Volkswagen : quelle conduite adopter pour l'investisseur ?

Comment l'action de Volkswagen peut évoluer en Bourse, après le scandale lié au dispositif installé sur certains de ses modèles qui altère les données sur les émissions de gaz polluant? Les analystes de L'Investisseur Français (*) passent au crible les forces et faiblesses du constructeur allemand.
Gardons à l'esprit que les (très bons selon les standards de l'industrie) retours sur capitaux passés ont été obtenus grâce au concours d'un endettement conséquent. Une panne sur le marché domestique (peut-être en haut de cycle), ou une autre mauvaise farce type logiciel de contrôle des émissions truqué, et c'est la sortie de route -- pour les actionnaires, le crash-test sans airbag ni ceinture.

Comme nous en discutions déjà dans notre article Tour de Circuit, ou dans les analyses de Fiat-Chrysler (le mariage d'un crapaud avec une princesse) et de General Motors (post-cataclysme, le meilleur bilan de son industrie), l'automobile est un secteur excessivement difficile : les marges y sont microscopiques, les retours sur capitaux anémiques (typiquement inférieurs au coût du capital).

Reconnaissons toutefois à Volkswagen le mérite d'avoir su tirer son épingle du jeu. Opportuniste, le mastodonte de Wolfsbourg a profité des faiblesses et timidités de ses rivaux pour consolider sans répit, gagner en échelle, et astucieusement diversifier son portefeuille de marques.

Avantage structurel

Particularité du business : un avantage structurel (la domination du marché domestique, sur lequel les délais de livraison sont plus étendus qu'ailleurs : c'est l'exception culturelle allemande) lui permet d'optimiser la gestion de ses stocks, et ainsi de libérer du capital pour renforcer son outil de production -- un luxe que ses concurrents (ankylosés par des besoins en fonds de roulement délirants) ne peuvent s'offrir.

Au contraire de ces derniers, Volkswagen parvient à financer une croissance, à marger et à effectivement faire rentrer du cash. L'expansion bien articulée sur le continent chinois n'est pas étrangère à cet exploit : c'est le marché sur lequel son profit par unité est le plus important.

Il ne faut jamais être loin quand le canon tonne. Et pour tonner, il tonne ! Le scandale qu'on sait fait la une de toute la presse mondiale : panique = opportunité ?

L'analyse des rapports financiers consolidés est ici (hélas) totalement inappropriée, notamment car les actifs et passifs de la division financement se confondent avec ceux de la division automobile. Problème : le fonctionnement de cette division financement est opaque (euphémisme), et selon nous sujet à caution.

Salade à subprimes?

En plus des traditionnels métiers de leasing et de crédit, VW Bank (car c'en est une) est particulièrement active dans la titrisation et le négoce de prêts auto (les siens, et possiblement ceux de tiers). A vrai dire, la spectaculaire multiplication des profits de la division durant la dernière décennie nous inquiète davantage qu'elle nous rassure.

Présenté simplement : nous craignons que VW Bank ne soit une gigantesque salade à subprimes.

En l'état, et en misant sur une comptabilité aussi honnête que parfaite (hypothèse optimiste -- pour ne pas dire candide), les actions (ordinaires comme préférentielles) apparaissent légèrement sous-valorisées une fois leur prix rapportés à la valeur comptable (qu'il convient bien sûr de réévaluer). La marge de sécurité est malgré tout très insuffisante, a fortiori car la dite valeur comptable est en grande partie composée d'intangibles.

Méfiance avec la valeur des actifs telle qu'elle est habituellement présentée dans l'industrie automobile : sur la durée du cycle long, l'expérience et l'observation indiquent que les constructeurs peinent à produire du ROI (retour sur investissement) sur leurs actifs immobilisés. A ce titre, leur valeur comptable surestime souvent leur valeur réelle.

Les miracles sont exceptionnels plutôt que permanents

Volkswagen (comme BMW d'ailleurs) n'a cependant pas démérité, mais anticiper un retour à la moyenne plutôt qu'une poursuite de l'euphorie nous parait l'option la plus raisonnable. Nous croyons volontiers aux miracles, mais les savons exceptionnels plutôt que permanents.

Gardons à l'esprit que les (très bons selon les standards de l'industrie) retours sur capitaux passés ont été obtenus grâce au concours d'un endettement conséquent. Une panne sur le marché domestique (peut-être en haut de cycle), ou une autre mauvaise farce type logiciel de contrôle des émissions truqué, et c'est la sortie de route -- pour les actionnaires, le crash-test sans airbag ni ceinture.

Accessoirement, chacun sait bien comme le contexte des dernières années fut extraordinairement favorable aux emprunteurs. Reproduire les mêmes retours avec un levier moins avantageux (de la dette plus chère) s'annonce difficile, pour ne pas dire impossible.

Rien n'est jamais certain, sinon une chose : les prêteurs deviendront un jour plus exigeants -- par exemple en cas de remontée des taux, toujours à leur plus bas historiques --, et ce jour se rapproche.

La fête serait bien sûr complète s'il s'avérait qu'un cadavre restait caché dans les placards de la division financement (il y en a toujours un quelque part quand on institutionnalise le crédit au premier venu) : la déroute qui s'annoncerait ferait alors passer celle de General Motors en 2008 pour un sympathique conte de fées.

>> (*) Pour aller plus loin, retrouver toutes les analyses de L'Investisseur Français sur son site.

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Commentaires 3
à écrit le 24/10/2015 à 11:57
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Génial de lire des articles de l'IF sur La Tribune! Longue vie à ce partenariat!

à écrit le 23/10/2015 à 16:00
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La technique consiste à faire financer un véhicule à crédit afin de retirer immédiatement la totalité de l'argent en revendant le crédit (titrisation) à des financiers mais ne livrer l'automobile que plus tard : c'est l'acheteur qui finance le constr...

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