Électricité  : vers une hausse contenue des prix, à moins de « deux chiffres »

Par latribune.fr  |   |  1273  mots
« Aujourd'hui, demain, il n'y aura plus des envolées des prix telles qu'on les a connues en 2022 grâce à notre action au niveau européen et grâce à notre action au niveau français » a assuré la ministre de la Transion Energétique. (Crédits : GONZALO FUENTES)
Il n'y aura pas d'augmentation à « deux chiffres » des factures d'électricité, a assuré la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, dimanche, en vantant les mérites de la réforme du marché européen de l'électricité et de la réorganisation du système de régulation en France.

Pourra-t-on se chauffer les prochains hivers sans craindre l'arrivée de sa facture d'électricité ? « Les augmentations à venir n'ont pas vocation à être à deux chiffres », a assuré Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique dimanche 3 décembre dans l'émission du Grand jury RTL-M6-Le Figaro sur l'ampleur des futures hausses.

« Aujourd'hui, demain, il n'y aura plus des envolées des prix telles qu'on les a connues en 2022 grâce à notre action au niveau européen et grâce à notre action au niveau français », a fait valoir la responsable en référence à deux accords clé conclus cet automne.

Les Vingt-Sept se sont entendus sur une réforme du marché européen de l'électricité

Le 17 octobre, les Vingt-Sept se sont entendus sur une réforme du marché européen de l'électricité, sur fond d'âpres pourparlers entre Paris et Berlin sur le nucléaire, qui doit permettre de limiter la volatilité des cours sur les marchés. Sans modifier structurellement le fonctionnement du marché de gros, la réforme proposée par la Commission européenne entend développer les contrats d'achats d'électricité de long terme à un prix décidé d'avance (PPA) pour lisser l'impact de la volatilité des cours du gaz sur les factures. Les Etats auront pour charge de les favoriser, par exemple en établissant des régimes de garanties publiques pour couvrir les risques de crédit des acheteurs, en particulier les entreprises. Le texte vise aussi à s'assurer que les fournisseurs d'électricité au détail disposent d'une couverture appropriée, potentiellement en imposant le recours à des PPA, pour réduire leur exposition à la volatilité du marché de gros.

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La protection des consommateurs serait renforcée, si l'on en croit l'exécutif, notamment pour les clients vulnérables. L'accord des Vingt-Sept rend aussi obligatoire, après une période transitoire de trois ans, le recours à des « contrats pour la différence » (CFD) à prix garanti par l'État pour tout soutien public à des investissements dans de nouvelles centrales de production d'électricité décarbonée (renouvelables et nucléaire). Le texte permet également de recourir facultativement à ces contrats pour tous les investissements destinés aux centrales nucléaires existantes, un point cher à Paris qui veut prolonger ses réacteurs vieillissants.

La cible sera d'atteindre un prix de l'électricité nucléaire à 70 euros le MWh

Par ailleurs, en France, EDF et le gouvernement ont trouvé le 14 novembre un accord censé fixer le prix de référence de l'électricité nucléaire vendue par l'opérateur historique à 70 euros le MWh à partir de 2026. Dans cette nouvelle régulation, les éventuels revenus supplémentaires engrangés par EDF en cas de hausses de prix sur les marchés seront en partie reversés pour partie aux consommateurs, « afin d'éviter une explosion des prix similaire à celle de 2022 », a résumé la ministre de la Transition énergétique.

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« Aujourd'hui, nous reprenons le contrôle sur le prix de l'électricité et nous le reprenons avec des augmentations qui ont vocation à suivre, notre coût de production d'électricité, le coût du nucléaire, le coût de l'ensemble de notre réseau et qui est déconnecté du coût des fossiles », a souligné dimanche la ministre. En 2022, dans le sillage de la guerre en Ukraine, l'envolée des prix du gaz avait entraîné vers des sommets ceux de l'électricité.

Néanmoins, l'accord ne grave pas dans le marbre un tarif de l'électricité nucléaire autour de 70 euros le MWh, comme nous l'expliquions dans un précédent article. Ce chiffre correspond uniquement aux prévisions d'EDF des cours du marché entre 2026 et 2040, indépendamment de toute intervention étatique.

« Les 70 euros en moyenne renvoient aux résultats de nos anticipations sur le long terme, là où les prix peuvent se former sur 15 ans dès 2026, en tenant compte de l'ensemble des modèles économiques qu'on a sur la formation des prix de l'électricité », avait ainsi rectifié Luc Rémont, le PDG d'EDF, mardi 14 novembre.

« Nous pensons que c'est un niveau tout à fait réaliste [...] vu les prix de gros orientés à la baisse », ajoute-t-on au sein de l'entreprise.

« Il s'agit d'une cible commerciale, et pas d'un prix régulé comme les 42 euros de l'ARENH (...). Cependant, bien malin celui qui peut dire quel sera le cours sur les bourses d'échange, ne serait-ce que dans trois ans », commente Jacques Percebois. Par ailleurs, nombre de spécialistes affirment qu'un tel système, s'il avait été mis en œuvre en 2022, n'aurait pas non plus permis de juguler la hausse des factures.

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En septembre, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait déjà assuré qu'une hausse des tarifs réglementés de 10% à 20% était « exclue » lors de la prochaine réévaluation en février. L'Etat prend encore en charge 37% de la facture d'électricité des Français dans le cadre du bouclier tarifaire mis en place à l'automne 2021 pendant la crise énergétique mais cette protection est appelée à se réduire progressivement « courant 2024 » alors que les prix sur les marchés de l'électricité « sont en train de baisser ».

Prolongation du dispositif en soutien aux PME et collectivités

Mercredi soir, Agnès Pannier-Runacher avait aussi annoncé la prolongation du dispositif « d'amortisseur électricité » en soutien aux PME et collectivités qui auraient renouvelé un contrat d'électricité « au prix le plus haut » avant le 30 juin 2023, et dont les contrats courent sur 2024, voire 2025.

La Première ministre Elisabeth Borne indiquait quant à elle jeudi avoir reçu l'accord de la Commission européenne pour la prolongation en 2024 des aides à certaines entreprises prisonnières de contrats énergétiques très coûteux. « Avec le bouclier tarifaire pour la plupart des TPE, avec l'amortisseur électricité et les aides guichet, nous avons mis en place des mesures exceptionnelles pour accompagner les entreprises », a rappelé la cheffe du gouvernement, arguant qu'« aujourd'hui, les prix du gaz et de l'électricité ont baissé, mais certains restent prisonniers de contrats conclus quand les prix étaient particulièrement élevés. »

Le Sénat va lancer une commission d'enquête sur « la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050 »

Au Sénat, le groupe centriste a décidé de choisir le dossier de l'énergie pour leur « droit de tirage » annuel, qui permet à chaque groupe parlementaire de lancer une commission d'enquête sur un sujet de son choix. Elle portera sur « la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050 », selon le document déposé à l'initiative du sénateur de l'Essonne Vincent Delahaye. « Les ambitions du gouvernement sont-elles suffisantes ? La production sera-t-elle en phase avec la consommation ? EDF aura-t-il les moyens de supporter les évolutions souhaitées et à quel prix pour les consommateurs ? Le champ d'investigation est assez vaste », a affirmé le parlementaire auprès de l'AFP. Le sénateur centriste envisage cette commission d'enquête comme un prolongement de celle des députés Les Républicains à l'Assemblée nationale sur « la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France », qui avait accouché en avril 2023 d'un rapport dénonçant « un retard considérable » dans la capacité du pays à couvrir ses besoins en énergie, notamment en électricité. Les auditions sur cette commission d'enquête sur l'électricité devraient démarrer en janvier, avec un rapport rendu durant l'été.

(Avec AFP)