Un député américain à la rescousse des talibans

"La guerre selon Charlie Wilson" est un film truculent de Mike Nichols sur la personnalité haute en couleur du député texan qui plaida pour l'accroissement de l'aide américaine aux talibans d'Afghanistan pendant l'occupation soviétique. Basé sur des faits réels, le film, rondement mené, est servi par un trio d'acteurs impayable: Tom Hanks en politicien noceur, Julia Roberts en milliardaire de choc et Philip Seymour Hoffman en cynique de la CIA.

Comment les Etats-Unis ont financé les talibans en Afghanistan et ont favorisé le déclenchement de la guerre sainte qui s'est ensuite retournée contre eux, tel est le sujet de ce film de Mike Nichols. Ne pas en conclure pourtant qu'il s'agit d'un documentaire, ni d'un film austère et militant, bien au contraire, c'est un film truculent, une fiction basée sur des faits historiques, centrée sur la personnalité d'un personnage pittoresque, principal artisan de cette politique, l'impayable Charlie Wilson, délégué du deuxième district du Texas à la Chambre des représentants.

Vétéran de la mise en scène depuis les années 60 (""Qui a peur de Virginia Wolf", 1966, "Le Lauréat", 1967), Mike Nichols n'avait plus donné signe de vie depuis son sulfureux "Closer" en 1998. Il revient aujourd'hui en force, à 76 ans, avec ce film mordant que n'aurait pas renié feu Robert Altman. Rondement menée, la mise en images du livre du journaliste George Crile paru en 2003 est servie par l'étonnant Tom Hanks, acteur caméléon qui se coule avec un plaisir non dissimulé dans la peau de Charlie, noceur invétéré, amateur de belles femmes et de vieux whisky, de cocaïne et de parties fines, traînant derrière lui un parfum de scandale mais que les bigots n'arrivent jamais à coincer.

D'ailleurs, tout commence dans un bain bouillonnant où Charlie se prélasse en compagnie de créatures de rêve et de petite vertu. On est au début des années 80, l'Union soviétique a envahi l'Afghanistan en décembre 1979 et Charlie, qui s'ennuie dans son morne district du Texas, se découvre une nouvelle passion et une mission: combattre le communisme et les soviétiques qui font des ravages dans cette contrée du bout du monde. Ce sont les derniers moments de la guerre froide et, à Washington, le président Carter n'ose utiliser la force de crainte de déclencher un conflit majeur. Mais il autorise en secret la CIA à agir contre l'Armée rouge. Et c'est là où Charlie intervient, entrant comme un chien fou dans le grand jeu de la politique mondiale.

Le député à deux atouts. La richissime Joanne Herring, l'une de ses nombreuses maîtresses (Julia Roberts plus flamboyante que jamais), femme à la cuisse légère mais à l'anticommunisme fervent qui vise rien moins que la fin de la chute de l'empire soviétique. Et un agent de la CIA, Gus Avrakotos, un cynique malmené par sa hiérarchie qui rêve d'en découdre avec les Russes (Philip Seymour Hoffman, parfait pour le rôle).

A force de lobbying, le trio infernal va réussir des prouesses, leur plus beau coup étant de nouer des alliances secrètes entre les frères ennemis que sont les militaires pakistanais et les marchands d'armes israéliens et égyptiens. Sans négliger les cercles décisionnels américains comme la Commission de la défense où Charlie réussit a faire passer l'aide annuelle aux talibans de 5 millions de dollars à 1 milliard de dollars en neuf ans! Sur place dans les camps de réfugiés afghans du Pakistan, des politiciens américains emmenés par Charlie pour constater les horreurs commises par les soviétiques n'hésitent pas entonner "Allah Akbar", sans comprendre qu'il participent au déclenchement de la guerre sainte.

Et lorsque les soviétiques vont enfin lâcher l'Afghanistan en 1989, le général Zia, président du Pakistan, l'admettra volontiers: "C'est Charlie qui a fait le coup!", s'exclamera-t-il, admiratif.

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