principale, 40% des intérêts d'emprunt la première année et 20% les quatre années suivantes dans la limite de 3.750 euros pour un célibataire et de 7.500 euros pour un couple, augmenté de 500 euros par personne à charge.

Dès les premières annonces de ce projet de loi en mai 2007, les vendeurs se sont retrouvés avec un argument supplémentaire pour renoncer à baisser leur prix. Résultat: le marché ne s'est pas ajusté à la baisse comme dans d'autres pays européens et les vendeurs ont en réalité empoché une bonne partie de la carotte fiscale. Avec une baisse en janvier des prix des appartements (-1,7%) et une légère hausse de celui des maisons (0,7%), il n'y a rien de surprenant à ce qu'une fois l'effet fiscal passé, les prix de l'immobilier retrouvent leur dynamique de baisse. La bulle immobilière, comme dans les autres pays européens, se dégonfle. Pour autant, nombreux sont ceux, qui ne croient pas dans l'existence d'une bulle immobilière.

Les prix vont durablement baisser

Pour s'en persuader, il faut savoir que la bulle Internet s'est formée en 2 ans; les cours de Bourse ont doublé pendant cette période. S'agissant des prix de l'immobilier, ils ont été multipliés par 2,5 en 11 ans. Autrement dit, la taille de la bulle immobilière a dépassé celle de la bulle Internet.

La formation d'une bulle résulte d'une spéculation à la hausse, qui en attirant des investisseurs toujours plus nombreux les incite à s'endetter dans l'espoir d'une revente ultérieure avec plus-value. C'est ce qui s'est passé. Le développement du crédit bancaire et l'accroissement de la masse monétaire ont nourri, grâce à des taux d'intérêt faibles, la phase d'expansion de la bulle. C'est ainsi que le niveau d'endettement moyen des ménages, structurellement stable jusqu'à 1999, a augmenté de 37% depuis. Il est vrai que les taux d'emprunt n'ont cessé de baisser jusqu'à la mi-2005 pour atteindre un plancher de 3,5%.

La poussée spéculative s'est traduite par une demande réelle que l'offre ne pouvait satisfaire. Les prix ont alors dérivé de la valeur fondamentale des biens créant la bulle. Pourtant, la hausse a été perçue comme un phénomène normal. En effet, l'augmentation des prix immobiliers a été sournoise, car lente et régulière. L'espoir d'une bonne rentabilité justifié par le mouvement haussier des prix incite au développement de l'offre immobilière.

Aujourd'hui, les vendeurs se pressent et les acheteurs se font plus rares. Les stocks, qui traditionnellement se gonflent pendant l'hiver, vont-ils trouver preneurs au printemps? Rien n'est moins sûr. Le contexte économique est incertain, le moral des Français est au plus bas depuis 15 ans, leur consommation diminue, les taux d'intérêt remontent lentement, les banques sont plus exigeantes, les primo-accédants bataillent pour leur pouvoir d'achat. Dans ces circonstances, une baisse durable va s'enclencher, entraînant un lent dégonflement de la bulle. Quand la déflation des prix de l'immobilier sera perçue par les acquéreurs potentiels, certains vont différer leur achat dans l'attente de prix encore plus bas, d'autres vont profiter du changement de rapport de force entre vendeur et acheteur pour négocier un prix plus faible. Les prix entreront alors dans une spirale baissière.

La bulle va-t-elle exploser?

L'histoire économique montre que la chute rapide des prix résulte d'événements inattendus, souvent d'ordre géopolitique. La baisse est alors d'autant plus forte et rapide que le choc est significatif et inattendu et que la bulle est importante. Il est donc impossible de prévoir un tel éclatement. Une seule certitude, les prix ont atteint des sommets, qu'ils ne retrouveront pas prochainement.

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