Des victimes du 13/11 portent plainte pour non-assistance

reuters.com  |   |  607  mots
Des victimes du 13/11 portent plainte pour non-assistance[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

PARIS (Reuters) - Plusieurs dizaines de victimes et proches de victimes des attentats du 13 novembre 2015 ont décidé de porter plainte pour non-assistance à personne en péril, ont annoncé vendredi leurs avocats.

Ces attentats revendiqués par l'organisation de l'Etat islamique (EI) et commis par trois commandos à Paris et Saint-Denis ont fait 130 morts, dont 90 dans la salle de spectacle du Bataclan, et plus de 400 blessés.

"Pourquoi a-t-on empêché huit militaires de l'opération Sentinelle, présents devant le théâtre du Bataclan dès les premières secondes de l'assaut, d'intervenir pour tenter de neutraliser les terroristes ?" demandent Mes Samia Maktouf, Océane Bimbeau et Jean Sannier dans un communiqué.

Une question qui motive la plainte contre X qu'ils devaient déposer vendredi auprès du procureur de la République de Paris, François Molins.

"Ce qui nous anime, c'est la détresse des parents, ce questionnement sans réponse", a expliqué à Reuters Me Maktouf. "Nous voulons la réponse des responsables, de ceux qui ont donné l'ordre aux soldats de Sentinelle de ne pas intervenir."

Un brigadier-chef de la police appelé sur place ce soir-là a expliqué à une commission d'enquête parlementaire qu'il avait demandé l'autorisation d'engager ces militaires mais reçu pour réponse de la préfecture de police de Paris : "Négatif, vous n'engagez pas les militaires, on n'est pas en zone de guerre."

Selon le rapport de la commission, les soldats de Sentinelle ont aussi refusé de prêter aux policiers sur place leurs fusils d'assaut Famas, le règlement militaire le leur interdisant.

Entendu le 21 mars 2016 par la commission, le gouverneur militaire de Paris, le général Bruno Le Ray, a confirmé que "les militaires ne confient jamais leurs armes à quelqu'un d'autre".

Quant au refus d'engager ces soldats contre les trois assaillants du Bataclan, il a invoqué les règles d'emploi des militaires qui veulent "que l'on n'entre pas dans une bouteille à l'encre sans savoir ce que l'on va faire et contre qui".

MANQUEMENTS

"Il est impensable de mettre des soldats en danger dans l'espoir hypothétique de sauver d'autres personnes. (...) Ils n'ont pas vocation à se jeter dans la gueule du loup", avait ajouté le général Le Ray.

Des propos qui ont particulièrement choqué les avocats des plaignants, pour qui il n'y a "aucune explication raisonnable et légitime à la passivité fautive des militaires".

Selon Mes Maktouf, Bimbeau et Sannier, d'autres victimes et familles de victimes pourraient se joindre à leur démarche.

Ils entendent par ailleurs poser avec d'autres le 4 juillet, au tribunal administratif de Paris, la question des "manquements de l'Etat", notamment des services de renseignement.

Ils demanderont, ainsi qu'une avocate de Lille, des indemnités pour une trentaine de victimes ou proches de victimes des attentats du 13 novembre 2015.

Ils dénoncent notamment le fait que les membres des commandos aient échappé à la vigilance des services de renseignement, bien que certains d'entre eux aient été fichés, sous contrôle judiciaire ou connus de ces services.

Ils évoquent ainsi le cas de Samy Amimour, un des trois tueurs du Bataclan, fiché "S" pour radicalisation islamiste, soupçonné d'appartenir à une cellule de recrutement et sous contrôle judiciaire depuis septembre 2012.

Bien qu'interdit de sortie du territoire, il avait réussi à se faire délivrer un passeport, à aller en Syrie en septembre 2013 et à "revenir en France aussi facilement qu'il en était sorti", rappellent les avocats dans un mémoire.

Le 12 juillet, les juges d'instruction chargés du dossier doivent faire un point sur les investigations sur les attentats du 13 novembre avec les rescapés et les familles des victimes.

(Emmanuel Jarry, édité par Sophie Louet)