Merkel tend la main à Macron sur l'UE dans un contexte de tension

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(Crédits : Axel Schmidt)

par Noah Barkin

BERLIN (Reuters) - Angela Merkel a apporté dimanche une réponse détaillée aux propositions d'Emmanuel Macron de réformes de l'Union européenne, souhaitant éviter une tension entre Paris et Berlin au moment où se profile une guerre commerciale avec les Etats-Unis et que l'Italie inquiète ses partenaires sur le front intérieur.

La chancelière allemande sait qu'elle est engagée dans une course contre la montre alors qu'elle et le président français doivent présenter lors du prochain Conseil européen, les 28 et 29 juin, un plan commun de réforme du bloc communautaire.

Au cours de sa première année de mandat, le chef de l'Etat français a multiplié les discours et les appels en faveur d'un meilleur fonctionnement de l'Union européenne, dessinant une vision ambitieuse du fonctionnement des institutions.

Angela Merkel a vu se multiplier les critiques au cours des dernières semaines pour son relatif silence face aux propositions du président français.

La nécessité de présenter un front franco-allemand uni est devenue de plus en plus pressante alors que les populistes ont accédé au pouvoir en Italie et qu'après quelques atermoiements Donald Trump a imposé des tarifs douaniers sur les importations d'acier et d'aluminium en provenance d'Europe.

L'Allemagne est particulièrement vulnérable dans ce bras de fer commercial engagé par le président américain et plusieurs analystes notent que les menaces de Washington ont un peu plus incité la prudente Merkel à se tourner vers Emmanuel Macron.

"C'est une attitude typique de Merkel", note Henrik Enderlein, directeur de l'Institut Jacques Delors à Berlin. "Elle est sur la défensive, les gens pensent qu'elle ne va rien faire et elle sort quelque chose de son chapeau".

PROPOSITION D'UN FONDS MONÉTAIRE EUROPÉEN

Dans un entretien accordé au Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, la chancelière clarifie la position de l'Allemagne sur un certain nombre de points essentiels.

* Elle soutient l'idée de transformer le mécanisme européen de stabilité (MES), dispositif de gestion des crises financières, en un Fonds monétaire européen (FME) qui pourrait proposer des prêts à court terme aux pays en difficulté économique.

Elle précise que le FME serait en mesure d'évaluer la viabilité de la dette des Etats membres et "des instruments nécessaires pour la rétablir si nécessaire", un assentiment à la restructuration de la dette à laquelle la France est opposée.

* Elle soutient l'introduction par étapes d'un budget d'investissement de la zone euro à un niveau à deux chiffres bas en milliards qui pourrait faire partie du budget de l'Union européenne ou lui être extérieur.

* Elle plaide pour des critères communs en matière de droit d'asile, pour une police européenne des frontières et pour une agence pan-européenne des migrations qui évaluerait les demandes d'asile. Plus important, elle soutient un "système flexible" dans lequel les pays qui refusent l'accueil de migrants sur leur territoire pourraient être exemptés en échange de contributions dans d'autres domaines.

* Elle soutient l'idée d'Emmanuel Macron d'une force d'intervention européenne avec une "culture militaire stratégique commune", ouvrant la porte à une participation plus active de l'Allemagne dans le secteur de la défense.

Depuis des mois, Angela Merkel est partagée entre appuyer les propositions du président français et donner le change aux conservateurs de son parti qui reprochent à Emmanuel Macron de vouloir organiser un soutien aux Etats membres qui refusent de se réformer avec de l'argent allemand.

RAPPROCHEMENT MINIMAL

L'arrivée au pouvoir du M5S et de La Ligue en Italie n'a fait que renforcer leur scepticisme.

Le chef de l'Etat français affirme, lui, que l'Europe continuera d'être vulnérable à des chocs extérieurs tant que son fonctionnement et ses structures n'auront pas été réformés en profondeur.

Son ambition pour le budget de la zone euro dépasse nettement ce que Merkel évoque dans son entretien au FAS tout en plaidant pour une politique plus volontariste en matière de défense, une position difficile à entendre en Allemagne.

"Ce qui est bien c'est que pour la première fois Merkel dit précisément ce qu'elle pense", note Philippe Martin, ancien conseiller de Macron qui dirige le Conseil d'analyse économique (CAE). En revanche, la position de Merkel sur la zone euro, qui exclut tout fédéralisme, est une approche minimaliste, fait-il valoir.

"C'est le minimum pour qu'il n'y ait pas de désaccord important entre la France et l'Allemagne à un moment où il pourrait être extrêmement pénalisant", note-t-il.

Les deux dirigeants doivent présenter leur projet lors du Conseil européen et auront l'occasion d'en régler les détails lors d'une rencontre avec leurs ministres le 19 juin au palais Meseberg.

(Pierre Sérisier pour le service français)