Qu'est-ce qu'une bonne entreprise pour un investisseur ? (1/2)

Acheter les actions d'une entreprise, c'est devenir propriétaire d'une partie de son capital et, par extension, d'une partie des profits générés par ce dernier une fois mis au travail dans les opérations (le "business"). Une légitime première question à se poser est donc : s'agit-il d'un bon "business" ? par les analystes de L'Investisseur Français (*).

A priori, personne ne s'ambitionne propriétaire d'un canard boiteux. A l'instar d'un investisseur en immobilier, l'investisseur en actions recherche (idéalement) un actif de qualité susceptible de demeurer (très) rentable sur une (très) longue durée. Autrement dit : un business d'exception.

Une nuance, cependant : on peut parfois (ou souvent) digresser, et bel et bien chercher à acquérir un canard boiteux (typiquement, un business que le marché méprise et dont tout le monde se détourne) s'il nous est proposé en Bourse à un prix attractif (par exemple à une fraction de sa valeur liquidative), si le risque de perte du capital est prévenu (par exemple si le bilan permet d'encaisser des secousses), et/ou si un management talentueux et énergique entreprend de le remettre sur les rails.

Un business parfait n'est pas nécessairement un investissement parfait, et vice-versa

La dynamique de travail se rapproche alors de celle d'un investisseur immobilier qui, plus entreprenant que ses pairs, accepte de racheter des taudis en périphérie pour une bouchée de pain (nonobstant le ridicule dont ceux qui savent toujours tout ne manqueront pas de l'accabler), car il entrevoit après une minutieuse étude un formidable potentiel de redéveloppement. En découle un premier fondamental que l'investisseur en Bourse doit intégrer : un business parfait n'est pas nécessairement un investissement parfait, et vice-versa - un canard boiteux est rarement (mais parfois) un investissement parfait.

Ainsi, l'intérêt d'un investissement dépend davantage de son prix que de ses mérites intrinsèques. Payez cent pour un actif qui rapporte dix, et vous faites 10% de rendement. Payez deux cent et vous faites 5%. Payez cinquante et vous faites 20%. Jusque-là, rien de sorcier.

Il est toutefois intéressant (même essentiel) de savoir identifier un business d'exception car, acquis au bon prix, on tient ici le Saint Graal de l'investisseur en actions (et à long-terme). Quand du capital compose à 30% par an, on en veut une part et, surtout, on ne veut rien tenter qui puisse faire dérailler la belle mécanique.

D'abord, gagner de l'argent

Mais comment reconnaître un business d'exception ?

(1) Sa première qualité, disons-le sans rire, c'est de gagner de l'argent. Dit plus élégamment, nous voulons un business dont la capacité bénéficiaire est à la fois éprouvée et durable.

Passé ce premier filtre, une large majorité des candidats à l'étude est déjà écartée. Entre ceux qui perdent de l'argent, ceux qui n'en gagnent que très occasionnellement, et ceux dont aucun mortel n'est capable de prédire l'évolution à dix ans, la bonne nouvelle est qu'il y a matière à éliminer.

Attention, un profit comptable est parfois (souvent) davantage un jeu d'écriture qu'un profit cash (par exemple : Peugeot).

A quel rythme?

(2) Ce n'est pas tout de découvrir un business qui gagne de l'argent - encore s'agit-il ensuite de comprendre à quel rythme il gagne de l'argent. Autrement dit, quel rendement l'entreprise dégage-t-elle sur le capital qu'elle investit dans ses opérations ?

Quitte à lui confier notre argent, nous autres actionnaires (propriétaires de l'entreprise) exigeons de comprendre pour quels projets le management compte l'employer, et pour quelle efficacité. Par exemple, si Etam investit pour ouvrir de nouvelles boutiques, quel ROI (retour sur investissement) sommes-nous en mesure d'attendre ?

On l'aura deviné : un business d'exception produit un ROI d'exception. S'il est en croissance, il génère exercice après exercice des profits qu'il peut durablement réinvestir dans son expansion pour un rendement très supérieur à son coût du capital (noter qu'un business à ROI élevé n'est pas nécessairement un business en croissance).

Un mauvais business qui lève du capital à 5% via une souscription de dette, l'investit dans ses opérations (par exemple en ouvrant de nouvelles boutiques) pour ne sortir que 5% de ROI (profit incremental/capital investi) ne produit à travers cette opération aucune valeur pour ses actionnaires. En revanche, un business d'exception qui lève du capital à 5%, l'investit dans ses opérations, génère 50% dessus, et ne cesse de réinvestir les profits générés à un même mirifique rendement rendra ses actionnaires à long-terme fabuleusement riches.

L'insondable complexité du métier d'analyste

Pénétrons à présent les mystères de la finance et l'insondable complexité du métier d'analyste. Question : comment un business peut-il ainsi produire sur la durée une bonne capacité bénéficiaire et de bons ROI ? Réponse (attention, l'exposé devient technique) : en maintenant année après année des coûts inférieurs à ses ventes. Plus les coûts seront réduits en pourcentage des ventes, plus importants seront les profits (toujours en pourcentage des ventes), et plus confortable sera la marge bénéficiaire.

Business 101 : les deux uniques moyens de s'enrichir sont de baisser les coûts ou d'augmenter les revenus, idéalement les deux en même temps.

Dans un business d'exception, la surface de coûts fixes n'augmente pas malgré une (sensationnelle) hausse du chiffre d'affaires - ou, si elle augmente, c'est dans des proportions bien moindres.

Autrement dit, le coût de la croissance d'un business d'exception est faible. Exemple : LVMH, avec ses franchises déjà mondialement reconnues, n'a plus qu'à s'installer, distribuer et (outrageusement) marger. Contre-exemple : un producteur de pétrole, qui doit acquérir de larges gisements, financer les (onéreux) équipements, la production et l'exploration pour, en bout de ligne, espérer vendre à un prix de marché satisfaisant - or, rien n'est moins certain, comme en témoigne l'actualité du moment.

Nous savons à présent que le business d'exception maintient une capacité bénéficiaire confortable et des ROI soutenus au fil des exercices. Le défi qui suit est naturellement de savoir quel type de business réunit ces deux attributs. Au choix :

(i) Si le business ne dispose d'aucun avantage compétitif, c'est le zèle de son management à toujours davantage optimiser son efficacité opérationnelle (penser contrôle des coûts et préservation du bilan) qui fera la différence. Exemple : Goldman Sachs, Seacor, Les Nouveaux Constructeurs, Dell (à une époque) ou Fastenal (à ses débuts).

Une longue succession de maux de têtes

Un business sans avantage compétitif dont la gestion n'est pas fanatiquement optimisée ne produira ni capacité bénéficiaire, ni ROI - juste une longue succession de maux de têtes, de nuits blanches et de cash-burn. Exemple : Peugeot, Air France, ArcelorMittal.

(ii) Si le business dispose d'un avantage compétitif (une échelle inégalée, un actif unique et non-réplicable, etc.) c'est de la capacité du management à préserver cet avantage (à grands renforts de rationalité) que dépendra le futur de l'affaire.

Pour illustrer le propos, on pense par exemple à Ginni Rometty chez IBM, Warren Buffett chez Berkshire Hathaway ou Mark Parker chez Nike (autant d'exemples à suivre) ou, à l'inverse, à ces managements champions du sabordage d'avantages compétitifs (comme chez GDF, ou à l'époque chez BlackBerry ou Kodak) politiques de réinvestissement dans de désastreuses diversifications à l'appui (autant d'exemples à ne pas suivre).

>> (*) Pour aller plus loin, retrouver toutes les analyses de L'Investisseur Français sur son site.

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Commentaire 1
à écrit le 05/11/2015 à 14:52
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un peu n importe quoi quand meme ce texte. par exemple vous investissez chez LVMH mais si la marge se retracte parce que le consommateur chinois a moins d argent (ou refuse de payer plus cher qu un francais, ou parce qu ele gouvernement local fait la...

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