Un pionnier du "djihad électronique" condamné à Paris

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PARIS (Reuters) - Farouk ben Abbes, pionnier du "djihad électronique", a été condamné vendredi par le tribunal correctionnel de Paris à quatre ans de prison pour avoir animé pendant plusieurs années un site internet favorable aux thèses djihadistes.

Ce ressortissant belgo-marocain, qui était poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste, a également été condamné à une interdiction définitive de territoire, exécutable une fois la peine purgée.

En revanche, il n'est pas sous le coup d'un mandat de dépôt, synonyme d'incarcération immédiate.

Le procureur avait requis six ans de prison contre Farouk ben Abbes, dont le nom apparaît dans une série d'autres affaires depuis la fin des années 2000.

Deux autres prévenus, qui ont comparu cette semaine à ses côtés, de même qu'un quatrième homme, parti en Syrie en 2015 et donc jugé par défaut, ont été condamnés à des peines allant de trois à cinq ans de prison.

La plateforme qu'ils ont animée entre sa création en 2006 et 2010, Ansar al Haqq (les "partisans de la vérité"), était devenue incontournable pour l'islam radical sur internet, avant que le groupe Etat islamique (EI) ne se fasse, plusieurs années plus tard, une spécialité de ce "djihad électronique".

Elle appelait notamment à soutenir l'action d'Al Qaïda, de son chef Oussama Ben Laden et de ses ramifications dans le monde musulman, de l'Afghanistan au Maghreb.

On pouvait y trouver des messages envoyés de zones de conflit par des djihadistes, des communiqués, photographies, vidéos, revendications d'attaques et règles de comportement.

Farouk ben Abbes a notamment mis en ligne en août 2008, de la bande de Gaza où il se trouvait alors, un guide intitulé "39 moyens pour servir le djihad et y participer", qui mentionne notamment parmi ces moyens le "djihad électronique".

PARCOURS TROUBLANT

Les avocats de Farouk ben Abbes, Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, dénonçaient un "acharnement administratif".

"Il a toujours reconnu qu'il avait relayé du contenu mais n'a jamais participé de près ou de loin à des recrutements et encore moins à des projets d'attentat", a déclaré la semaine dernière Me Vincent Brengarth à Reuters.

Aux yeux de l'accusation, Farouk ben Abbes, né à Bruxelles il y a près de 33 ans, a un parcours troublant, qui l'a conduit à fréquenter le réseau franco-belge d'acheminement de candidats au djihad ancré dans la région toulousaine, avant de partir pour l'Egypte en 2007, puis à Gaza en 2008.

Au Caire, il retrouve des figures du djihadisme français, dont les frères Fabien et Jean-Michel Clain, qui revendiqueront les attentats du 13 novembre 2015 à Paris au nom de l'EI.

Il est encore dans la bande de Gaza lors de l'attentat du Caire qui a tué le 22 février 2009 une lycéenne française et fait 24 blessés, dont de nombreux Français. Les autorités égyptiennes le soupçonnent d'être impliqué dans cette action et l'arrêtent à son retour en Egypte, le 3 avril 2009.

Expulsé d'Egypte en mars 2010, il est arrêté en France le 16 juillet 2010. Selon les autorités égyptiennes, il projetait un attentat contre une cible juive à Saint-Denis, près de Paris, ou contre la salle de spectacle parisienne du Bataclan, où l'un des commandos du 13 novembre 2015 commettra un massacre.

Farouk ben Abbes bénéficie cependant d'un non-lieu en septembre 2012, faute d'éléments probants.

(Emmanuel Jarry, édité par Simon Carraud)