Ford refuse le projet de Punch, Le Maire crie à la trahison

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Blanquefort: le maire denonce la trahison de ford[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

BORDEAUX (Reuters) - Ford a annoncé jeudi au comité d'entreprise de l'usine Ford de Blanquefort (Gironde) refuser la proposition du groupe belge Punch Powerglide pour la reprise du site, s'attirant une vive réplique de Bruno Le Maire qui a dénoncé une "trahison".

Le gouvernement français s'était fortement impliqué dans ce dossier et avait invité le constructeur automobile américain à accepter l'offre de Punch, qui prévoyait le maintien de quelque 400 des 850 emplois du site de fabrication de boîtes de vitesse.

Ford Motor Company précise dans un communiqué prévoir un arrêt de la production fin août 2019.

"Malgré les discussions rigoureuses et approfondies des neuf derniers mois, et les meilleurs efforts fournis par chacune des parties, le plan proposé par le repreneur potentiel présente des risques significatifs", peut-on lire.

Bruno Le Maire a laissé éclater sa colère lors des questions d'actualité au Sénat.

"Je suis révolté, je suis écoeuré par cette décision qui ne se justifie que par la décision de Ford de faire monter son cours de Bourse", a-t-il dit. "Je veux dénoncer la lâcheté de Ford à qui je demande à parler depuis trois jours et qui n'a même pas eu le courage de prendre le ministre de l'Economie et des Finances au téléphone".

Les salariés étaient sous le choc.

"Ça fait très mal. C'est incroyable de gaspiller comme ça, de pouvoir agir comme ça, de pouvoir balancer une possibilité de reprise, de sauver 400 emplois, et de le dire avec cette légèreté-là", a dit à Reuters Philippe Poutou, délégué CGT de Ford Blanquefort. "C'est un sentiment de colère, de gâchis qui dominent et la peur de demain. En même temps je suis convaincu que la bataille va continuer d'une manière ou d'une autre."

JUPPÉ ET ROUSSET INTERPELLENT FORD

Dans un communiqué, le président de Bordeaux Métropole et maire de Bordeaux Alain Juppé "demande instamment à Ford de reconsidérer sa position et donner au site de Blanquefort et à ses salariés un avenir en acceptant et aidant la reprise".

Le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, appelle lui aussi les parties "à tirer profit des jours qui viennent pour parvenir à une solution durable sur le plan industriel et raisonnable sur le plan social".

En octobre, Ford avait refusé une première fois le plan de Punch, seul candidat à la reprise de l'usine. Bruno Le Maire avait qualifié de "crédible" le groupe belge, déjà repreneur avec succès il y a cinq ans de l'usine de boîtes de vitesse de General Motors à Strasbourg.

Des négociations s'étaient engagées avec l'industriel américain qui mettait déjà en avant les insuffisances du projet de reprise pour les salariés en comparaison avec son propre plan social. Il avait accepté de négocier, l'Etat et les collectivités étant prêts à apporter 15 millions d'euros.

L'une des conditions était l'acceptation par les salariés de conditions sociales à la baisse. D'âpres négociations avaient débouché mardi sur un accord partiel avec trois organisations syndicales, la CGT, FO et la CFE-CGC mais pas avec la CFTC.

L'accord portait sur le maintien de 350 à 400 des 850 salariés, 300 à 350 partant en pré-retraite et 100 à 150 pouvant être repris par l'usine voisine Getrag de Blanquefort, filiale de Ford.

En février dernier, Ford Motor Company avait annoncé sa décision de ne plus investir dans son usine de Blanquefort et projetait une fermeture pure et simple d'ici fin 2019.

En 2009, Ford avait déjà cédé son usine de Blanquefort à HZ Holding, une entreprise allemande qui n'était pas parvenue à maintenir une activité suffisante. Sous la pression des syndicats et des pouvoirs publics, il avait repris son usine en 2011 et s'était engagé en 2013 à maintenir un millier d'emplois jusqu'à mai 2018 sous condition de versements d'aides publiques.

Implantée en 1972, l'usine de Blanquefort a compté jusqu'à 3.600 salariés en 2000. Depuis, les effectifs n'ont cessé de se réduire pour tomber à environ 850 en 2018.

(Claude Canellas et Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)