Pourquoi l'Europe doit renégocier avec l'Irlande

Les élections de ce vendredi en Irlande devraient donner un mandat au nouveau gouvernement pour renégocier le plan de sauvetage. C'est une bonne chose : pour sauver l'euro, Bruxelles doit faire un geste et arrêter d'enfoncer l'Irlande.
Développement immobilier abandonné au centre de l'Irlande

La colère qui règne en Irlande est impressionnante. Après trois années de grave récession (-11% de PIB au total), un chômage qui a triplé, et surtout quatre plans d'austérité en trois ans, les Irlandais n'en peuvent plus. Presque tous ont été directement touchés par la crise. Le ras-le-bol devrait s'exprimer dans les urnes ce vendredi. Le parti au pouvoir, le Fianna Fáil, va être laminé: il avait 42% des voix lors des élections de 2007, et n'est crédité que de 15-17% pour ces élections.

Le très probable nouveau premier ministre, Enda Kenny, du parti Fine Gael (centre droit), a mené campagne sur un thème principal: renégocier le plan de sauvetage du FMI et de l'Union Européenne. Pour l'instant, Bruxelles, mais surtout Berlin, ne veulent pas en entendre parler. Ils ont tord. L'Irlande fait partie de la zone euro. Si la monnaie unique doit être sauvée, il faut aider ce pays, pas l'enfoncer.

Les conditions imposées à l'Irlande sont telles que le pays aura beaucoup de difficultés à se relever de cette crise. Le plan de sauvetage impose à l'Irlande de réaliser 15 milliards d'euros d'économies pendant les quatre prochaines années, dont six milliards dès cette année. Pour donner une idée de l'ampleur de la tâche, c'est presque 10% du PIB. Comme si on demandait à la France d'économiser environ 190 milliards d'euros, soit une fois et demi le budget de l'éducation nationale!

Si l'Irlande avait été un pays dépensier, dont le déficit venait d'un Etat irresponsable, un tel plan pourrait peut-être se justifier. Mais l'Irlande a déjà passé quatre plans d'austérité. Les salaires des fonctionnaires ont été baissés de 15% en moyenne ; les allocations sociales ont été baissées ; un nouvel impôt, entre 2% et 10% suivant les revenus, vient d'être imposé pour payer le plan de sauvetage.

Le résultat est sans surprise: l'économie irlandaise ne s'en remet pas. La récession continue, malgré des exportations en forte progression. Cette année, les économistes prévoit une très légère croissance, mais à peine. Et donc, les recettes fiscales sont en baisse, ce qui rend presque impossible de réduire le déficit.

Surtout, ce ne sont pas tant les dépenses de l'Etat qui creuse le déficit que le problème des banques irlandaises. C'est entendu: celles-ci ont fait n'importe quoi dans les années 2000, prêtant beaucoup trop et créant une gigantesque bulle immobilière. Mais aujourd'hui, l'Etat n'en finit pas de renflouer les banques. La facture atteint désormais 50 milliards d'euros, mais le plan de sauvetage du FMI prévoit 35 milliards de plus. Au total, c'est plus de 50% du PIB. Intenable! Et il paraît plus que dangereux -et injuste- de tenter de payer cela en baissant les allocations chômages. Imaginez qu'on baisse les aides aux chômeurs français à cause des pertes de la Société Générale ou de BNP Paribas.

Enfin, outre les mesures d?austérité, le plan de sauvetage international de 67,5 milliards d'euros (le total atteint 85 milliards d'euros, mais une partie vient d'un fonds de réserve irlandais) impose des conditions très dures. Le taux d'intérêt est de 5,8%. En clair, la France et l'Allemagne -entre autres- font des bénéfices sur le dos des Irlandais, puisqu?ils empruntent à moins de 3%.

Conséquence de tout cela: l'Irlande ne peut pas se redresser, du moins pas à court terme.

Que faut-il faire? Baisser le taux d'intérêt du plan de sauvetage aiderait. L'Irlande économiserait environ 600 millions d'euros pour une baisse de 1%. Un taux d'intérêt autour de 3,5-4%, au lieu de 5,8%, permettrait au pays de rembourser 3,5 milliards d'euros en moins pendant les trois prochaines années. Ce serait un premier pas, simple à réaliser. Mais ce n'est pas assez.

L'autre aide devra porter sur les banques. En particulier, les porteurs d'obligations dites "seniors" des banques irlandaises doivent accepter des pertes. Jusqu?à présent, leur argent a été garanti par l?Etat irlandais au début de la crise. En clair, les pertes des banques ont été nationalisées. C?est cette grave erreur que l?Irlande paie aujourd?hui.
Au moins 24 milliards d'euros d?obligations seniors sont en jeu. En imaginant par exemple que leur valeur soit réduite de moitié, cela permettrait de couvrir presque l?ensemble du plan d?austérité de quatre prochaines années. De quoi vraiment aider l'Irlande à rebondir.

Le probable nouveau gouvernement se veut raisonnable: il exclut d'agir de façon unilatérale sur ce sujet. Il reconnaît que cela doit être négocié de façon paneuropéenne. Il a raison: s'il agissait dans son coin, cela risquerait de faire paniquer les détenteurs d'obligations de banques portugaises ou espagnoles, et provoquer une nouvelle crise de la zone euro. Mais une telle solution est inévitable.

Certains trouveront qu'il est injuste d'aider ainsi les Irlandais. Qu'ils ont profité des années de la bulle immobilière. Qu'ils devraient augmenter leur taux d'imposition sur les sociétés (de 12,5%). Peut-être. Mais ce n'est pas le sujet. Si la zone euro veut se sauver, elle doit aider l'Irlande. Sinon, cela reviendra la hanter.

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Commentaires 15
à écrit le 03/03/2011 à 15:06
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16 milliards d'obligations sans aucune garantie L'option d'un partage des pertes a notamment été évoquée par certains responsables des deux principaux partis d'opposition, le Fine Gael (centre) et le Labour (gauche), grands vainqueurs des élections...

à écrit le 01/03/2011 à 4:01
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Question à La Tribune, commentaire plus bas du 25/02/2011 à 13:22 --- Vous semblez vouloir sous-entendre que si l'Irlande quittait la zone euro les emprunts Irlandais devrait être remboursés en Euro et non dans la nouvelle monnaie nationale? Les emp...

à écrit le 28/02/2011 à 2:17
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L'excédent de la balance commerciale allemande en 2010 est de 154,3 Milliards ( dix-septième d'affilée), obtenu surtout dans la zone euro, ceci revient à une exportation du chômage allemand vers les autres pays euro. Cet excédent est réinvesti surto...

à écrit le 27/02/2011 à 9:20
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L'Irlande comme la Grèce sont dans des situations qui ont des conséquences sur le reste de l'Europe mais ses conséquences sont pour l'instant faibles car si ces 2 pays plus le Portugal et l'Espagne devaient sortir de la zone euro leur dette deviendra...

à écrit le 27/02/2011 à 9:01
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Tant que nos gouvernants seront inféodé à l' U.E., ils n'auront d'autre pouvoir que d'exécuter les ordres de la commission et de la banque centrale.

à écrit le 27/02/2011 à 8:39
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un "développement immobilier" cela n'existe pas en français: on parle de programme ou de promotion immobilière. Défendez un peu votre langue que Diable!

à écrit le 26/02/2011 à 14:16
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Tant que les "porteurs d'obligations dites "seniors"" sont sauvés, l'Europe peut couler... Et n'oublions pas que le taux d'IS reste dérisoire, malgré le "nouvel impôt" dont l'assiette doit être ailleurs. Pris en otage, comme l'Islande.

à écrit le 26/02/2011 à 7:45
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au contraire, le taux de l'IS est à l'origine du problème Irlandais car sans dumping fiscal, pas de sociétés étrangères, pas de boom immobilier et pas de bulle immobilière. Toute réforme durable passe donc par le préalable d'une normalisation fiscal...

à écrit le 26/02/2011 à 4:15
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Si l'Irlande a besoin d'un plan de sauvetage ... encore faudrait il qu'elle accepte de mettre ses impôts sur les sociétés au même niveau que celui des pays qui vont devoir l'aider .... Que les pays qui font du dumping fiscal se fassent passer pour de...

le 28/02/2011 à 17:44
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Complètement d'accord avec vous sur la question de l'impot sur les sociétés ! Il faudra aussi, à l'avenir, mieux controler la destination des aides européennes, car c'est grâce à elles que l'Irlande a décollé. Tout ceci ne peut justifier que ce ...

à écrit le 25/02/2011 à 13:43
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La il y a 2 problemes majeurs qu aucun gouvernement ou entite n a reussi a regler: 1 la finance doit elle etre un commerce comme les autres???, et doit elle etre au centre du systeme???? Je pense tres sincerement que non, deja il faut a nouveau sc...

à écrit le 25/02/2011 à 11:31
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Nationaliser les pertes des banques d'accord, on ne peut pas laisser s'éffondrer les principales banques d'un pays. La question est que va-t-il se passer dans les années a venir lorsque ces banques seront à nouveau profitables ? Toutes la population ...

le 25/02/2011 à 12:22
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C'est vrai, l'Irlande ne peut pas dévaluer sa monnaie, ce qui complique les choses. Mais on peut aussi voir les choses en sens inverse: sans l'euro, la monnaie irlandaise se serait effondrée, ce qui aurait très fortement augmenté la valeur de sa dett...

le 25/02/2011 à 13:57
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Donc, si je vous ai bien compris, l'euro a bien aidé... les banques. Vive l'Islande. Le peuple souffrir de la dévaluation de leur monnaie mais ils pourront relancer leur économie, eux.

le 25/02/2011 à 16:39
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Encore faut-il vivre en islande,et pas dans un salon doré

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