Benoît Battistelli, directeur général de l'INPI : "le dépôt de brevet doit être considéré comme un investissement"

Pour le directeur général de l'Institut national de la propriété (INPI), le dépôt de brevet doit être considéré comme un investissement à part entière. Il espère qu'une juridiction communautaire, qui permettra de régler plus rapidement les litiges liés à la protection de la propriété industrielle, verra le jour pendant la présidence française de l'Union européenne.

La Tribune. Vous venez de remettre les Trophées nationaux de l'Innovation. Quel est l'objectif de cette manifestation?

Benoît Battistelli. Cette remise de prix, qui met en lice les lauréats régionaux, est destinée à récompenser des PME et laboratoires de recherche qui utilisant la propriété industrielle comme vecteur de croissance économique et de création d'emploi. Cette année, quatre PME ont été récompensées dans des secteurs aussi variés que la cosmétique (Laboratoire Nuxe), les télécoms (Parrot), les ferrures métalliques (Tordo Belgrano) et le textile technique (Cousin Biotech), ainsi qu'un centre de recherche spécialisés dans la physique (Celia). Cette récompense est importante pour l'image de l'entreprise. Elle constitue également un puissant facteur de motivation interne.

Ces trophées sont un moyen de sensibiliser les PME à la propriété industrielle. Par exemple, en l'absence de brevets, une PME serait totalement démunie face à des concurrents qui auraient la capacité de dupliquer son invention et de la diffuser rapidement sur les marchés internationaux. A l'inverse, une PME qui détient des brevets peut participer davantage aux réseaux d'innovation, accéder aux technologies dont elle a besoin, négocier avec une grande entreprise pour l'exploitation d'une invention dont elle ne peut tirer convenablement parti du fait de sa taille (partenariat, licence, cession de technologies), se défendre face à la contrefaçon, ou encore obtenir plus facilement des financements.

D'ailleurs, elles ne s'y trompent pas, le nombre de dépôts de brevets par les entreprises connaît en France une croissance continue depuis 10 ans, qui devrait atteindre 3,5% en 2007.

Récemment, le gouvernement a pris plusieurs mesures pour favoriser le développement de la propriété industrielle. Il demande notamment à l'INPI de doubler dès 2008 le nombre de pré-diagnostics, actuellement de 500 par an, que ses experts effectuent dans les PME pour favoriser le dépôt de brevet. Pourrez-vous suivre la cadence?

Le pré-diagnostic est effectivement un grand succès. Il s'agit d'une méthode d'approche de la propriété industrielle destinée aux PME qui ne l'utilisent pas encore. L'ensemble des outils est pris en compte: brevets, marques, dessins & modèles, contrats, licences, recherches documentaires... La réalisation du pré-diagnostic est gratuite pour les PME. Plus de 1.700 PME en ont bénéficié depuis son lancement en 2004 parmi lesquelles 60% déclarent avoir, dans les 6 mois, pris une décision concrète en matière de propriété industrielle.

Devant ce succès, le gouvernement nous a en effet demandé d'en faire deux fois plus. C'est évidemment un défi considérable que nous allons relever en procédant par redéploiement interne et nous recruterons au cas par cas des experts externes. Alors que l'innovation est devenu l'un des axes majeurs de la stratégie économique du gouvernement, les pré-diagnostics sont un outil très efficace. Nous donnerons la priorité aux PME intégrées aux pôles de compétitivité. Par ailleurs, déjà présent dans treize régions, l'INPI ouvrira des bureaux supplémentaires en 2008 en Bourgogne, en Basse-Normandie, en Picardie et en Franche-Comté.

Les PME évoquent souvent le coût d'un brevet pour expliquer leurs réticences à faire appel à vos services. Comment les convaincre?

L'acquisition d'un brevet doit être considérée comme un investissement dont l'entreprise doit évaluer l'impact sur sa stratégie. Il n'en reste pas moins que le coût peut être un élément sensible pour une PME. C'est pourquoi le gouvernement a décidé de doubler le taux de réduction des tarifs, désormais porté à 50% pour les principales redevances de brevets. En outre, la cible a été élargie. Afin d'aider les PME à grandir, ces réductions s'appliquent désormais à toutes les entreprises de moins de 1.000 salariés.

Ces mesures seront applicables au cours du 1er trimestre 2008. Rappelons que le coût d'un brevet en France est d'environ 5.000 euros, ceci incluant les frais de conseil en propriété industrielle: la part INPI s'élève pour une PME à 311 euros. Les PME ne doivent plus hésiter à déposer un brevet si elles veulent protéger leurs innovations et leurs produits contre la contrefaçon, d'autant plus que les prochains décrets de la loi anticontrefaçon qui seront publiés pendant le prochain trimestre devraient mieux protéger les entreprises.

Est-il simple de déposer un brevet?

Nous avons fait de gros efforts de simplification et de modernisation. Et nous les poursuivons. Il est déjà possible de déposer un brevet sur Internet. Sur les environ 17.000 dépôts faits en 2007, la moitié a été réalisée via Internet. Dans très peu de temps, nous proposerons à nos clients de suivre en ligne l'ensemble de la procédure, du dépôt à l'obtention du brevet.

La simplification du crédit impôt recherche est-elle de nature à doper le dépôt de brevet?

Sans aucun doute. D'autant plus que les dépenses liées à la défense de la propriété industrielle sont désormais plus facilement éligibles au CIR.

En 2007, la France a enfin ratifié l'accord de Londres qui élimine l'obligation de traduire les brevets nationaux en de multiples langues. Quelles sont les conséquences concrètes pour les entreprises?

En réduisant les frais de traduction, cette ratification permet d'abaisser d'environ 30% le coût du brevet européen qui s'élève à 35.000 euros en moyenne. Ce qui est loin d'être négligeable, pour les PME mais également pour les grandes entreprises et les laboratoires de recherche qui voient mécaniquement leur capacité à déposer des brevets et protéger leurs innovations progresser. Le CNRS, par exemple, a estimé que la ratification des accords de Londres lui fera économiser de l'ordre de 1,5 à 2 millions d'euros par an qu'il pourra consacrer à mieux protéger ses inventions.

Le chantier du brevet communautaire avance-t-il?

Avec ses homologues européens et la Commission européenne, l'INPI contribue à faire avancer ce dossier sensible au cours de la présidence portugaise de l'Union européenne et nous continuerons pendant la présidence slovène. Nous avons bon espoir que la création d'une juridiction communautaire européenne soit décidée pendant la présidence française. Actuellement, une entreprise doit faire un procès dans tous les pays où il y a litige. Des procès dont l'issue peuvent varier selon les pays. En cas de contentieux entre deux entreprises privées, cette juridiction trancherait. Sa décision, son avis serait valable dans les pays de l'Union européenne. La création d'une telle structure serait un gain de temps extraordinaire pour les entreprises françaises et européennes dans leur ensemble.

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