Investir dans les business internet : regarder la qualité avant le prix

Que se passe-t-il lorsque les analystes de L'Investisseur Français (*) rencontrent ceux de la société de gestion Amiral Gestion (**)? Une discussion à bâtons rompus et en deux temps sur la façon d'investir en ce moment: deuxième temps : des étonnantes entreprises belges, Picanol et Tessenderlo, les grands du net américains (Facebook, Twitter...) mais aussi chinois (Baidu), et quelques autres sociétés qui gagnent à être connues.
Mark Zuckerberg, fondateur et PDF de Facebook.

->> Retrouvez ici le premier volet de l'échange entre Amiral Gestion et L'Investisseur Français

Bastien, chez Amiral c'est toi qui suis Luc Tack, un entrepreneur exceptionnel que nous connaissons bien. Qu'as-tu pensé de la récente proposition de rachat de Tessenderlo par Picanol ?

Bastien : On a été surpris. On l'était déjà quand Picanol a commencé à prendre une participation dans Tessenderlo il y a deux ans, car ces deux business n'ont rien à voir entre eux. Ce qui est un peu gênant, c'est qu'on utilise Picanol pour la transformer en holding.

Pourquoi Tack fait-il ça ?

Pour assurer son contrôle sur Tessenderlo. Il contrôle en effet 90% de Picanol qui détiendrait 56% de Tessenderlo.

Comme tu le sais, c'est un dossier dans lequel nous avons activement milité en première ligne pour défendre nos intérêts d'actionnaires de Tessenderlo. As-tu toi aussi eu l'impression que Tack flouait un peu ses minoritaires ?

Difficile à dire. Il l'a présenté comme une opportunité de créer de la valeur pour tout le monde. Nous, nous sommes actionnaires de Picanol. Je ne sais pas si on peut dire qu'on est abusés, mais c'est toujours un peu désagréable d'investir dans un business supposé se transformer en holding du jour au lendemain. Même si Tessenderlo est un bon business, à première vue nous n'avons pas spécialement envie de voir s'appliquer une décote de holding à notre investissement original.

Un Outsider aux commandes

Que penses-tu de Picanol ? Y a-t-il vraiment un avantage compétitif dans ce business ?

Picanol fabrique des métiers à tisser, et c'est la référence mondiale en la matière. L'industrie est hyper concentrée, avec seulement deux autres acteurs significatifs, tous deux Japonais : Toyota et Tsudakoma. Tsudakoma perd de l'argent. La division n'est jamais revenue au niveau de 2007, alors que Picanol et la division de Toyota sont repassés au-delà. Les métiers à tisser sont des machines qui valent très cher : l'unité est autour de cinquante mille euros, car la technologie est critique. Il s'agit de concevoir des machines toujours plus productives mais qui consomment toujours moins d'énergie. Aussi, il y a l'impératif de fiabilité. Lorsqu'elles tournent, le cadencement est très important ; il faut donc les fixer sur le sol, et ceci expose la mécanique à un risque de casse. Des fabricants qui réussissent le tour de force de remplir ce cahier des charges, il n'y en a pas beaucoup. En fait, il n'y en a que trois. Et parmi ces trois, Picanol est vraiment très bien placé.

Trouves-tu toi aussi que Luc Tack gère superbement ce business ?

Il est arrivé en 2009 aux commandes d'un business en situation précaire, et les marges sont rapidement passées de 0,5% à 15%. Il est certain que ça ne s'est pas fait tout seul... De plus, d'après les échanges que nous avons eus avec d'autres professionnels, depuis l'arrivée de Tack les machines de Picanol sont considérées comme les Rolls de l'industrie. Pour l'instant, c'est un sans-fautes à tous les niveaux.

Toujours investissable ? Ou bien est-ce trop tard parce qu'on est en haut de cycle ?

On est sur une bonne tendance à long-terme. Il y a des cycles à l'international car les producteurs doivent périodiquement dépenser en capex, mais un tiers du business de Picanol est lié aux pièces détachées. Cela permet d'absorber les fluctuations du cycle, et accessoirement de mieux marger que sur la partie monte.

Donc toujours investissable ?

A nous, ça nous plaît toujours bien. Les résultats de 2015 sont excellents et la nouvelle gamme de machines est un catalyste commercial prometteur.

Est-ce que tu partages l'enthousiasme de Serge pour Tessenderlo ? [cf. « Transformer des Déchets en Euros, Mode d'Emploi »]

On est moins familiers avec ce dossier ; on le découvre petit à petit. Une première chose qu'on remarque, c'est qu'il y a beaucoup de points communs dans l'approche. Une partie de Tessenderlo était détenue par l'Etat, et l'entreprise avait procédé au fil des années à plusieurs acquisitions disons... discutables. Luc Tack est arrivé et il a fait le ménage. Il a gardé les trois business qui occupaient des positions de leaders dans leurs industries respectives. Neuf mois après son arrivée, il a déjà fait économiser trente millions de frais à la holding.

C'est la répétition du playbook Picanol ?

En tout cas, ça y ressemble.

Au sujet de Picanol, on voit qu'ils gagnent beaucoup de parts de marché depuis que Tack est aux commandes. Sais-tu pourquoi ?

Depuis qu'ils ont optimisé leur structure de coûts, avec pour conséquence un abaissement du point mort, ils peuvent se permettre de pricer leurs machines plus bas qu'autrefois, ce qui bien sûr plaît beaucoup à leurs clients. Sinon, comme vous le savez, il existe des métiers à tisser de deux technologies différentes : à pinces et à jet d'air. Au Bangladesh, un grand pays manufacturier pour l'industrie textile, les pénuries et coupes d'électricité sont fréquentes. Or les machines à jet d'air consomment énormément d'énergie... Un tour de force de Picanol est d'avoir su faire opter leurs clients pour des machines à pinces, beaucoup moins consommatrices d'énergie, ce que Toyota n'a pas réussi à faire aussi bien. Être sur les deux technologies les aide à gagner des parts de marchés. Quant à leur avantage technologique, il est validé par toutes les discussions que nous avons eues avec des professionnels de l'industrie. Même les gens de Toyota citent Picanol quand on leur demande qui est leur concurrent le plus sérieux.

Merci pour cette mise à jour. Nous allons continuer à suivre Luc Tack à la trace.

 Nous aussi.

Je me retourne vers mon voisin de gauche. Louis, tu es le spécialiste des business internet chez Amiral, à l'origine notamment de deux investissements très profitables dans Google et Facebook. Deux méga capitalisations pas tout à fait dans le style de la maison... [NDLR : plutôt orienté petites capitalisations européennes]

Louis : C'était un travail d'équipe. Les rumeurs de mon mérite sont très exagérées.

Dis-nous plutôt si le moment est venu d'investir dans Twitter ?

Pourquoi Twitter ?

Parce que le cours de bourse s'est effondré, et qu'on dit de Twitter exactement ce qu'on disait de Facebook il y a deux ans, avant que l'action ne fasse fois quatre.

Certes, mais on ne peut pas non plus investir quelque part simplement pour prendre le contrepied des on-dit...

Vision, exécution et capacité à se cannibaliser

D'accord. Et à part ça ?

Quand on investit, on recherche toujours un bon compromis entre la qualité et le prix. Dans le secteur internet comme dans l'industrie technologique en général, il faut d'abord regarder la qualité, et le prix vient ensuite. C'est l'inverse du dogme des value investors traditionnels, selon lequel tout est achetable à un certain prix, même la pire daube du monde (rires). Evaluer la qualité des business internet ou technologiques est excessivement difficile, dans la mesure où elle ne se mesure pas en termes de marges ou de rentabilité des capitaux propres. Ici, la qualité du business est quelque chose de plus immatériel, qui se mesure plutôt à partir de la capacité de vision des dirigeants, et de leur capacité d'exécution pour que cette vision devienne réalité. Le problème, c'est que ce sont des signaux faibles, sujets à autant d'interprétations qu'il y a d'analystes.  En plus d'une orientation stratégique claire et visionnaire et d'une capacité à exécuter de manière disciplinée, le troisième ingrédient de la qualité est une aptitude naturelle à se renouveler, et ne jamais accepter le statu quo, a fortiori si ce que l'on fait rencontre beaucoup de succès. Et ça, c'est un exploit.

Always change a winning game ?

C'est encore plus vrai ici qu'ailleurs. Ces caractéristiques, on les retrouve à l'envi chez Google ou Facebook. On voit comme leurs dirigeants sont en permanence obsédés par leur capacité à saisir le prochain grand tournant. Ils savent que leur position indétrônable aujourd'hui aura disparu dans trois ou quatre ans, peut-être moins que ça. Pour moi, la référence absolue en la matière est Mark Zuckerberg : c'est le dirigeant le plus impressionnant que j'ai pu voir à l'œuvre dans l'industrie technologique.

Pourquoi lui ?

Parce qu'il sait se cannibaliser. Mieux, il veut se cannibaliser ! Il est prêt à abandonner ce qui marche pour prendre un coup d'avance, et l'expérience prouve qu'il a un flair exceptionnel. Si tu te souviens bien, tout le monde se moquait de lui lorsqu'il a acquis Instagram ou WhatsApp... On disait qu'il surpayait, qu'il « diworsifiait », etc.  Pourtant, regarde ce qu'il en a fait ! C'est prodigieux ! Il savait déjà que le Facebook tel qu'on le connaissait aller mourir et passer de mode, et que la prochaine étape serait quelque chose de très visuel - comme Instagram - et l'étape d'encore après quelque chose centrée sur la messagerie - avec WhatsApp. Il est en train d'inventer le nouveau Facebook autour de la messagerie, en cannibalisant le vieux Facebook. Comme il l'a déjà fait. A chaque étape, il sait son temps compté. Un dirigeant qui pense autant en avance de son temps, qui est prêt à rebattre les cartes, prendre les bons tournants et bien choisir ses acquisitions, c'est hors du commun. Et c'est ce qui rend cette industrie si intéressante, et si difficile à bien approcher pour un investisseur.

Ces initiatives viennent-elles de lui ou des gens qui l'entourent ? Car il a la réputation d'être très bien entouré.

Elles viennent de lui, mais effectivement cette réputation est méritée. J'encourage d'ailleurs les gens qui s'intéressent à Facebook à lire The Facebook Effect de David Kirkpatrick : l'histoire est racontée de l'intérieur, et on comprend comment Zuckerberg a parfaitement conservé la main, et dirigé Facebook de tournant en tournant. Il changeait de management quasiment tous les deux ans, en sélectionnant à chaque fois  les gens qui pouvaient l'accompagner vers une étape bien précise. Une fois celle-ci atteinte, ces managements atteignaient leur plafond, et ils étaient remplacés par d'autres. Facebook s'est construit au long de cette course effrénée, avec Zuckerberg en capitaine du navire. C'est ça la qualité d'un business internet ! Les gens de Facebook ou de Google sont des références en la matière.

Et les gens de Twitter ?

Beaucoup moins. Twitter est une histoire plus compliquée. L'entreprise est gérée depuis des années par un professionnel plutôt que par un fondateur visionnaire.

Mais Jack Dorsey est revenu ?

Oui, le « visionnaire » est revenu... Enfin, l'est-il vraiment ? A priori oui, car il a quand même mis sur pied deux business qui révolutionnent leurs secteurs - Square et Twitter. Mais le plus dur reste à faire.

Pourquoi ?

Twitter a raté plusieurs fois le coche. Un business internet qui loupe trois ou quatre grands tournants aura beaucoup de mal à revenir dans la course. C'est vrai dans toutes les industries, mais dans celle-ci encore plus qu'une autre.

Comme si quelqu'un voulait ressusciter Myspace...

Pour ne rien arranger, Facebook attaque très agressivement les niches de Twitter. Et faire du business avec Facebook contre soi, toi je ne sais pas, mais moi je ne suis pas chaud. Après, personnellement, j'adore Twitter. C'est même le seul réseau social que j'utilise.

Après celui de L'Investisseur Français tu veux dire ?

Bien sûr (rires) ! Sinon,  à part un éventuel problème de qualité, il y a un vrai problème financier avec Twitter. Je dirais même que c'est le problème essentiel de Twitter.

Le problème de Twitter

Explique-nous ça.

Internet, c'est un business où le winner takes it all [NDLR : en franglais dans la conversation originale]. Pourquoi ? Parce qu'une fois atteinte une certaine échelle grâce à sa plate-forme, un business devient quasiment inattaquable. On l'a vu, le problème de Twitter est qu'ils ont Facebook en face d'eux. Pour tenir son rang, faire vivre et évoluer la plate-forme, Twitter a besoin du même nombre d'ingénieurs talentueux que Facebook, car les besoins sont à peu près similaires. Or, grâce à son business et à son cours de bourse qui grimpe, Facebook peut payer ses ingénieurs beaucoup mieux que Twitter ne peut payer les siens.

Raphaël : On paie beaucoup en actions dans ces business.

Louis : Du coup, Twitter est obligé de dépenser 30% ou 35% de leur chiffre d'affaires en stock-options, simplement pour pouvoir agiter une carotte capable de tenir la comparaison. Ce sont de vrais fous furieux, mais ils n'ont pas le choix ! Hélas, depuis leur entrée en bourse, ils ne peuvent plus payer leurs ingénieurs comme avant, car le cours de l'action Twitter est très bas, et comme tu l'as dit il ne cesse de chuter. De toute façon, les bons ingénieurs ne veulent plus aller chez Twitter. Et comme la valeur d'une boite de ce genre réside dans la qualité des cerveaux qui y travaillent, les lendemains s'annoncent là aussi très difficiles.

Je confesse n'avoir jamais envisagé le problème sous cet angle.

Dorsey va devoir être très convaincant... C'est un extraordinaire défi qu'il doit affronter. En tout cas, pour répondre à ta question initiale, faut-il investir dans Twitter ou pas, je ne peux pas te répondre. Le business réalise de très lourdes pertes à cause de toutes ces stock-options, et je ne suis pas capable de le valoriser dans ces conditions.

Mais ils monétisent quand même bien leur base d'utilisateurs ?

Tout à fait. Comme l'affaire a été gérée par un « professionnel »,  malgré l'inconvénient qu'il n'y ait pas la vision, au moins y avait-t-il l'avantage d'une bonne exécution, avec un ciblage efficace et le plein de bons produits intelligents, par exemple axés autour des discussions liées aux programmes télévisés. Les marques paient aussi Twitter pour des publicités sponsorisées, car il est très facile de de cerner les centres d'intérêts des utilisateurs actifs. Avant que Dorsey ne revienne, le CEO [NDLR : Dick Costolo] a fait un très bon boulot, il faut lui reconnaître ce mérite. Simplement, ce n'était pas un visionnaire comme Mark Zuckerberg, Steve Jobs ou Larry Page. Il y avait l'exécution, mais pas la vision...

Or les deux sont nécessaires.

Dans ces business, la seconde est même plus importante que la première.

Donc Twitter, pour toi c'est non ?

Je ne vais pas te mentir, j'ai été bien tenté d'y investir lors de l'introduction, à 20 dollars l'action. Puis j'ai vu les dépenses de stock-options grimper en flèche et ça m'a refroidi net. Aujourd'hui, comme  je l'ai dit, le véritable problème est qu'ils souffrent d'une terrible fuite des talents. Je n'ai aucun moyen de savoir si cette tendance peut s'inverser. Jack Dorsey n'a pas une main facile.

Mais qui a une main facile ?

Personne, mais certains en ont des encore moins faciles que d'autres.

Merci pour ce passionnant tour d'horizon.

Dommage que l'enregistrement ne dure qu'une heure. On remet ça quand tu veux.

Le Google chinois à dix fois ses profits

A part ça, des opportunités parmi les technologiques ? Où mets-tu l'argent de tes clients ?

Dans le secteur internet, Google et Facebook sont malheureusement trop chers pour être investissables. Par contre, il y a Baidu [NDLR : le Google chinois]. Le fondateur était aux Etats-Unis quand il a eu la même intuition que Larry Page, celle d'organiser internet à partir d'un moteur de recherche bâti sur une hiérarchie des liens. Le gouvernement chinois a empêché Google de s'implanter en Chine, et Baidu a déroulé à leur place. C'est un business d'une qualité équivalente à celle de Google, et là aussi le fondateur Robin Li investit comme un forcené dans les nouvelles plateformes mobiles.

Et c'est valorisé comment ce Google chinois ?

C'est là qu'est la subtilité. Il y a tellement d'investissements que la capacité bénéficiaire normalisée est masquée. Ce qu'on ne voit pas avec un ratio price-to-earnings traditionnel, c'est que l'activité recherche et publicité de Baidu se paie à peine dix fois les profits. Je sais que le contexte est un peu tendu en Chine en ce moment, mais quoiqu'il arrive j'estime raisonnable de penser que Baidu y demeurera le moteur de recherche de référence durant les prochaines années.

Mais c'est la Chine... N'y a-t-il pas un risque politique majeur, type saisie du business par le gouvernement ?

Les trois gros acteurs de l'internet en Chine [NDLR : Baidu, Alibaba et Tencent] collaborent étroitement et avancent main dans la main avec le gouvernement...  Comme d'ailleurs Google, Facebook et Apple avec le gouvernement fédéral américain. Ils ne font rien sans leur avis. Ce n'est pas un risque selon moi.

Raphaël : On aime bien Apple aussi.

Des investisseurs value intéressés par le business le plus populaire du monde ?

Les produits sont populaires, mais l'action n'est pas populaire (rires). Apple reste un fabriquant de matériel informatique, historiquement le pire business du monde ! Et tout le monde voit la même chose : une croissance arrivée à maturité, un marché pour les smartphones de plus en plus saturé, des ventes et des marges qui devraient aller en diminuant... Malgré ça, ils ont quand même une plateforme incontournable, un mindshare inégalé, un bilan blindé, et l'action cote à moins de dix fois les profits. Ce n'est peut-être pas le deal du siècle, mais c'est quand même pas mal du tout !

Notre camarade Etienne n'en pense pas moins [NDLR : cf. « Apple, Une Opportunité d'Investissement ? »]. Bref, nous voici arrivés à la fin. Une dernière question pour la route ?

Louis : Sans problèmes.

Les marchés ont bien dévissé ces dernières semaines. C'est le son du canon ? Le moment d'investir ? Qu'en pensez-vous ?

Tu sais, on a une réponse institutionnelle à cette question.

Si tu pouvais me donner une réponse institutionnelle et une réponse privée, nos lecteurs t'en seraient très reconnaissants.

La réponse institutionnelle, c'est que nous avons un fonds flexible [NDLR : Sextant Grand Large] censé bien timer le marché. Tu vas me demander comment des stock-pickers s'y prennent pour timer le marché ? Réponse : avec le P/E de Shiller. Et qu'est-ce qu'on voit ? Le Brésil et la Russie sont à la cave ; d'autres pays sont intéressants, avec des marchés abordables, comme la Corée du Sud ou la Turquie.

Et la Grèce ?

Attention aux cotes étroites genre Grèce, Espagne ou Italie. En Grèce, les banques pèsent beaucoup dans l'indice : le biais sectoriel est très fort. Si on regarde l'Europe de façon agrégée, on voit qu'on revient progressivement dans une zone d'achat modérée. A part ça, il y a des marchés très chers comme les Etats-Unis ou le Japon. Ce ne sont pas encore des situations de bulles comme ce que l'on a pu connaître en 2000, mais c'est 30% à 40% de survalorisation par rapport aux zones d'achat raisonnables, qu'on raisonne avec le P/E de Shiller ou d'autres indicateurs.

Ou juste avec un peu de bon sens ?

Voilà, ça, c'est la méthode IF et c'est ma réponse privée (rires) ! Il y a une mode sur le marché japonais en ce moment, qui consiste à penser que les entreprises qui y sont cotées vont être gérées de manière plus capitaliste qu'autrefois, et donc que les retours  aux actionnaires vont significativement augmenter à court-terme. On observe d'ailleurs que le mouvement est enclenché, et que la tendance se confirme.

Parfois sous la pression d'investisseurs activistes occidentaux.

Certains obtiennent des résultats spectaculaires, comme Dan Loeb [NDLR : de Third Point Capital] avec Fanuc, une entreprise pourtant farouchement indépendante vis-à-vis du marché ! Ils viennent de commencer à racheter leurs actions sous la pression de Loeb. C'est d'ailleurs très intelligent car le cours a récemment été divisé par deux.

Fanuc est un business intéressant lui aussi...

Sur la robotique industrielle, c'est un duopole avec Siemens.

Vous en achetez aussi ?

Oui !

On en reparlera

Raphaël : Pour rebondir sur la question de valorisation du marché, chez Amiral nous pratiquons comme tu le sais une approche bottom-up, davantage concentrée sur les mérites intrinsèques des business et les valorisations individuelles, indépendamment du contexte de marché. Il y a toujours des sociétés de qualité qui passent sous le radar, et qui à ce titre ne profitent pas nécessairement de la hausse des indices. Je pense par exemple à Installux, où le management cultive une discrétion quasi obsessionnelle. C'est même difficile de trouver les comptes ! Personnellement, quand je vois ça, je suis doublement motivé pour enquêter (rires). Installux est un très bon business, très bien géré, modestement valorisé, avec une grosse trésorerie nette au bilan et un rendement sur dividende de 4%. Nous en avons beaucoup acheté et nous sommes extrêmement sereins avec, même si nous n'allons sans doute pas en accumuler davantage vu la significative portion du capital que nous possédons déjà.

Et le cours est au même niveau qu'à l'époque de votre investissement initial ?

Il a progressé, mais les résultats aussi. L'opportunité reste selon moi d'actualité. Et j'aime beaucoup leur management qui cache ses comptes et se prépare pour la fin du monde à chaque publication !

Bastien, le mot de la fin te revient.

Nous ne sommes pas inquiets, et nous continuons de trouver des business intéressants et pas chers. Nous avons par exemple beaucoup travaillé sur les équipementiers automobiles, comme vous en discutiez avec Julien dans son Aparté [NDLR : Le Joueur de Cartes]. MGI Coutier est l'un des grands gagnants de la crise de 2009. Ils ont racheté Avon à un excellent prix, ils sont très bien gérés, et l'action se négocie toujours à des niveaux de valorisation acceptables, du genre huit ou neuf fois les profits. Le tout avec un carnet de commandes bien garni et de bonnes perspectives de croissance... Ce n'est plus le deal incroyable que c'était il y a quelques années, quand nous avons commencé à en acheter, mais c'est toujours intéressant.

Merci Messieurs. C'est tout pour cette fois-ci, mais quelque chose me dit qu'il y en aura d'autres.

Louis : Alors à bientôt !

->> Retrouvez ici le premier volet de l'échange entre Amiral Gestion et L'Investisseur Français

>> (*) Pour aller plus loin, retrouver toutes les analyses de L'Investisseur Français sur son site.

>> (**) Le site d'Amiral Gestion

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