Lundi 26 mai, le Front National se voit en premier parti de France

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1012  mots
En cas de victoire dimanche, le Front National va se considérer comme le premier parti de France.
Si le Front National arrive en tête au scrutin européen de dimanche, la question d'un rapprochement ou non avec le parti de Marine Le Pen va mettre la cohésion de l'UMP à l'épreuve. Au PS, des voix vont plaider en faveur d'une politique davantage favorable aux plus défavorisés... sans réelle chance de succès.

Élections européennes, J -1. Si, a priori, on ne s'attend pas à une mobilisation majeure des électeurs français dimanche 25 mai, il n'en reste pas moins, paradoxalement, que les conséquences de cette élection au niveau franco-français seront importantes. Surtout, hypothèse très plausible, si le Front National arrive en tête devant les partis "traditionnels". Marine Le Pen n'hésitera pas alors à qualifier sa formation de "premier parti de France". A cet égard, le sondage Ipsos réalisé vendredi 23 mai place le FN à 24%, en hausse de 0,5 point, l'UMP à 21% et le PS à 17,5%. Le FN serait ainsi en position d'envoyer une vingtaine de députés (voire plus) français (sur 74) au Parlement de Strasbourg. Ce serait la première fois que le parti fondé par Jean-Marie Le Pen il y a plus de 40 ans arriverait en tête d'un scrutin national. Tour d'horizon de ce qui pourrait se produire à compter du lundi 26 mai.

Les députés PS vont demander une inflexion de la politique de l'offre

A gauche, d'abord. Certes, s'il parvient à obtenir 17% des suffrages, le PS pourra toujours se dire qu'il a évité la correctionnelle et qu'il se maintient par rapport au dernier scrutin de 2009 (16,5%), surtout avec un taux d'abstention qui pourrait frôler, voire dépasser, les 60%. Ce n'est pas la déroute de 1994, quand la liste conduite par Michel Rocard avait été humiliée avec ses 14,5%.

Il n'en reste pas moins que la majorité au pouvoir va se retrouver dans une situation très difficile avec ce second échec après celui des élections municipales… En attendant, peut-être, le prochain aux élections régionales. Les tensions internes au parti majoritaire vont s'exacerber. Le "bloc des 41", qui n'a pas voté le programme de stabilité prévoyant les 50 milliards d'euros d'économies et le pacte de responsabilité, va réclamer d'autres inflexions dans la politique économique en faveur des ménages les plus modestes.

Pour eux, au-delà d'un strict point de vue économique, il s'agirait de tenter de reconquérir un électorat populaire dépité qui se tourne de plus en plus vers le Front National, faute d'avoir l'impression d'être pris en considération. Mais il y a peu de chances pour que le gouvernement de Manuel Valls modifie sa politique. Pour le Premier ministre, l'allègement de l'impôt sur le revenu des moins favorisés, applicable dès cet année, est déjà acté. C'était la réponse immédiate à apporter à cette question des bas revenus. Il n'y aura pas d'autres gestes, du moins pas avant 2015. La priorité est maintenant à l'application du pacte de responsabilité. En espérant qu'il fera sentir ses effets sur les chiffres du chômage.

La pression pour une dissolution de l'Assemblée va s'exacerber

Bien entendu, espérant surfer sur son succès, Marine Le Pen ne va avoir de cesse de réclamer la dissolution de l'Assemblée nationale, estimant que le président de la République n'a plus de majorité. Bien entendu, ce sera en pure perte. Mais le climat va incontestablement se tendre. Paradoxalement, la majorité va trouver avec l'UMP son meilleur allié pour éviter la dissolution. Le principal parti de l'opposition craint en effet très fortement la concurrence des candidats frontistes en cas d'élections législatives anticipées. Du moins, tant que l'UMP reste dans sa configuration actuelle.

De fait, s'il s'avère que le Front national arrive bien en tête au scrutin de dimanche, cela risque de fortement tanguer à l'UMP. Les forces contraires qui s'expriment plus ou moins mezza voce au sein du parti vont prendre davantage d'ampleur.

L'UMP secouée par ses différents courants internes

ll y a d'abord ceux de la "Droite Populaire" qui vont réclamer quasi ouvertement un dialogue, voire une future alliance, avec le Front national, estimant que celui-ci s'est dé-diabolisé et est est devenu nettement plus fréquentable que par le passé.

A l'inverse, les anciens Premiers ministres Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin affirmeront exactement l'inverse, estimant que l'UMP ne doit pas tergiverser avec les "valeurs" et qu'il convient davantage de regarder du côté des centristes de l'UDI. François Fillon, lui, tactiquement, s'est déjà interrogé à voix haute sur l'avenir de l'UMP. Il semble avoir de gros doutes sur le maintien de la formation. Et ce non seulement en raison des divisions internes sur la stratégie à adopter par rapport au Front National, mais aussi à cause de la grave crise de gouvernance que connaît le mouvement.

Jean-François Copé va-t-il perdre la présidence de l'UMP?

Englué dans l'affaire "Bygmalion" - du nom de l'entreprise organisatrice de différentes manifestations internes à l'UMP appartenant à des proches de Jean-François Copé et dont les prestations auraient été surfacturées - l'actuel président de l'UMP est de nouveau très contesté. Mardi 27 mai, le bureau de l'UMP va donner lieu "à un grand déballage", selon les propres termes d'un cacique du parti. Il n'est d'ailleurs pas exclu que Jean-François Copé soit contraint de quitter la présidence sous "l'amicale" pression de plusieurs ténors du parti.

Une situation confuse qui pourrait pousser Nicolas Sarkozy à sortir de sa "fausse" préretraite politique. Mais l'ancien chef de l'Etat a un problème : plusieurs hypothèques judiciaires pèsent sur lui et elles ne sont pas encore levées, loin de là. De plus, s'il reste le plus populaire des potentiels candidats à droite pour l'élection présidentielle, Alain Juppé commence à lui tailler des croupières. Et, une fois revenu dans l'arène, Nicolas Sarkozy risque de perdre rapidement de son aura.

Toute cette confusion va faire le bonheur de Marine Le Pen. Les bisbilles internes à l'UMP et la grande déprime qui va régner au sein du PS ne pourront que galvaniser les cadres de son parti qui vont redoubler d'efforts dans la perspectives des prochains scrutins locaux et nationaux. Indéniablement, avec sa percée, voire sa victoire, au scrutin de dimanche, le Front National va se retrouver au centre de l'échiquier politique dans les mois à venir.