Un plan biodiversité pour échapper à la catastrophe

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Un plan biodiversite pour echapper a la catastrophe[reuters.com]
(Crédits : Pool New)

PARIS (Reuters) - Le gouvernement a dévoilé mercredi un plan de 600 millions d'euros sur quatre ans en faveur de la biodiversité, une urgence aux yeux de Nicolas Hulot, qui se décline en quelque 90 mesures allant de la lutte contre l'artificialisation des sols au soutien financier à une agriculture vertueuse.

L'ambition du ministre de la Transition écologique relayée par le chef du gouvernement, Edouard Philippe, est d'ériger la biodiversité en grande cause au même titre que la bataille contre le changement climatique.

C'est une "tragédie silencieuse" qui se joue, a alerté Nicolas Hulot lors d'une conférence de presse commune avec son Premier ministre, dans la grande galerie de l'évolution du Muséum d'histoire naturelle de Paris.

D'innombrables études et des signaux en tout genre montrent un déclin de la biodiversité partout dans le monde, France incluse : en mars, le CNRS et le Muséum d'histoire naturelle ont par exemple attiré l'attention du grand public sur la disparition "vertigineuse" des oiseaux dans les campagnes.

Le catalogue de mesures imaginées pour endiguer ce phénomène a été adopté lors d'une réunion regroupant des représentants des grands ministères, qui ont chacun apporté leur pierre - signe, selon l'exécutif, que la mobilisation est générale.

"Nous sommes désormais bien décidés à prendre cet enjeu à bras le corps parce que nous avons constaté l'urgence (...) et qu'il nous faut enrayer, ralentir, peut-être même inverser cette évolution", a déclaré Edouard Philippe.

"C'est un des défis majeurs de notre temps", a-t-il insisté.

Entre autres objectifs, le gouvernement souhaite stopper l'artificialisation des sols, qui entraîne la destruction des écosystèmes indispensables à la survie des espèces animales.

Près de 60% de la construction se fait actuellement par artificialisation, contre laquelle les équipes gouvernementales successives ont pris des engagements restés jusqu'à présent sans effets tangibles.

A cette fin, sera inscrit dans le projet de loi sur le logement - dit projet de loi Elan - l'obligation pour les collectivités de lutter contre l'étalement urbain et de favoriser la densification, et le renforcement du pouvoir des préfets sur les opérations d'aménagement commercial.

"L'apogée des grandes surfaces démesurées est derrière nous", dit Nicolas Hulot dans une interview au Parisien publiée mercredi.

A terme, l'exécutif prévoit de se fixer une échéance pour parvenir au "zéro artificialisation nette des sols", un objectif impliquant de compenser l'artificialisation de certaines surfaces par la restitution de zones équivalentes à la nature.

"IMMENSE SATISFACTION"

Le volet agricole du plan inclut une enveloppe de 150 millions d'euros qui permettra de rémunérer les agriculteurs participant à la protection des écosystèmes, notamment en plantant des haies d'arbres dans les plaines céréalières.

Pour mettre fin au rejet de plastique dans les océans d'ici à 2025, il est par ailleurs prévu de supprimer 12 produits à usage unique, comme la vaisselle jetable, en commençant par les pailles et les bâtonnets en plastique dès 2020.

Dans un autre registre, le gouvernement s'engage à créer ou étendre une vingtaine de réserves nationales d'ici à 2022 et promet d'inaugurer l'an prochain un parc national sur le plateau de Langres, aux confins de la Champagne et de la Bourgogne.

Au total, le plan représente 600 millions d'euros supplémentaires sur les quatre prochaines années, selon un chiffrage de Nicolas Hulot : les 150 millions d'euros pour les "services environnementaux" rendus par les agriculteurs, 200 millions d'euros pour le développement du bio et 250 millions d'euros pour la restauration et la gestion de certains milieux.

Sur Twitter, la sénatrice Les Républicains Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, s'est dite "très en colère", jugeant "irrespectueux, cynique et irresponsable" de présenter un tel plan alors même, écrit-elle, que la loi biodiversité de 2016 n'est pas encore appliquée.

Au ministère de la Transition écologique, on souligne à l'inverse "l'immense satisfaction" de Nicolas Hulot, qui ne fait pas mystère, depuis sa nomination il y a un peu plus d'un an, de ses doutes et de ses mécontentements passagers, au point de laisser planer par moments la menace d'une démission.

En mai, il avait déclaré qu'il ferait un bilan au cours de l'été, prélude à "un moment de vérité".

Dans Le Parisien de mercredi, le ministre, qui tire son influence de sa popularité quasiment inégalée au sein du gouvernement, estime cependant qu'il ne prendra de vacances "sans doute pas avant cinq ans".

(Simon Carraud, édité par Yves Clarisse et Elizabeth Pineau)