La CJR saisie pour avis sur les échanges Urvoas-Solère

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Urvoas mis en cause pour un message a solere[reuters.com]
(Crédits : Benoit Tessier)

PARIS (Reuters) - La Cour de justice de la République (CJR) a été saisie pour avis par la Cour de cassation au sujet des révélations du Canard enchaîné sur l'ancien ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, qui aurait envoyé une note à Thierry Solère sur une enquête le visant.

Selon le journal satirique, Jean-Jacques Urvoas a envoyé à son ami député une synthèse de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) sur l'enquête pour suspicion de fraude fiscale le visant via la messagerie cryptée Telegram, entre les deux tours de l'élection présidentielle.

L'ex-député Les Républicains - qui a depuis participé à la création d'un groupe distinct à l'Assemblée - pensait alors pouvoir rejoindre le gouvernement en cas d'élection d'Emmanuel Macron, selon le journal.

Le procureur général de la Cour de cassation, destinataire d'éléments transmis par le procureur de Nanterre, "a saisi, pour avis, la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (...) de faits susceptibles d'être qualifiés de violation du secret professionnel, commis par M. Jean-Jacques Urvoas, dans l'exercice ses fonctions de garde des Sceaux, ministre de la Justice", peut-on lire dans un communiqué du parquet général.

C'est à la Cour de cassation qu'il revient de statuer sur l'ouverture d'une procédure pour violation du secret de l'instruction devant la Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à poursuivre et à juger les crimes et délits commis par des ministres dans l'exercice de leurs fonctions.

La procureur de la République du tribunal de grande instance de Nanterre, Catherine Denis, a confirmé dans un communiqué envoyé à Reuters l'existence d'éléments "susceptibles d'engager la responsabilité pénale" de l'ancien ministre.

"Il ressort en effet d'une perquisition effectuée le 29 juin 2017 au domicile de Thierry Solère dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte, depuis le 6 septembre 2016, des chefs de fraude fiscale, blanchiment, corruption, trafic d'influence et recel d'abus de biens sociaux, certains éléments susceptibles d'engager la responsabilité pénale de Jean-Jacques Urvoas", est-il précisé dans ce communiqué.

"Ces éléments ont fait l'objet de procès-verbaux distincts que le procureur de la République de Nanterre a transmis le 5 décembre 2017 au procureur général près la Cour de cassation pour y donner la suite qu'il lui appartiendra", peut-on également lire dans ce document.

VIOLATION DU SECRET DE L'INSTRUCTION ?

Les avocats de Thierry Solère ont expliqué au journal que le ministre lui avait "adressé un message qui, de façon neutre et objective, confirmait l'existence du contenu de l'enquête en cours, d'ores et déjà rendue publique" par des révélations dans la presse, en l'occurrence le Canard enchaîné.

L'enquête pour fraude fiscale visant Thierry Solère, portant sur les années 2010 à 2013, a été ouverte à la suite d'une dénonciation des services fiscaux.

Dans un communiqué publié mercredi, l'association Anticor contre la corruption et pour l'éthique en politique "demande le renvoi de Jean-Jacques Urvoas devant la Cour de justice de la République".

"La trahison du secret de l'instruction est réprimée par l'article 226-13 du code pénal qui prévoit que 'la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire [...] est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende'", souligne en outre l'association.

L'Union syndicale de la magistrature (USM) a quant à elle estimé dans un communiqué que cette "scandaleuse transmission" illustrait une nouvelle fois "l'urgence de réformer le statut des magistrats du parquet et (de) couper le lien hiérarchique, vestige d'une tradition archaïque, entre le parquet et le ministre de la Justice".

Le syndicat, majoritaire, appelle donc à une réforme immédiate pour mettre en place une véritable indépendance du parquet et réclame également la suppression des remontées d'informations dans les affaires individuelles.

(Julie Carriat, édité par Yves Clarisse)