Street Scene au Châtelet : pari gagné

Le Châtelet donne jusqu'à demain une nouvelle version de cet opéra hors norme de Kurt Weill. Ni opéra lyrique, ni comédie musicale classique, cette oeuvre nous plonge dans l'amérique des bas fonds. La mise en scène est une vraie réussite.
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« Quand je suis arrivé aux Etats-Unis, il y a onze ans, j'ai très vite compris que la scène de Broadway était au public américain ce que les salles de concerts et d'opéras sont aux européens ». Cette phrase lancée par Kurt Weill en 1946, quatre ans avant sa mort résume à merveille et son ?uvre et ce qu'il a toujours voulu insuffler dans son travail de compositeur. Et de fait, l'opéra Steret Scene que présente jusqu'à demain le Théâtre du Châtelet n'est rien d'autre qu'un opéra moderne. « Ni comédie musicale, ni opéra d'inspiration européenne, cette ?uvre réunit musique savante et énergie de Broadway créant une nouvelle forme de théâtre musical », prévient d'ailleurs le patron du Châtelet Jean-Luc Choplin.

Et le résultat est vraiment une grande réussite. Ce patchwork de styles (mi parlé mi chanté), de sensibilités (mi blues mi lyrique) et de genre (mi romantique mi cruel) rend cette ?uvre aussi foisonnante que passionnante. L'argument est outre très émouvant plusieurs familles pauvres vivant dans la rue ce qu'elles n'ont pas la place de vivre chez elles. Et d'assister à des scènes d'amour, de ménage, des trahisons, des expulsions et un meurtre et ce sous les yeux d'une ribambelle de marmaille toujours hurlante et en mouvement, comme dans la vraie vie ! Il y a du cinéma réaliste italien dans ces évocations, des rythmes enfiévrés, du théâtre de rue, des chorégraphies dignes des plus grandes comédies musicales. Et la musique est là, tellement présente, amplifiant l'émotion et les débordements sentimentaux.

Kurt Weill nous avait habitué à revisiter les genres musicaux avec son Opéra de quat'sous. Il nous donne encore plus de grain à moudre avec Street Scene.
Il faut dire que la mise en scène de John Fulljames sert bien l'argument et l'âme de cette ?uvre. Avec cette idée lumineuse de placer face au spectateur et sur deux étages (comme si les musiciens étaient eux-aussi à l'étroit dans ces immeubles de carton) l'orchestre. La musique n'est plus cachée dans une fosse, elle se montre et accompagne de façon encore plus intime les protagonistes de cette cours des miracles américaine. Les chanteurs sont assez convaincants. Mais un regret toutefois. Il est dommage qu'ils soient tous équipés d'un micro. Celui-ci est certes pratique pour rendre plus audible les dialogues (encore que...) mais il dénature le timbre des voix. Et vu la qualité de la tessiture de l'ensemble des intervenants, ils auraient été bien plus performants sans cette « béquille ». On est, il est vrai, dans le registre de la comédie musicale et celle-ci a habitué les spectateurs à l'utilisation de tels adjuvants. Il n'empêche.
Le spectacle dure trois heures. On en aurait bien vu trois heures de plus.
 

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