La baisse des taux de la Fed ne fait pas l'unanimité

La décision agressive de la banque centrale américaine (Fed) de baisser fortement le loyer de l'argent, si elle a peut-être rassuré momentanément les marchés, n'a pas convaincu tout le monde. Nombre de voix s'expriment pour dénoncer le calendrier de cette intervention, voire pour réclamer une meilleure gestion de crise. Jean-Claude Trichet laisse entendre que la BCE ne suivra pas l'exemple de la Fed.

Les plus grands journaux économiques anglo-saxons ont exprimé ce mercredi matin leur scepticisme quant à la stratégie de la Fed et de son président Ben Bernanke. Pour The Economist, "il y a plus qu'un signe de panique dans cette décision, à peine plus d'une semaine avant une réunion programmée" de la Réserve fédérale. Le Financial Times estime quant à lui que cette baisse drastique des taux était justifiée mais que Bernanke a pris un risque en réagissant apparemment aux mouvements des marchés. "Cette baisse des taux en urgence, décidée une semaine seulement avant une réunion programmée de la Fed, risque de donner l'impression que la Fed a paniqué", ajoute le quotidien.

Mais c'est le Wall Street Journal qui semble le plus sévère. "M. Bernanke doit être clair avec tout le monde - le Congrès, Wall Street, les investisseurs - et expliquer que faciliter le crédit n'est pas l'élixir magique pour le problème latent de l'insolvabilité des banques", plaide le quotidien financier. "Les pertes dans le secteur bancaire et dans l'immobilier sont réelles et doivent être affrontées".

Ces critiques n'empêchent pas les marchés d'anticiper une baisse supplémentaire des taux aux Etats-Unis à l'occasion de la prochaine réunion de la Fed le 30 janvier. Pour certains, cette baisse pourrait être d'un demi point à la fin du mois et d'autres baisses pourraient même suivre. La Fed a reconnu à demi mots que ce scénario était crédible en indiquant qu'elle était prête "à agir en temps voulu , et si nécessaire". Pour Marie-Pierre Ripert, de Natixis, le taux directeur de la Réserve fédérale pourrait tomber à 2,5% à la fin du premier trimestre 2008.

Cette politique très réactive de la Fed suscite néanmoins quelques inquiétudes, avec le risque de voir l'inflation s'envoler. Pour Stephen Roach (Morgan Stanley), "la Fed en fait des tonnes pour ménager les marchés, avec la possible injection de nouvelles liquidités dans le système qui nous fera entrer dans une autre bulle". Et de poursuivre en déclarant redouter que "le principal effet de la décision d'hier soit finalement d'endormir tout le monde. Avec cette politique d'ajustement fondée sur un excès de liquidités, on continuera d'aller de bulle en bulle".

Partageant ce sentiment, certains banquiers présents à Davos en Suisse, pour le traditionnel forum économique annuel, ont appelé de leurs voeux une meilleure gestion de crise afin d'éviter à l'économie mondiale d'entrer en récession. "Les marchés ont besoin d'une seule chose: d'un leadership, que ce soit à un niveau régional ou au niveau mondial. Mais il semble faire cruellement défaut ces jours-ci", a confié à l'agence Reuters John Studzinski, chargé du conseil au sein du fonds d'investissement américain Blackstone.

En Europe, la Banque centrale européenne paraît bien décidée à... ne rien faire. "En toutes circonstances, mais plus encore lors des périodes difficiles de correction significative sur les marchés, et de turbulences, la responsabilité de la banque centrale est d'ancrer solidement les anticipations d'inflation, afin d'éviter davantage de volatilité sur les marchés", a déclaré ce mercredi matin Jean-Claude Trichet devant des parlementaires européens à Bruxelles. En réaffirmant la priorité à la lutte contre la hausse des prix, le gouverneur de la BCE prend ses distances avec la Réserve fédérale américaine.

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