Trump proclame la défaite de l'EI en Syrie, où le retrait américain commence

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Trump annonce la defaite de l'ei en syrie, retrait total des troupes us a l'etude selon des sources[reuters.com]
(Crédits : Rodi Said)

par Phil Stewart et Idrees Ali

WASHINGTON (Reuters) - Donald Trump a proclamé mercredi la défaite de l'Etat islamique en Syrie, en soulignant qu'il s'agissait du seul objectif des forces américaines sur place, et la Maison blanche a annoncé le début de leur rapatriement.

"Nous avons vaincu l'EI en Syrie, ma seule raison d'être là-bas durant la présidence Trump", écrit le président des Etats-Unis sur Twitter, sans parler de retrait

"Ces victoires sur l'Etat islamique en Syrie ne signalent pas la fin de la coalition mondiale ni de sa campagne. Nous avons commencé à ramener les troupes américaines à la maison alors que nous passons à la phase suivante de cette campagne", a précisé sa porte-parole, Sarah Sanders, dans un communiqué.

D'après un membre de l'administration américaine ayant requis l'anonymat, tout le contingent américain sera rapatrié une fois les opérations contre l'EI achevées. Ce retrait, a-t-il ajouté, prendrait alors entre 60 et 100 jours.

Les Etats-Unis disposent actuellement d'environ 2.000 hommes en Syrie.

Le secrétaire à la Défense Jim Mattis avait pourtant jugé en avril la présence américaine indispensable pour éviter une réémergence du mouvement djihadiste et s'était prononcé contre un retrait avant que les diplomates n'aient "gagné la paix".

"ERREUR MONUMENTALE À LA OBAMA"

Dans un communiqué publié deux heures et demie après le tweet de Trump, le Pentagone a affirmé: "La coalition a libéré le territoire tenu par l'EI, mais la campagne contre l'EI n'est pas terminée." Mais le département de la Défense reprend aussi à son compte l'expression "transition vers la phase suivante" déjà employée par la Maison blanche.

On ignore le calendrier précis de ce retrait, déjà évoqué à plusieurs reprises par Donald Trump depuis son investiture, début 2017.

Pour l'influent sénateur républicain Lindsey Graham, l'EI n'a été vaincu ni en Syrie, ni en Irak, ni en Afghanistan. Et retirer les forces américaines serait une "erreur monumentale à la Obama". "Décider le retrait sera également considéré comme un coup de pouce au retour" des djihadistes, écrit-il encore sur Twitter.

Il a ajouté qu'un retrait américain serait une "grande victoire pour l'EI, pour l'Iran, pour Bachar al Assad et pour la Russie".

Car un retrait américain, explique Andrew Tabler, spécialiste de la Syrie au Washington Institute for Near East Policy, permettrait à des pays comme l'Iran d'accroître leur influence sur le pays. "Si nous nous retirons, celui qui remplira le vide sera celui qui sera capable de stabiliser la situation, et c'est la question à un million de dollars", a-t-il ajouté, s'interrogeant en outre sur le calendrier de cette annonce.

MOSCOU SE FÉLICITE

A l'étranger, le ministère russe des Affaires étrangères a estimé qu'un retrait des forces américaines ouvrait des perspectives en vue d'un règlement politique du conflit syrien.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré pour sa part que son gouvernement étudierait la décision américaine et garantirait la sécurité d'Israël.

Précisant s'en être entretenu ces deux derniers jours avec Donald Trump et son secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, il a ajouté: "Ils ont clairement dit qu'ils avaient d'autres moyens d'exercer une influence sur la région."

A Londres, Tobias Ellwood, secrétaire d'Etat à la Défense, a estimé que Trump se trompait en affirmant que l'EI était vaincu. L'EI, a-t-il dit, "s'est muée en d'autres formes d'extrémisme et la menace est toujours tout à fait présente".

Le Foreign Office a de son côté souligné que l'EI demeurait une menace, même si la surface du territoire qu'il contrôle a diminué.

"Il reste encore beaucoup à faire et nous ne perdons pas de vue la menace qu'ils constituent. Même sans territoire, Daech reste une menace", a dit le ministère britannique des Affaires étrangères dans un communiqué.

Les 2.000 soldats américains actuellement en Syrie sont pour la plupart issus des forces spéciales, ils conseillent les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes.

Leur implication a permis ces dernières d'années de faire reculer l'EI en Syrie - après avoir contrôlé jusqu'à huit millions d'habitants sur 100.000 km carrés à cheval entre la Syrie et l'Irak, l'EI ne conserverait plus que 1% de son territoire passé selon Washington.

Mais elle suscite parallèlement la colère de la Turquie, alliée des Etats-Unis. Ankara considère les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), principale composante des FDS, comme une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les séparatistes de Turquie.

Les FDS participent notamment à la reconquête de la région d'Hadjine, dernière poche de résistance de l'EI, située sur la rive orientale de l'Euphrate, à la frontière irakienne.

Le président Recep Tayyip Erdogan à assuré lundi avoir obtenu le feu vert de Washington à une offensive turque contre les forces kurdes présentes dans ce secteur, ce que Washington n'a pas confirmé. Le Pentagone, qui a adressé plusieurs mises en garde aux autorités turques, juge une telle offensive inacceptable.

Selon un haut responsable américain, Donald Trump n'a pas discuté avec son homologue turc avant de prendre sa décision.

"Le président a pris sa propre précision. Ce n'est pas quelque chose dont il a discuté avec le président Erdogan. Il a informé le président Erdogan de sa décision", a-t-il ajouté.

(avec Susan Heavey; Henri-Pierre André et Jean-Philippe Lefief pour le service français)