Emmanuelle Seigner défie l'Académie des Oscars, qui a exclu Polanski

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Emmanuelle seigner defie l'academie des oscars, qui a exclu polanski[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - L'actrice et chanteuse française Emmanuelle Seigner adresse dimanche une fin de non-recevoir à l'Académie des Oscars, qui l'a invitée à rejoindre ses rangs deux mois après avoir exclu son époux, le réalisateur franco-polonais Roman Polanski.

Dans une virulente lettre ouverte intitulée "Non merci !" publiée dans le Journal du Dimanche (JDD), Emmanuelle Seigner dénonce l'"insupportable hypocrisie" de cette "proposition injurieuse" décrite comme "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de (sa) relative discrétion".

L'actrice de 52 ans figure sur la liste des 928 personnalités invitées en juin dernier à devenir membres de l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences, qui décerne les Oscars du cinéma américain.

Cette liste, qui s'inscrit dans le cadre d'un programme de discrimination positive lancé par une institution en butte depuis plusieurs années aux critiques sur son manque de représentativité, comporte 49% de femmes et 38% de personnes issues de minorités ethniques.

Roman Polanski, 84 ans, a quant à lui été exclu de cette institution début mai. Il a reconnu en 1977 avoir une relation sexuelle avec une adolescente de 13 ans et reste poursuivi par la justice américaine dans ce dossier.

Sa radiation de la liste des membres votants de l'Académie est survenue dans le sillage de l'affaire Weinstein, à l'origine du mouvement "#metoo" et de l'initiative "Time's Up" contre les violences sexuelles et sexistes à l'encontre des femmes.

"COMME UN PARIA"

Elle a été prononcée en même temps que celle du comédien américain Bill Cosby, reconnu coupable d'agression sexuelle fin avril, et est intervenue après celle, survenue en octobre dernier, du producteur Harvey Weinstein, qui a été accusé d'agression sexuelle ou de viol par plusieurs dizaines d'actrices. [nL8N1SA8FN] [nL8N1MQ00P]

Pour Emmanuelle Seigner, l'exclusion de son mari n'a été motivée que "pour satisfaire l'air du temps" et dénote une "curieuse amnésie" de la part de l'Académie, qui a attribué à Roman Polanski l'Oscar du meilleur réalisateur pour "Le Pianiste" en 2003.

"Cette Académie pense probablement que je suis une actrice suffisamment arriviste, sans caractère, pour oublier qu'elle est mariée depuis vingt-neuf ans avec l'un des plus grands metteurs en scène", qui a été rejeté "comme un paria", écrit-elle.

"Vous m'offensez alors que vous prétendez vouloir protéger les femmes", ajoute-t-elle en précisant "vous n'aurez pas la femme que je suis."

Concernant les accusations contre son époux, Emmanuelle Seigner rappelle dans sa lettre ouverte que "Samantha Geimer, sa seule et unique victime, demande depuis des années le classement de l'affaire" et que Roman Polanski a effectué en 1977 à Los Angeles "un premier séjour en prison qui devait être sa peine".

"Les artistes n'échappent pas à la justice ordinaire, bien sûr. À condition qu'elle ne devienne pas une justice d'exception". "Aujourd'hui, Roman a purgé plus que le maximum de la peine encourue pour la faute commise", estime-t-elle.

Roman Polanski a reconnu en 1977 avoir eu une relation sexuelle avec une mineure de 13 ans lors d'une séance de photos à Los Angeles. Il a passé 42 jours en prison avant d'être remis en liberté après une négociation ("plea bargain") mais a fui les Etats-Unis l'année suivante, redoutant que le magistrat chargé du dossier ne revienne sur l'accord conclu à l'époque et ne le condamne à plusieurs années de prison.

En 2009, le cinéaste a été arrêté à Zurich en vertu d'un mandat américain et assigné à résidence. Il a été libéré un an plus tard, les autorités suisses ayant décidé de ne pas l'extrader.

En 2014, les Etats-Unis ont déposé une demande d'extradition auprès de Varsovie à l'occasion d'un voyage de Roman Polanski en Pologne. Cette requête a été rejetée en octobre 2015 par un tribunal de Cracovie, où Polanski possède un appartement.

La Cour suprême polonaise a confirmé en décembre 2016 le rejet de la demande d'extradition du cinéaste.

(Myriam Rivet, édité par Eric Faye)