Paralysée par l'affaire Benalla, l'Assemblée suspend ses travaux

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(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Le gouvernement a décidé dimanche de suspendre l'examen du projet de révision constitutionnelle sous la pression des élus de l'opposition qui bloquent les travaux depuis quatre jours pour réclamer la "transparence" sur l'affaire Benalla, ce proche d'Emmanuel Macron au coeur d'une tempête politico-judiciaire.

Situation rarissime, le Parlement est paralysé depuis jeudi et les révélations du journal Le Monde sur les agissements d'Alexandre Benalla, 26 ans, homme de confiance du chef de l'Etat, lors des manifestations du 1er-Mai à Paris.

Les députés de droite et de gauche qui dénoncent désormais une "affaire Macron", ont obtenu que la commission des Lois de l'Assemblée se constitue en commission d'enquête pour mettre au jour les rouages de cette affaire qui implique les plus hautes instances de l'Etat, mais ils réclament aussi que le gouvernement s'explique devant la représentation nationale.

Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb sera entendu lundi à partir de 10H00 par la commission d'enquête lors d'une audition publique, il le sera mardi après-midi par la commission des Lois du Sénat, également constituée en commission d'enquête.

Estimant que l'essence même du projet de loi pour "une démocratie plus représentative, responsable et efficace" est en cause dans l'affaire Benalla, les élus de l'opposition, qui voient par ailleurs dans ce texte un abaissement des droits du Parlement, ont multiplié les rappels au règlement en dénonçant les "mensonges" ou le silence "complice", selon eux, du gouvernement et de la majorité La République en Marche (LaRem).

"L'AGITATION DOIT RETOMBER"

La majorité, embarrassée, fustige une tentative d'"obstruction" et l'"instrumentalisation" d'une affaire "individuelle", mais face au feu roulant des attaques, la ministre de la Justice Nicole Belloubet s'est résignée dimanche à suspendre les travaux, abandonnant l'avantage à l'opposition dans un bras de fer dont on n'entrevoit pas la fin à ce stade.

"Le gouvernement a décidé de suspendre l'examen de la révision constitutionnelle et souhaite que celui-ci puisse reprendre ultérieurement dans des conditions plus sereines", a-t-elle déclaré.

"L'Assemblée nationale n'est pas un théâtre filmé. L'Assemblée est un lieu de débat ET de décision. (...) L'agitation doit retomber et elle retombera. Le travail législatif doit reprendre et il reprendra", a ajouté le président de l'Assemblée, François de Rugy (LaRem), en clôturant la séance.

La présidence de l'Assemblée a précisé que les travaux reprendraient lundi à 16h00, horaire prévu de l'examen en deuxième lecture du projet de loi "avenir professionnel". Le calendrier pour la révision constitutionnelle sera examiné mardi lors de la conférence des présidents, a-t-on indiqué.

Avant l'interruption de séance, Olivier Faure, député Nouvelle Gauche et premier secrétaire du Parti socialiste, avait accusé Nicole Belloubet de mensonge. "Aujourd'hui, ce n'est pas seulement M. Benalla qui ment, c'est tout un système qui se met en place pour le défendre, vous mentez avec lui", a-t-il lancé.

Sur franceinfo, Olivier Faure a souhaité par la suite que "l'ensemble de la hiérarchie de M. Benalla soit entendue, à la fois le directeur de cabinet, le secrétaire général de l'Elysée, le chef de cabinet" sur "une police parallèle" qu'Emmanuel Macron "a organisée ou laissé organiser sous son toit".

"CASTANER DÉFEND UN CASTAGNEUR"

"On sait comment commence une affaire d'Etat, on ne sait jamais quand et comment elle finit", a déclaré dimanche matin dans l'hémicycle son collègue du Val-d'Oise, François Pupponi.

Pour Charles de La Verpillière (Les Républicains), "l'affaire Macron-Benalla" plonge les institutions dans "une expérimentation in vivo" de la révision constitutionnelle voulue par le chef de l'Etat : celle de "l'abaissement du Parlement" (Alexandre Benalla bénéficiait jusqu'il y a peu d'un badge lui donnant accès au Palais-Bourbon), de la "toute-puissance du président" et de "la déresponsabilisation, je devrais dire la disparition, du gouvernement".

Catherine Kamowski (LaRem) a dit craindre que l'Assemblée ne se transforme en Tribunal révolutionnaire, avec autant de "Fouquier-Tinville" en accusateurs publics.

Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, a assuré que les députés travaillaient "à défendre la démocratie, l'Etat de droit et les valeurs de la République". La députée du Pas-de-Calais avait vivement apostrophé samedi soir le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, Christophe Castaner, par ailleurs délégué général de LaRem, lui reprochant son absence dans l'hémicycle.

Critiques renouvelées dimanche par plusieurs élus, dont Pierre-Henri Dumont (LR) qui l'a qualifié de "secrétaire d'Etat chargé de la buvette de l'Assemblée". "M. Castaner défend un castagneur", a lancé Alexis Corbière (La France insoumise).

Gilles Le Gendre, porte-parole des députés LaRem, a accusé "une brigade hétéroclite" de "touiller une affaire, [de] transformer une maigre pitance en un festin", s'en prenant directement à Marine Le Pen qui risque "l'eau et le pain sec" - une référence aux ennuis judiciaires de l'ex-FN.

(Sophie Louet)