Accord entre Bruxelles et Rome sur le budget italien pour 2019

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Accord entre bruxelles et rome sur le budget italien pour 2019[reuters.com]
(Crédits : Yves Herman)

par Francesco Guarascio et Giuseppe Fonte

BRUXELLES/ROME (Reuters) - La Commission européenne et l'Italie sont parvenues à un compromis sur le projet de budget italien pour 2019 qui permettra à Rome d'échapper dans l'immédiat à une procédure disciplinaire pour déficit excessif, a annoncé mercredi le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis.

L'Italie évitera des sanctions si elle applique cet accord dans sa totalité mais le projet de budget et le niveau d'endettement du pays restent préoccupants aux yeux de la Commission, a-t-il cependant précisé.

"La solution sur la table n'est pas idéale. Elle n'apporte pas de solution à long terme aux problèmes économiques de l'Italie, mais elle nous permet d'éviter à ce stade une procédure pour déficit excessif", a dit le vice-président de l'exécutif européen devant la presse.

Le président du Conseil italien Giuseppe Conte, qui s'exprimait devant les sénateurs à Rome, s'est félicité de cet accord trouvé au terme d'un bras de fer de plusieurs mois où les deux parties ont semblé à plusieurs reprises au bord de la rupture.

"C'est bon pour les Italiens et c'est aussi satisfaisant pour l'Europe", a-t-il dit.

Il a souligné que son gouvernement de coalition avait réussi à préserver la structure de son projet de loi de finances et qu'il n'avait pas renoncé à son contenu.

"Au terme de difficiles négociations, conduites avec ténacité, nous avons atteint un point d'équilibre durable, nous en tenant à un chiffre (du déficit) plus haut que ce que l'Europe jugeait approprié", a-t-il dit.

PROMESSES TENUES, DIT CONTE

Ce budget, le premier préparé par la Ligue d'extrême droite de Matteo Salvini et le Mouvement 5 Etoiles de Luigi Di Maio au pouvoir depuis juin dernier, met notamment en forme deux des principaux engagements de la coalition: la refonte du système des retraites et l'introduction d'un revenu de citoyenneté.

Ces deux promesses, a souligné Conte, seront lancées selon le calendrier prévu. Le chef du gouvernement a précisé que le nombre de leurs bénéficiaires serait inchangé.

Au chapitre des économies que Rome entend mettre en oeuvre pour les financer sans déficit excessif, Conte a cité la privatisation de biens immobiliers et le blocage de l'indexation sur l'inflation des pensions de retraites les plus élevées.

Une taxe sur les sociétés de l'internet devrait également permettre de tenir le nouvel objectif de déficit budgétaire, désormais fixé à 2,04% du PIB italien contre 2,4% dans la version initiale du projet de budget rejeté par la Commission.

Luigi Di Maio et Matteo Salvini ont adressé leurs félicitations à Giuseppe Conte, universitaire sans affiliation partisane ni expérience politique préalable à son entrée au Palais Chigi, pour la manière dont il a mené ces négociations.

A Bruxelles, Dombrovskis a cependant averti que la Commission pourrait revoir sa décision le mois prochain si Rome n'applique pas pleinement le compromis. Bruxelles attend notamment le vote du projet de loi de finances par le Parlement italien prévu d'ici la fin de l'année.

L'accord avec Bruxelles fixe un objectif de déficit budgétaire à 2,04% du produit intérieur brut (PIB).

Le déficit structurel - en excluant l'impact du cycle économique et des éléments exceptionnels - est prévu inchangé par rapport à 2018, ce que Dombrovskis a qualifié de "limite".

SOULAGEMENT SUR LES MARCHÉS

La Commission européenne avait rejeté en octobre une première version du projet de budget préparé par la coalition formée par la Ligue d'extrême droite et le Mouvement 5 Etoiles (M5S) au motif qu'il violait les règles budgétaires européennes en prévoyant un déficit de l'ordre de 2,40% du PIB en 2019.

Ce projet de budget prévoyait d'accroître le déficit structurel de 1,2 point de pourcentage du PIB, alors qu'en vertu des règles européennes, l'Italie aurait dû l'abaisser de 0,6 point l'an prochain.

Bruxelles insiste pour que l'Italie réduise son déficit structurel, afin d'alléger le fardeau de sa dette publique, qui dépasse les 130% de son PIB.

Le nouveau projet italien ramène également sa prévision de croissance de l'activité pour 2019 de 1,5% à 1,0% du PIB.

Sur le marché des emprunts d'Etat, les rendements des emprunts d'Etat italiens ont amplifié leur recul après les annonces de la Commission, qui éloignent le risque d'une nouvelle crise durable au sein de la zone euro.

Vers 12h00 GMT, peu après l'annonce de la Commission, le taux de la dette italienne à dix ans baissait de plus de 15 points de base à 2,794%, au plus bas depuis fin septembre, et l'écart de rendement ("spread") avec les titres allemands de même échéance revenait sous 255 points de base, alors qu'il dépassait 300 points mi-novembre.

La Bourse de Milan gagnait alors 1,9% et l'indice local du secteur bancaire prenait 3,6%.

Des analystes ont salué la fin des hostilités entre Bruxelles et Rome mais restent sceptiques, se demandant notamment si la prévision de croissance de l'activité en 2019 n'est pas "exagérément optimiste", comme l'écrit Morgan Stanley dans une note pour ses clients.

La banque s'attend à ce que le PIB italien ne progresse que de 0,5% l'année prochaine, deux fois moins vite que la prévision retenue dans l'accord budgétaire. La banque Barclays Capital est encore plus pessimiste, avec une prévision à 0,4%.

(avec Jan Strupczewski à Bruxelles et Gavin Jones et Giulia Segreti à Rome; Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)