Stratégie devises : La BCE est-elle capable d'atteindre une inflation à 2% ?

Dans la foulée du rapide déclin de l'inflation dans l'Eurozone depuis plus d'un an, le marché obligataire commence à s'interroger sur la capacité réelle de la BCE à atteindre une inflation à 2% dans un avenir proche. Le swap d'inflation à 10 ans est désormais à 1.77% ce qui signifie que les investisseurs anticipent une inflation en moyenne comprise entre 1.25% et 1.50% au cours des dix années à venir. En-dessous de l'objectif fixé par le mandat de la BCE.

L'inquiétude désormais perceptible sur les marchés financiers s'ajoute à une pression déjà existante pour que la banque centrale assouplisse davantage sa politique monétaire en dépit d'une reprise graduelle de l'activité. Une inaction prolongée pourrait créer le risque que le marché n'ait désormais plus confiance dans la volonté de la banque centrale d'atteindre une inflation proche de 2% sur une base annuelle, ce qui aurait pour conséquence un désancrage des anticipations d'inflation de l'ensemble des agents économiques. La BCE ne peut en aucun cas permettre une telle dérive c'est pourquoi, en jugeant que la hausse du niveau général des prix va rester encore pendant longtemps sous 1%, elle va devoir agir et envoyer un signal fort aux marchés.

Les actions possibles de la BCE:

La dynamique à l'oeuvre de redressement économique dans la zone euro s'accompagne d'une situation de déflation pour cinq pays membres dont la Grèce qui expérimente ce phénomène déjà pour le dixième mois consécutif. De fait, afin de rassurer les investisseurs, plusieurs hypothèses sont à l'étude dont:

- La baisse des taux:

Avec un taux de 0.25%, la BCE possède encore une faible marge de manoeuvre pour assouplir sa politique monétaire. Evoquée depuis le printemps dernier, la possibilité d'un taux de dépôt négatif est de nouveau envisagé par plusieurs membres du Conseil des gouverneurs, dont le successeur probable de Christian Noyer à la tête de la Banque de France. Cette solution soulève cependant de nombreuses incertitudes pour l'économie et nécessite des discussions longues et un accord entre tous les gouverneurs, y compris le représentant de la Bundesbank, qui dans ses dernières interventions s'est opposé à un taux de dépôt négatif. Le risque est que la BCE tarde à agir à ce propos, accentuant au passage le désancrage des anticipations d'inflation.

- L'amélioration du forward guidance européen:

Comme ses homologues britannique et américaine, la BCE fait reposer la réussite de sa politique monétaire sur la capacité à canaliser les anticipations sur les marchés, d'où la mise en oeuvre d'une stratégie de forward guidance qui s'étoffe chaque mois de plus en plus. Il semble peu probable que l'institution établisse des niveaux planchers comme la FED pour une remontée des taux. En revanche, la publication du compte-rendu des réunions de la BCE est une possibilité qui pourrait permettre d'aiguiller plus le marché. Une question est en suspens: le nom des intervenants sera-il publié? Ce point ne fait pas consensus entre Français et Allemands.

- Le renforcement de l'approvisionnement en liquidités du marché:

Le dernier LTRO à 3 ans sera remboursé en 2015. Cependant, comme le montre l'expérience américaine, le meilleur moyen d'éviter une déflation est d'approvisionner les marchés en liquidités. Le système de LTRO répond à cet impératif et, de notre point de vue, une troisième opération est indispensable et pourrait être annoncée d'ici la fin du T2. Cependant, là encore, le sujet ne fait pas consensus au niveau des acteurs de la BCE et certains militent pour la mise en place d'un système de veille pour s'assurer que ces apports en liquidités servent l'économie réelle via le crédit.

Le principal risque pesant sur l'action de la BCE:

Le succès de l'action de la BCE dépend d'un facteur sur lequel elle n'a pas de prise, à savoir l'évolution du prix des matières premières. L'une des raisons expliquant la désinflation à l'oeuvre dans l'Union a trait à la baisse continue du prix des matières premières. L'Histoire économique nous enseigne que l'évolution de ces prix est complètement imprévisible, dépendant non seulement de l'offre et de la demande sur le marché mais également du risque politique ou encore de facteurs météorologiques impossibles à prévoir à l'avance avec exactitude.

La faiblesse constatée des prix alimentaires pourrait cependant être enrayée d'ici les deux ans à venir en raison d'une adaptation de l'offre à des prix faibles ou encore de conditions climatiques défavorables, comme cela fut le cas en 2008 ou en 2011. La capacité de la BCE à renouer à plus ou moins long terme avec sa cible d'inflation sera fonction en grande partie d'un facteur exogène, ce qui incitera certainement les membres du Conseil à une observation vigilante du marché des matières premières.

 

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