Une Française en attente de jugement en Irak

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(Crédits : Gonzalo Fuentes)

PARIS (Reuters) - Une Française est actuellement en attente de jugement en Irak, où une ressortissante allemande vient d'être condamnée à mort pour appartenance au groupe Etat islamique, a confirmé mardi le procureur de la République de Paris.

Prié de dire par RTL si cette française était susceptible de subir le même sort, François Molins a répondu "tout à fait", sans pour autant exclure que les autorités irakiennes puissent in fine décider de la remettre aux autorités françaises.

"L'Irak, étant un pays avec un gouvernement légitime, a tout a fait le droit de décider, soit de juger lui-même des gens qui auraient commis des infractions sur son sol, soit de les remettre aux pays de leur nationalité", a-t-il dit.

L'absence entre la France et l'Irak de convention d'extradition et d'entraide pénale constitue une difficulté, a-t-il admis. "Donc c'est du cas par cas, dossier par dossier."

François Molins a émis le souhait que cette femme puisse être entendue par la justice française, comme d'autres Français détenus en Irak ou en Syrie - "moins d'une centaine" au total selon lui, hommes, femmes et enfants.

"Ce sont des gens (...) qui font l'objet de procédures et (...) de mandats de recherche ou de mandats d'arrêt", a-t-il fait valoir. "Donc la justice a effectivement toute légitimité pour les récupérer et les juger en France."

Le gouvernement français semble cependant peu pressé de les récupérer. La ministre des Armées, Florence Parly, qui avait avalisé implicitement en octobre l'élimination de djihadistes français en Irak et en Syrie, a ainsi réaffirmé lundi qu'elle n'avait pas d'"états d'âme" les concernant.

DES ENQUÊTEURS FRANÇAIS EN IRAK

Dans un récent courrier, le directeur de cabinet du chef de l'Etat écrit à l'avocate d'une Française détenue par les Kurdes en Syrie qu'il appartient "d'abord aux autorités locales" de se prononcer sur les crimes pouvant être reprochés à sa cliente.

Cette avocate, Me Marie Dosé, et trois de ses confrères, défenseurs des familles de six femmes parties en Syrie rejoindre Daech et désireuses de rentrer en France, ont annoncé la semaine dernière le dépôt de plaintes contre l'Etat.

Selon François Molins, le parquet de Paris a reçu deux de ces plaintes à ce jour. "Elles sont en cours d'analyse parce qu'elles posent un certain nombre de difficultés (...) et on répondra prochainement aux avocats", a-t-il déclaré.

Il a par ailleurs précisé que des enquêteurs français avaient pu interroger en Irak des détenus français afin "d'obtenir des éléments intéressants pour faire avancer le contenu des dossiers".

"En Syrie, c'est différent parce que vous avez des Français détenus par des organisations kurdes ou l'Armée syrienne libre (...) qui n'ont pas une autorité légitime", a-t-il ajouté. "Et donc la situation est plus complexe, d'autant que la France n'a pas de représentation diplomatique et consulaire là-bas."

Pour François Molins, les djihadistes français candidats au retour après l'effondrement militaire de Daech en Syrie et en Irak n'ont pas de "profil type".

BOMBES A RETARDEMENT

Pour les femmes, cela va "de l'écervelée manipulée à la djihadiste convaincue", a-t-il dit. "On peut avoir des gens qui se sont radicalisés très vite et n'ont pas forcément beaucoup de convictions. On des gens qui sont aussi très endurcis."

Il invite à se garder de tout "angélisme" face à des djihadistes qui expriment des regrets et font état de leurs désillusions, la difficulté étant de savoir si ce repentir est sincère ou dissimule des convictions solidement ancrées.

Il chiffre à "un tout petit peu moins de 180" le nombre de Français revenu de la zone irako-syrienne depuis le début du conflit, dont 23 en 2017 et deux depuis le début de 2018.

Dans son discours lors de l'audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance de Paris, il a fait état lundi de 676 français dont 295 femmes qui "se trouveraient sur zone".

"Nombreux sont ceux qui, face à la défaite militaire du califat, veulent revenir en France et qui, hommes ou femmes, peuvent être des terroristes déçus ou repentis restés fidèles à l'idéologie djihadiste mais aussi des terroristes en mission", a-t-il alors expliqué.

Sur RTL, il a aussi estimé que les enfants revenant d'Irak et de Syrie pouvaient constituer une "bombe à retardement" : "Ça sera un des gros enjeux des années à venir d'assurer une prise en charge suffisamment spécifique", a-t-il dit.

(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)