Norvège  : des ONG environnementales font suspendre l'exploitation de trois gisements pétroliers

Par Laurent Guena  |   |  658  mots
La Norvège vient d'attribuer 62 nouvelles licences pétrogazières. (Crédits : Equinor ASA – Espen Rønnevik/Øyvind Gravås)
La justice norvégienne a donné raison jeudi à deux ONG environnementales en déclarant invalides les permis de production de trois gisements pétroliers, dont l'un déjà en exploitation. En désaccord, le ministre de l'Énergie réfléchit à faire appel de la décision.

C'est un revers pour l'industrie pétrolière en Norvège. Le tribunal d'Oslo a donné raison jeudi à la branche nordique de Greenpeace et l'organisation Natur og Ungdom qui avaient attaqué l'Etat norvégien en justice en juin 2023. Selon elles, le feu vert accordé au développement des gisements Tyrving, Breidablikk et Yggdrasil n'avait pas été précédé d'une étude préalable sur l'impact climatique de ces projets.

Breidablikk, qui recèlerait quelque 200 millions de barils de pétrole récupérable, a été mis en exploitation par le géant énergétique Equinor en octobre dernier. Les deux autres, Tyrving et Yggdrasil, contenant au total environ 675 millions de barils, doivent respectivement l'être en 2025 et 2027.

Or, « il est interdit à l'Etat de prendre de nouvelles décisions » sur le développement des trois gisements jusqu'à ce que la validité des licences soit définitivement tranchée, a conclu la juge Lena Skjold. Le jugement porte sur les seuls trois gisements, mais pas sur les autres activités en cours sur le plateau continental norvégien, a-t-elle néanmoins précisé.

Dans un courriel de ses services, le ministre de l'Energie, Terje Aasland, s'est dit, quant à lui, « en désaccord avec le jugement » et a déclaré réfléchir à faire appel de la décision.

La Norvège sous le feu des critiques

« C'est une victoire totale pour le climat face à l'Etat norvégien » a commenté le chef de Greenpeace Norvège, Frode Pleym, auprès de l'AFP. « Nous demandons un arrêt de tout développement ». Alors que la Norvège est régulièrement sous le feu des critiques pour sa production d'hydrocarbures dont elle est le principal exportateur en Europe de l'Ouest, Oslo se défend en invoquant l'emploi, le développement des compétences mais aussi l'importance de garantir des livraisons stables d'énergie aux autres Européens.

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Le pays a ainsi annoncé mardi l'attribution de 62 nouvelles licences pétrogazières. Ce lot, réparti entre la mer du Nord (29), la mer de Norvège (25) et la mer de Barents est le plus important octroyé par le pays scandinave depuis quatre ans dans des zones dites « matures », selon les autorités. En 2022 par exemple, 47 licences avaient été accordées et ce, à 24 entreprises dont les géants norvégiens Equinor et Aker BP ainsi que des majors internationales comme TotalEnergies et Shell.

« Au sommet sur le climat à Dubaï en décembre, les pays de la planète se sont mis d'accord pour assurer une transition hors du charbon, du pétrole et du gaz », a réagi Truls Gulowsen, leader de Naturvernforbundet, la branche norvégienne des Amis de la Terre. « Mais la Norvège fait exactement l'inverse (...). Si les compagnies pétrolières découvrent des hydrocarbures dans ces zones, cela pourra contribuer à des émissions [de gaz à effet de serre] pendant de nombreuses décennies », a-t-il dit.

Le même jour, le ministère de l'Energie a aussi donné son feu vert au développement en mer du Nord du champ gazier Eirin, un projet porté par Equinor conjointement avec le koweïtien KUFPEC.

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En décembre 2020, dans une autre affaire semblable, la Cour suprême norvégienne avait débouté Greenpeace et Natur og Ungdom qui réclamaient l'annulation de l'attribution en 2016 de dix licences d'exploration pétrolière en mer de Barents, dans l'Arctique. La plus haute instance judiciaire du pays avait estimé que l'article 112 de la Constitution garantissant à chacun le droit à un environnement sain ne pouvait être invoqué que si l'Etat échouait à endosser des responsabilités environnementales et climatiques, ce qui n'était pas le cas selon elle. Cette fois-ci, les deux ONG affirmaient que les études d'impact climatique des trois champs pétroliers étaient « soit inexistantes soit hautement inadéquates ».

(Avec AFP)