La baisse des prévisions de BPA, une inquiétude de plus à Wall Street

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La baisse des previsions de bpa, une inquietude de plus a wall street[reuters.com]
(Crédits : Dado Ruvic)

par Caroline Valetkevitch

NEW YORK (Reuters) - De plus en plus pessimistes, les investisseurs à Wall Street ont une raison de plus de rester moroses: les perspectives de résultats pour l'an prochain s'assombrissent à vue d'oeil.

Les estimations des analystes concernant les résultats 2019 sont revues en baisse, à mesure que s'estompe l'impact des réductions d'impôts et qu'augmentent les craintes d'une aggravation des conséquences du conflit commercial entre Washington et Pékin.

Même après la deuxième phase de correction depuis le début de l'année de l'indice S&P-500, de nombreux investisseurs se demandent si les cours reflètent suffisamment les risques de ralentissement de la croissance des bénéfices de sociétés.

Le S&P a perdu 4,6% la semaine dernière, sa plus forte baisse hebdomadaire depuis mars. Il cède plus de 10% depuis son plus haut historique en séance touché fin septembre.

Les analystes de Wall Street ont fortement abaissé leurs estimations de croissance des résultats des composantes du S&P, qui avaient été revues en hausse pendant une bonne partie de l'année. Il y a deux mois, la croissance moyenne des profits du S&P en 2019 était estimée à 10,2%; elle est désormais prévue à 8,2% et une proportion croissante d'investisseurs s'attend à ce que le rythme soit ramené à la moitié de ce taux, voire moins.

"Cela pourrait être plus proche de 3% ou 4%", dit Paul Nolte, gérant de portefeuille chez Kingsview AM, ajoutant que le marché n'a pas encore intégré cette perspective dans les cours.

"Le risque pour ces estimations est orienté à la baisse. Pour le moment, l'attention du marché est davantage focalisée sur le commerce que sur les bénéfices."

Morgan Stanley a même averti d'une probabilité supérieure à 50% d'avoir "une modeste contraction des résultats".

Ces dernières semaines, les responsables de la stratégie de RBC Capital Markets, BNP Paribas et Bank of America Merrill Lynch ont annoncé des prévisions de croissance des bénéfices par action pour 2019 inférieures au rythme moyen calculé par Refinitiv.

RÉVISION SUR LES "TECHS"

Parmi les secteurs les plus touchés par ces révisions en baisse figurent la haute technologie et les services de communication, qui ont été les moteurs du marché haussier ces dernières années.

Les techs ont affiché une croissance moyenne de 29,2% de leurs résultats au troisième trimestre, mais les dernières prévisions en date sont à +2,2% pour le troisième trimestre de l'an prochain et à +4,9% pour l'ensemble de 2019.

Le nouvel indice des services de communication, qui inclut des géants comme Facebook et d'autres réseaux sociaux, confrontés à une surveillance réglementaire accrue, devrait voir le rythme moyen de croissance de ses profits en 2019 ramené à 6,7%, contre 11,6% estimé au 1er octobre.

"Les résultats des techs seront là; mais ils ne seront pas en tête", dit Alicia Levine de BNY Mellon Investment Management.

La vigueur des résultats et de la croissance économique a favorisé le rebond du marché d'actions américain après sa forte baisse de février et préservé l'optimisme des investisseurs sur les valorisations. A l'époque, les prévisions de résultats étaient orientées en forte hausse, dopées par les programmes de rachats d'actions et les réductions d'impôts mises en oeuvre par l'administration Trump.

Depuis quelques semaines, le marché obligataire lance des signaux de risque de ralentissement économique, tandis que les investisseurs s'inquiètent de la montée du protectionnisme.

Les responsables de la stratégie craignent désormais un ralentissement économique alors même que les taux d'intérêt continuent à monter. La Réserve fédérale devrait relever ses taux ce mois-ci pour la quatrième fois de l'année mais l'incertitude plane sur le nombre de hausses l'an prochain.

Une autre inquiétude pèse sur le sentiment de marché: les avertissements des entreprises depuis quelques mois sur la tendance à la hausse des salaires et son impact sur les profits.

UNE CROISSANCE TOUJOURS SOLIDE ?

Certains stratèges ont évoqué la révision en baisse des perspectives de profits pour expliquer les récents mouvements de baisses des cours. Le S&P se traite à 15,8 fois ses résultats à 12 mois contre 17,3 début octobre, selon les données Refinitiv.

D'autres estiment au contraire que la croissance des résultats, même à un rythme nettement plus faible, reste suffisamment solide pour soutenir le marché.

"Nous nous dirigeons vers un niveau sain et durable (de croissance des profits) par rapport à quelque chose qui allait vraiment très vite", note Jonathan Golub de Credit Suisse Securities, ajoutant que les analystes tendent à surestimer la croissance des bénéfices à long terme et que les investisseurs ne devraient donc pas être surpris par les révisions en baisse.

Les sociétés du secteur des semiconducteurs, dont Micron Technology, Applied Materials et Lam Research, figurent parmi les sociétés les plus touchées de l'indice des techs par les baisses de prévisions de résultats 2019, tout comme DISH Network dans l'indice des services de communication, selon les données Refinitiv.

La demande mondiale de semiconducteurs a ralenti et les investisseurs craignent que le président Donald Trump n'impose des droits de douanes sur les appareils électroniques fabriqués en Chine avec des puces produites par des sociétés américaines.

Les valeurs technologiques (-14% depuis fin septembre) et de services de communication (-10%) figurent parmi les secteurs ayant le plus souffert depuis le début du quatrième trimestre.

(Juliette Rouillon pour le service français, édité par Blandine Hénault)