Grande-Bretagne : La crise politique s'amplifie alors que deux ministres lâchent Johnson

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Grande bretagne: la crise politique s'amplifie alors que deux ministres lachent johnson[reuters.com]
(Crédits : Pool)

par Elizabeth Piper, Alistair Smout et Andrew MacAskill

LONDRES (Reuters) - La survie politique du Premier ministre britannique Boris Johnson est en jeu après les démissions soudaines mardi de ses ministres des Finances et de la Santé, à la suite d'un nouveau scandale ayant éclaboussé l'administration britannique pour lequel Johnson a tenté de s'excuser dans la journée.

Rishi Sunak et Sajid Javid ont présenté, à quelques minutes d'intervalle, leurs démissions dans des lettres adressées à Boris Johnson dans lesquelles ils ont remis en question la capacité de l'ancien maire de Londres à diriger une administration répondant à des standards.

Ces annonces ont été effectuées juste après que Boris Johnson s'est exprimé à la télévision pour présenter ses excuses pour n'avoir pas réalisé qu'un ancien membre de son administration n'était pas un choix adéquat, alors que celui-ci était visé par des accusations d'inconduite sexuelle.

Signalant son intention de se maintenir au pouvoir aussi longtemps que possible, Boris Johnson a rapidement nommé l'ancien homme d'affaires et actuel secrétaire à l'Education, Nadhim Zahawi, à la tête du ministère des Finances. Steve Barclay a lui hérité du portefeuille de la Santé.

Pour l'heure, Rishi Sunak et Sajid Javid sont les seuls membres de haut rang du gouvernement à partir, d'autres ayant exprimé leur soutien à Boris Johnson. Quatre élus occupant des rôles mineurs au sein du gouvernement ont aussi démissionné.

La ministre des Affaires étrangères, Liz Truss, considérée comme un potentiel recours pour remplacer Boris Johnson, a assuré qu'elle restait "à 100%" derrière ce dernier. Le ministre de la Défense, Ben Wallace, continuerait aussi de soutenir le dirigeant conservateur, selon les médias locaux.

"VOUS AVEZ PERDU MA CONFIANCE"

Pendant des mois, Rishi Sunak et Sajid Javid avaient publiquement soutenu Boris Johnson face aux scandales ayant éclaboussé son administration, dont le "Partygate" - les fêtes alcoolisées organisées à Downing Street en dépit alors des restrictions sanitaires face à l'épidémie de COVID-19.

Boris Johnson a surmonté le mois dernier une procédure lancée par des députés de son Parti conservateur en vue de le destituer, à la suite de ces scandales à répétition.

Il est aussi reproché par les détracteurs du Premier ministre un certain laxisme face à la hausse du coût de la vie, de nombreux Britanniques éprouvant des difficultés financières avec la flambée des prix du carburant et des produits alimentaires.

Dans leurs lettres, Rishi Sunak et Sajid Javid ont laissé apparaître leur ras-le-bol.

Rishi Sunak, qui aurait eu en privé d'importants désaccords avec Boris Johnson sur les dépenses publiques, a dit n'avoir pas pris sa décision "à la légère", dans un contexte économique délicat à la suite de la crise sanitaire, de la guerre en Ukraine et "d'autres défis importants".

"Le public attend à juste titre que le gouvernement se conduise de bonne manière, avec compétence et sérieux", a-t-il écrit dans sa lettre. "Je pense que ces standards méritent d'être défendus et c'est pour cela que je démissionne".

Sajid Javid a déploré pour sa part que l'opinion publique et les parlementaires aient perdu confiance dans la capacité de Boris Johnson à gouverner dans l'intérêt national.

"Je regrette de devoir vous dire (...) qu'il me paraît clair que la situation ne changera pas sous votre direction et que vous avez aussi perdu ma confiance", a-t-il écrit à Boris Johnson.

"AGONIE"

La démission la semaine dernière de l'éminent élu conservateur Christopher Pincher a donné lieu à plusieurs jours d'un récit fluctuant de la part de Downing Street sur ce que savait, ou non, Boris Johnson à propos du comportement de Pincher.

Nombreux sont ceux au Parti conservateur à être exaspérés par la nouvelle accusation de mensonge visant Boris Johnson et le recours par Downing Street à l'argument de la perte de mémoire. Certains députés estiment que l'administration britannique est paralysée par la gestion des scandales.

Des voix s'élèvent à nouveau dans les rangs conservateurs pour tenter d'engager des démarches visant à chasser Boris Johnson du pouvoir, alors que d'autres avaient exhorté les principaux ministres à agir.

"Il est fini", avait dit dans la journée, sous couvert d'anonymat, un élu conservateur à propos de Boris Johnson. "Il ne devrait pas prolonger l'agonie. C'est irrespectueux envers ses collègues, son parti et son pays".

Un autre député conservateur avait tenu des propos similaires: "C'est fini. Je serais étonné qu'il passe l'été".

Cependant des "vétérans" du Parti conservateur considèrent que Boris Johnson, par goût pour le combat, pourrait rester en poste et tenter une nouvelle fois de relancer son administration.

Le chef de file de l'opposition travailliste a déclaré que les soutiens de Boris Johnson étaient complices de la manière dont celui-ci tenait son rôle de Premier ministre. "Il est désormais clair que ce gouvernement s'effondre", a dit Keir Starmer, ajoutant qu'il soutiendrait la tenue d'élections anticipées.

(Reportage du bureau de Londres; version française Nicolas Delame et Jean Terzian)