Des victimes du 13 novembre 2015 se font encore connaître

reuters.com  |   |  714  mots
Des victimes du 13 novembre 2015 se font encore connaitre[reuters.com]
(Crédits : Christian Hartmann)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Deux ans et demi après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, des victimes continuent de se faire connaître, alors que l'instruction de ce dossier tentaculaire entre dans sa dernière ligne droite et laisse espérer un procès en 2020.

Les six juges chargés de l'instruction feront à partir de lundi et sur plusieurs jours à Paris, avec quelque 2.000 parties civiles et leurs avocats, le point d'une enquête dans laquelle 11 personnes ont été mises en examen, dont le seul survivant présumé des commandos, Salah Abdeslam.

A ce jour, le Fonds de garantie des victimes du terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a pris en charge 2.600 personnes directement ou indirectement touchées par ces attentats, précise à Reuters son directeur général, Julien Rencki.

Certaines ont longtemps hésité à se faire connaître et toutes ne se sont pas portées parties civiles. Un phénomène aussi constaté pour l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, pour lequel le FGTI indemnise aujourd'hui quelque 2.100 personnes.

Les attentats du 13 novembre 2015 ont fait 130 morts et plus de 400 blessés, celui de Nice 86 morts et plus de 450 blessés.

Mais fin juin 2018, le FGTI indemnisait aussi plus de 1.240 personnes souffrant d'un traumatisme psychologique sans lésion physique à la suite des attentats du 13 novembre et 1.360 à la suite de l'attaque au camion bélier de la Promenade des Anglais.

Dans les deux cas, des proches des tués, des rescapés blessés ou psychologiquement traumatisés continuent de saisir le fonds - une demi-douzaine par mois pour ceux du 13 novembre, 130 depuis début 2018 pour celui de Nice, précise Julien Rencki.

"Des personnes qui n'ont pas été blessées physiquement ont pu ne pas se considérer comme victimes", dit-il. "Puis, elles réalisent un ou deux ans après les faits que les conséquences psychiques sont également réelles, sérieuses et handicapantes."

Le FGTI a été conçu à sa création en 1986 pour les victimes du terrorisme, mission étendue en 1990 à celles d'infractions de droit commun. Mais "il y a un avant et un après 2015, par le nombre et la gravité des attentats", souligne Julien Rencki.

UNE PROCÉDURE COMPLEXE

Au total, le FGTI a indemnisé 6.000 victimes du terrorisme en seulement trois ans et demi depuis janvier 2015, contre 4.000 sur l'ensemble de ses 28 premières années. Pour faire face, il a dû constituer une équipe dédiée et augmenter ses moyens.

Sa principale ressource, un prélèvement sur chaque contrat d'assurance de biens, est passée de 4,30 à 5,90 euros en janvier 2017, portant ses revenus annuels à environ 650 millions, et il dispose de 1,7 milliard de réserve, précise Julien Rencki.

L'Etat s'est en outre engagé le 6 mars 2017 à apporter son concours financier si l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme dépassait 160 millions d'euros par an.

Plus de 145 millions d'euros ont été versées à ce jour aux victimes des attentats commis depuis début 2015, dont près de 75 millions à celles du 13 novembre, 37 millions à celles de Nice.

Le droit français prévoit une réparation intégrale du préjudice subi pour toutes les victimes. Mais l'indemnisation peut s'étaler sur des années, le solde définitif n'intervenant que lorsque l'état de santé des victimes est jugé stabilisé.

"Nous avons mis en place une relation beaucoup plus personnalisée avec les victimes (...) pour leur expliquer une procédure qui reste complexe", assure Julien Rencki.

Une autre difficulté est le nombre d'étrangers indemnisés par le fonds. S'ils ne représentent que 9% des victimes du 13 novembre, ce ratio bondit à 25%, avec 52 nationalités, à Nice.

Le FGTI indemnise aussi les français victimes d'attentats à l'étranger, soit à ce jour environ 400 personnes.

Autre différence entre le 13 novembre et la Promenade des Anglais : le nombre d'enfants (25% des victimes indemnisées pour l'attentat de Nice), qui pose aussi des problèmes particuliers.

"Il est clair qu'il faudra attendre plusieurs années pour pouvoir évaluer de manière plus précise les séquelles physiques et surtout psychologiques des enfants", explique Julien Rencki.

Quant au recensement des victimes, il est aussi rendu plus compliqué quand l'attentat a été commis en milieu ouvert, comme à Nice. Les cas de fraude restent cependant marginaux, assure Julien Rencki : 17 fausses victimes condamnées à ce jour.

(Edité par Yves Clarisse)