Benjamin Bréhin, l'aiguilleur d'anges

Le discret Benjamin Bréhin assure la direction du réseau France Angels. Avec la volonté de mieux former les business angels français, et de leur donner une visibilité auprès des pouvoirs publics.

Jamais un mot plus haut que l'autre. Benjamin écoute ses interlocuteurs, explique avec pédagogie, maîtrise son discours. Calmement. À 27ans, le directeur opérationnel de France Angels coordonne les 86 réseaux qui regroupent en France 4.500 business angels, ces particuliers qui consacrent une partie de leur patrimoine au financement de toutes jeunes entreprises.

« Les business angels français investissent en moyenne 40 millions d'euros par an, dans 350 stratus. Le ticket moyen est de 4.000 euros, mais cela ne signifie pas grand-chose car les écarts entre les mises sont importants. La médiane, qui s'établit à 250.000 euros, est plus significative. Surtout, il faut noter que les deux tiers des entreprises accompagnées existent toujours au bout de trois ans, contre seulement une sur trois sans accompagnement », explique doctement Benjamin Bréhin.

Ce pragmatique s'est lancé dans l'entrepreneuriat au cours de sa formation à France Business School (ex-ESCEM Tours-Poitiers). Avec deux amis, il a développé pendant deux ans Edicarte, une société proposant des cartes postales assorties d'un mini-DVD pour faire découvrir les charmes de la région.

« Nous avions découvert ce concept lors d'un voyage en Bretagne. Nous avons décidé de le transposer à l'échelle nationale. Pour recueillir le contenu de nos DVD, nous avons organisé un concours qui a réuni huit écoles de photographie et de commerce. Et pour la diffusion, nous avons signé un partenariat avec La Poste, pour sa gamme Prêt-à-poster. »

La formation est son cheval de bataille

Parti un semestre au Mexique dans le cadre de sa formation, il en profite pour monter une association pour promouvoir les échanges culturels entre Mexicains et Français.

« J'ai été frappé par l'importance que les Mexicains accordaient à la culture française. L'association a d'abord vu le jour dans le cadre de l'Université de technologie de Monterrey, puis elle a essaimé grâce à un accord passé avec l'Alliance française au Mexique. Elle existe toujours. »

Cette facilité à faire décoller des projets a vite été repérée lorsqu'il a rejoint France Angels, en tant que stagiaire, en 2008. Alors directeur général de la fédération, Nicolas Fritz lui avait confié pour mission de monter des actions de sensibilisation.

« À l'époque, il n'existait qu'une vingtaine de réseaux de business angels en France. Nous étions une équipe jeune, avec peu de moyens, mais une grande envie d'aider les entrepreneurs dans leur quête de financement. Benjamin a contribué à mettre en place des événements prestigieux, réunissant de grands sponsors et des ministères, sans expérience préalable et en s'amusant. Il est très vite devenu mon bras droit, et il était naturel qu'il prenne plus de responsabilités quand j'ai quitté France Angels », souligne Nicolas Fritz.

Ces actions de « prosélytisme » ont porté leurs fruits, et le mouvement des business angels a pris de l'ampleur. Benjamin Bréhin s'est alors attelé à former ces nouveaux investisseurs.

« J'ai créé trois programmes de formation dans le cadre de France Angels Campus. L'un d'eux est destiné à faire découvrir les rudiments de l'investissement, avec des conseils pour sélectionner les dossiers, des explications sur le pacte d'actionnaires mais aussi des processus d'accompagnement des jeunes entrepreneurs. Le business angel apporte sa compétence autant que son capital. »

Pour mettre au point ces guides pratiques, Benjamin Bréhin a travaillé avec Christophe Bernard, associé en charge du Middle Market de la zone Europe chez KPMG.

« Benjamin est quelqu'un qui donne envie de travailler avec lui. Il est direct, rapide et efficace. Depuis qu'il est arrivé chez France Angels, il a ainsi collaboré avec trois présidents différents. Il mise sur le collectif, à l'instar d'un joueur de rugby. »

En fait, c'est plutôt le basket qui passionne Benjamin Bréhin. Jusqu'en 2010, il a même entraîné les joueurs du club de La Loupe (Eure-et-Loir), où il a marqué ses premiers paniers. Malgré ses fonctions chez France Angels et ses déplacements fréquents, il préfère vivre à la campagne, quitte à passer trois heures dans les transports chaque jour.

« Les promenades à la campagne me permettent de me ressourcer. C'est important quand on a beaucoup de choses à penser et à faire en même temps. »

Cette année, les projets n'ont pas manqué pour cet homme qui « déteste le superflu ». Un réseau européen de business angels, baptisé BAE, a été fondé en partenariat avec les fédérations du Royaume-Uni, du Benelux, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne et du Portugal.

« La Pologne devrait rejoindre cette alliance de réseaux qui doit aider les start-up à s'internationaliser en fédérant nos contacts dans les différents pays. »

Lancé en janvier dernier, un premier fonds commun d'investissement européen, Angel Source, doté de 20millions d'euros en partenariat avec le Fonds stratégique d'investissement, a réalisésapremière prise de participation.

« La société iséroise Fluoptics, qui travaille dans l'imagerie médicale, a reçu 2 millions d'euros. »

Pour autant, Benjamin Bréhin n'en oublie pas son cheval de bataille : la formation. Une démarche qualité pour perfectionner les pratiques des business angels va être déployée auprès des réseaux en 2014.

« La plupart des business angels sont des bénévoles amateurs. Nous voulons donner un cadre à notre action pour faciliter le dialogue avec les autres acteurs du financement, investisseurs en capital-risque et venture capitalistes, mais aussi les partenaires publics comme Bpifrance et les fonds régionaux. »

À la tête du réseau Ensae Business Angels, Didier Negiar apprécie la qualité de ces formations, mais plus encore, les conseils que Benjamin Bréhin lui a apportés.

« Dans l'univers morcelé des start-up, Benjamin est un facilitateur. Il sait orienter vers la bonne personne, le bon endroit. Ce qu'il donne est immédiatement utilisable. »

Discret, Benjamin Bréhin n'en reste pas moins un homme de convictions.

Il milite actuellement « pour qu'une partie de l'épargne dormante soit fléchée vers la création d'emploi et l'innovation. En France, nous avons des idées mais il faut des fonds pour créer de la valeur ajoutée. Pour répondre à la demande des start-up, il faudrait 10.000 business angels dans notre pays. »

Il se réjouit donc d'y voir émerger « une nouvelle génération, des entrepreneurs d'une quarantaine d'années, qui ont revendu une première entreprise et deviennent investisseurs quelque temps avant de créer une nouvelle activité ».

Et reprend son bâton de pèlerin pour prêcher la bonne parole actionnariale. Même par temps de crise.

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>>> MODE D'EMPLOI

Où le rencontrer ? : « Je fréquente tous les cercles d'entrepreneurs, et les salons à Paris et en province qui touchent de près ou de loin à l'entrepreneuriat... Et je prends mon café à La Penderie (2e), juste à côté des locaux de France Angels. »

Comment l'aborder : « J'apprécie la convivialité et la simplicité. L'entrepreneur m'intéresse autant que le projet. Envoyez-moi un mail après une rencontre de visu pour me rafraîchir la mémoire, car je rencontre beaucoup de gens chaque jour. »

À éviter : « Je passe mes journées au téléphone avec le réseau des business angels, donc évitez de me contacter par ce biais. Mais je réponds rapidement aux mails. »


>>> TIMELINE

  • Juin 1986: Naissance
  • 2006: Création d'Edicarte
  • 2007: Création d'une association culturelle au Mexique
  • 2008: Entre chez France Angels
  • 2010: Responsable de France Angels Campus
  • 2011: Directeur des opérations de France Angels
  • 2015: Entrepreneur ou acteur de l'écosystème dans une autre structure, voire à l'étranger.

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