Le retour du patriotisme économique, modèle Sarkozy

Le chef de l'Etat demande à la Caisse des dépôts et consignations de défendre les entreprises françaises. Il poursuit la politique de patriotisme économique entamée par Raffarin et Villepin en lui donnant, au moins dans les mots, un contenu mieux adapté aux réalités économiques du monde. Mais la puissance de feu de la Caisse sera-t-elle suffisante pour résister aux fonds spéculatifs critiqués par le président ?

L'économie est une pratique des invariants. Et Nicolas Sarkozy, dans sa conférence de presse de ce mardi 8 janvier, l'a prouvé à l'envie. Malgré son libéralisme affiché, malgré son philo-américanisme revendiqué, il a repris - et avec quelle force - le chemin du patriotisme économique emprunté avant lui par Raffarin et Villepin. Ce patriotisme économique, en autre temps appelé colbertisme ou politique industrielle, reste un invariant de ce pays qu'est la France, où l'Etat a préexisté à la Nation.

Là où Nicolas Sarkozy innove, au moins dans les mots, c'est qu'il donne un contenu concret et frappé d'efficacité à ce patriotisme économique en donnant mission à la Caisse des dépôts et consignation (CDC) d'agir en chevalier blanc. "Face à la montée en puissance des fonds spéculatifs extrêmement agressifs et des fonds souverains qui n'obéissent à aucune logique économique", la France assume "le choix politique, stratégique, de protéger ses entreprises, de leur donner les moyens de se défendre et de se développer", déclare Nicolas Sarkozy.

"La Caisse des dépôts, nous allons en faire un instrument de cette politique de défense et de promotion des intérêts économique primordiaux de la Nation", ajoute-t-il. "Et qu'on arrête d'opposer cette volonté industrielle qui est la nôtre avec le libéralisme, ce qui est absurde", insiste-t-il. "On peut être parfaitement libéral et dire "nos entreprises, on va les défendre", souligne Nicolas Sarkozy, en vrai "patriote économique"

Avant lui, Jean-Pierre Raffarin avait lancé ce mot de patriotisme économique, notamment en commandant un rapport sur l'intelligence économique au député UMP Carayon. Mais le contenu de cette notion s'était limité à son aspect défensif, on pourrait presque dire policier. Ce n'est qu'en 2005 que cette idée prenait une tournure financière adaptée aux réalités du monde, avec le lancement d'un dispositif de cinq fonds destinés à soutenir les "pépites" technologiques. Mais, dotés de 200 à 250 millions d'euros, ils apparaissaient adapté à l'accompagnement de "start up", sûrement pas de PME, encore moins de grandes entreprises stratégiques. De même, la volonté de la France, seule contre tous, de vouloir protéger par décret des entreprises des secteurs sensibles levait contre elle ses partenaires du Vieux continent.

Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy innove en appelant la Caisse des dépôts et consignations alors que la France apparaît moins critiquable à protéger ses industries clés, dans la mesure où tous les pays industrialisés s'en soucient peu ou prou. La Russie et la Chine agissent via leur puissants "fonds souverains" pour défendre leurs intérêts de puissance. Le commissaire au Commerce européen a évoqué la possibilité de recourir aux actions préférentielles pour protéger les entreprises "stratégiques". Les Allemands s'inquiètent pour leurs plus belles entreprises. Le président agit donc dans un bon timing.

Toutefois, son initiative se heurte à deux beaux écueils. Le premier est financier. La CDC pèse environ 120 milliards de dollars (80 milliards d'euros). Les "hedges funds" représentent, eux, quelque 1.000 milliards de dollars. Et la puissance des fonds souverains est estimée à 2.500 milliards de dollars. Il s'agira pour la Caisse de viser juste, vite et bien. Quant on regarde le temps qu'il lui a fallu pour apporter son (petit) écot à la clôture du dossier Gemplus, on est en droit de douter de sa capacité d'action. D'autre part, la CDC est encore engluée dans les suites de son intervention dans le dossier EADS, dont certains à-côtés déplaisants n'ont pas encore été explorés. L'activisme de Nicolas Sarkozy parviendra-t-il à lever ces obstacles ?

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