A 100 jours du Brexit, les préparatifs d'un "No Deal" s'accélèrent

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A 100 jours du brexit, les preparatifs d'un no deal s'accelerent[reuters.com]
(Crédits : Toby Melville)

LONDRES/BRUXELLES (Reuters) - A 100 jours de la rupture avec l'Union européenne, programmée le 29 mars, la Première ministre britannique a promis mercredi de faire le point à la Chambre des Communes sur les "réassurances" qu'elle cherche à obtenir de Bruxelles après la reprise des travaux parlementaires, le 7 janvier, tandis que la Commission européenne accélérait les préparatifs d'une sortie sans accord.

"Les risques d'une sortie désordonnée (ndlr, sans accord) de la Grande-Bretagne de l'Union européenne sont claires. Ce serait une catastrophe absolue", s'est inquiété mercredi le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, devant la presse à Bruxelles.

LA RATIFICATION TOUJOURS INCERTAINE

"Nous exposerons ce que nous avons obtenu dans le cadre de nos discussions avec l'UE à notre retour, l'année prochaine, lorsque ces discussions auront eu lieu", a déclaré Theresa May à la Chambre des Communes.

Une semaine après avoir reporté la ratification de l'accord conclu avec l'UE faute de majorité parlementaire, elle a annoncé lundi que le vote aurait lieu dans la semaine du 14 janvier.

La Première ministre s'était rendue à Bruxelles jeudi pour tenter d'obtenir des garanties à même de dissiper les réserves des élus britanniques, mais ses interlocuteurs européens ont exclu de rouvrir les négociations.

Son entourage a souligné que les discussions se poursuivaient entre May et ses partenaires européens. May n'en dira rien avant la reprise des travaux parlementaires, le 7 janvier, après les fêtes de fin d'année.

Theresa May a parallèlement annoncé mardi l'accélération des préparatifs en vue d'une sortie sans accord et a recommandé aux entreprises comme à la population de se tenir prêts à faire face à cette éventualité.

FIN DU STATUT SPÉCIAL DES RESSORTISSANTS DE L'UE

Le gouvernement britannique a publié mercredi son Livre blanc sur l'immigration, attendu de longue date, qui annonce la fin du traitement spécial réservé aux ressortissants de l'Union européenne et assure que les entreprises auront le temps nécessaire pour s'adapter à l'entrée en vigueur des nouvelles règles.

Londres accueillera en priorité des travailleurs qualifiés et les Européens ne seront pas traité différemment des autres, peut-on y lire en substance.

Aucun objectif précis n'est mentionné, mais le gouvernement promet de ramener le nombre d'arrivée à "un niveau viable, conformément au manifeste du Parti conservateur". Pendant la campagne pour les législatives de 2017, les Tories ont promis de ramener l'immigration nette à moins de 100.000 arrivées par ans.

BRUXELLES PRÔNE LA "GÉNÉROSITÉS" AVEC LES BRITANNIQUES

A Bruxelles, la Commission européenne a annoncé la mise en oeuvre dans plusieurs secteurs du plan d'urgence élaboré pour faire face à une rupture sans d'accord, "compte tenu de l'incertitude qui continue de régner, au Royaume-Uni, sur la ratification de l'accord de retrait".

Elle invite les Etats membres à adopter "une approche généreuse" à l'égard des ressortissants britanniques résidant dans l'UE et recommande qu'ils continuent à être considérés comme des résidents légaux, "pour autant que le Royaume-Uni garantisse la réciprocité de cette approche".

ASSURER LA POURSUITE DU TRAFIC AÉRIEN ET DES MARCHANDISES

Pour éviter l'interruption totale du trafic aérien, la Commission propose de garantir pendant 12 mois la prestation de certains services aériens entre le Royaume-Uni et l'UE, et de prolonger pendant neuf mois la validité de certaines licences en matière de sécurité aérienne.

Pour le transport routier, elle souhaite que les opérateurs britanniques puissent continuer à acheminer des marchandises pendant neuf mois, "pour autant que le Royaume-Uni confère des droits équivalents aux transporteurs routiers issus de l'UE et sous réserve du respect des conditions d'une concurrence équitable".

"Il est toutefois essentiel que les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour être en mesure d'appliquer le code des douanes de l'Union et les règles pertinentes en matière de fiscalité indirecte à l'égard du Royaume-Uni", souligne-t-elle.

SANS ACCORD, LE SECTEUR FINANCIER BRITANNIQUE SERA POUR L'ESSENTIEL EXCLU DES MARCHÉS EUROPÉENS

La plupart des banques, des compagnies d'assurances et des autres sociétés financières du Royaume-Uni seront exclues de l'Union européenne si aucun accord n'encadre le Brexit.

Les services financiers représentent la première source de revenus pour le Trésor britannique et les marchés européens sont leur plus important client.

"Si l'Accord de retrait n'est pas ratifié, les opérateurs financiers établis au Royaume-Uni perdront, à compter de la date de retrait, le droit de proposer leurs services dans les Etats membres de l'UE à 27 dans le cadre des passeports européens des services financiers", souligne la Commission.

L'exécutif européen a donc adopté à titre préventif une directive visant à assurer que les consommateurs européens puisse continuer à procéder à des compensations (clearing) de leurs transactions sur des produits dérivés avec des chambres de compensation britanniques comme LCH pendant douze mois à compter du retrait.

"Pour leur part, les clients dans l'Union européenne de firmes britanniques doivent se préparer à un scénario dans lequel leur prestataire n'est plus soumis à la loi de l'UE", prévient la Commission.

LES MILIEUX D'AFFAIRES BRITANNIQUES S'ALARMENT

Les cinq plus grandes organisations patronales britanniques craignent un choc économique catastrophique en l'absence d'accord.

"Les entreprises observent avec horreur le fait que les responsables politiques se focalisent sur des querelles partisanes plutôt que sur les mesures concrètes qui doivent être prises pour que les entreprises aillent de l'avant", déplorent les Chambres de commerce, la Confédération de l'industrie, la Fédération des petites entreprises, l'Institut des directeurs et l'Association des industriels britanniques, dans un communiqué commun.

"L'absence de progrès à Westminster signifie que le risque d'un Brexit" sans accord augmente", ajoutent-ils.

(Guy Faulconbridge, Huw Jones, Kylie MacLellan et Andrew MacAskill à Londres, Philip Blenkinsop et Robin Emmott à Bruxelles; Jean-Philippe Lefief pour le service français)